Je voudrais vous dire en quelques mots ce que nous avons fait, dans quel esprit, et avec quels résultats.
Nous avons agi tout de suite, dès le 27 décembre. Nous l'avons fait dans un esprit d'équilibre et de justice. Nous l'avons fait avec nos partenaires européens, en les mobilisant sous notre présidence, le 30 décembre, en appuyant ensuite les efforts de la présidence tchèque qui prenait le relais. Nous l'avons fait avec la double volonté d'obtenir un cessez-le-feu immédiat, pour épargner des vies et de la souffrance, tout en recréant les conditions d'un cessez-le-feu durable, qui garantisse la relance du processus de paix.
La France est lucide sur le partage des responsabilités dans le déclenchement des combats, et cette lucidité est la première condition de nos efforts.
Dès le 27 décembre, le jour où Israël a lancé l'offensive, nous avons condamné les provocations qui ont conduit à l'escalade. Nous avions aussi condamné le refus par le Hamas de reconduire la trêve de juin dernier et de rencontrer le président de l'Autorité palestinienne, comme la reprise des tirs de roquettes contre le sud d'Israël.
Mais nous avons condamné aussi l'usage disproportionné de la force par Israël, rappelant qu'il n'y avait pas et qu'il n'y aurait pas de solution militaire au conflit israélo-palestinien, y compris à Gaza. Nous avons appelé au plein respect du droit international humanitaire, notamment des conventions de Genève, qui prohibent toute punition collective des populations civiles en temps de conflit, comme au plein respect du droit de la guerre, qui définit l'usage licite de certaines armes. Cette position équilibrée est la seule sur laquelle on puisse bâtir la paix.
Bâtir la paix, cela veut dire d'abord obtenir l'arrêt des tirs de roquettes sur Israël, le retrait des troupes israéliennes et l'ouverture des points de passage, la levée du blocus. Cela passe nécessairement par la lutte contre la contrebande à la frontière entre l'Égypte et Gaza. Cela passe aussi par la reprise du dialogue interpalestinien entre le Fatah et le Hamas, sous l'égide d'Abu Mazen, démarche dans laquelle l'Égypte joue un rôle essentiel. Toutes ces lignes étaient en place dans le document adopté par les vingt-sept ministres des affaires étrangères de l'Union européenne, réunis à ma demande le 30 décembre, soixante-douze heures après le début des combats. À partir de là, nos efforts se sont déployés dans deux directions : sur le terrain et à l'ONU.
Sur le terrain tout d'abord. Face à l'urgence de la situation et au caractère intolérable des violences, le Président de la République a pris la décision et le risque de se rendre dans la région, en complément de la troïka européenne conduite par la présidence tchèque, rencontres auxquelles je participais. Le déplacement du Président de la République des 5 et 6 janvier l'a conduit successivement en Égypte, dans les territoires palestiniens, en Israël, en Syrie et au Liban, puis encore une fois en Égypte.
Je veux insister sur ce point : la France est l'un des rares pays qui peut parler avec les acteurs de la région, non seulement les parties prenantes – Israël et les Palestiniens –, mais encore l'Égypte, la Syrie ou le Qatar, qui sont des médiateurs indispensables.
Cette ouverture nous donne un rôle et une responsabilité particuliers. Cela ne veut pas dire que nous dialoguons avec n'importe qui, et à n'importe quelle condition. Nous avons du dialogue une conception exigeante. Le dialogue, c'est le moyen de favoriser la paix et la modération. C'est une opération réciproque, où chacun doit faire un effort. Mais on ne peut dialoguer avec ceux dont l'ambition principale et avouée est de détruire le processus de paix. Nous n'ignorons pas la réalité du Hamas, ni son succès électoral, ni son poids dans l'opinion palestinienne. Nous sommes prêts à engager avec lui un dialogue officiel dès qu'il renoncera à la violence, qu'il souscrira aux accords conclus par l'OLP et reconnaîtra Israël, comme nous le demande l'OLP elle-même. Nous avons dès à présent des contacts indirects pour lui faire passer des messages via des pays comme la Norvège, la Russie, la Turquie, la Syrie, le Qatar ou l'Égypte. Notez-le : nous ne sommes pas en compétition avec les pays que je viens de citer, ces actions parallèles sont complémentaires.
Le 6 janvier, à l'issue de cette tournée au Moyen-Orient, les présidents français et égyptien ont présenté à Charm el-Cheikh une initiative de paix fondée sur trois éléments principaux, qui reprennent et développent les paramètres que nous avions acceptés à vingt-sept à Paris.
D'abord, la cessation immédiate des hostilités en vue de l'ouverture d'un ou de plusieurs corridors humanitaires permettant l'acheminement effectif de l'aide ; l'invitation sans délai au Caire des parties israélienne et palestinienne pour discuter des garanties de sécurité susceptibles d'éviter une répétition de l'escalade et de permettre la levée du blocus, notamment en ce qui concerne l'arrêt de la contrebande d'armes vers le Hamas ; enfin, la relance des efforts égyptiens en vue d'obtenir une réconciliation palestinienne, indispensable à la relance du processus de paix.
Cette démarche doit aussi aboutir à la libération tant attendue de prisonniers palestiniens et israéliens.
Cette initiative a reçu un accueil positif de la part du président palestinien comme des autorités israéliennes. Mais elle a surtout provoqué un contexte favorable à des avancées. J'en retiens trois.
Premièrement, l'annonce par Israël d'une trêve quotidienne de trois heures, afin de permettre l'acheminement de l'aide humanitaire. C'est insuffisant, bien sûr, mais c'est déjà une avancée qui n'aurait pas été possible sans l'initiative franco-égyptienne.
Deuxièmement, la reprise des discussions entre l'Égypte et le Hamas, et le déplacement d'une délégation du Hamas au Caire.
Troisièmement, le déplacement en Égypte du collaborateur du ministre de la défense israélien Ehud Barak, le général Amos Gilad, et la reprise des négociations israélo-égyptiennes sur le contrôle de la frontière avec Gaza et la contrebande d'armes.
Voilà ce que furent nos efforts sur le terrain. Et nous poursuivons jour après jour nos contacts, nos avancées, nos reculs, nous affinons nos plans collectifs. Mais il restait à donner à cette initiative une reconnaissance plus large et une force plus grande, en obtenant le vote d'une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU. C'est ce qui a été fait, le 8 janvier, résolution qualifiée d'historique par M. Ban Ki-moon. C'est la première fois depuis 2004 que le Conseil de sécurité vote sur ce conflit du Moyen-Orient une résolution qui ne soit pas dénuée de substance. C'est la première fois que nos partenaires arabes acceptent de voter un texte qui condamne le terrorisme, qui dénonce aussi la contrebande d'armes, qui demande que la sécurité d'Israël soit garantie par un cessez-le-feu durable, en même temps que la réouverture de Gaza.
Nous n'avons pas obtenu le vote des Américains, auquel on pouvait croire pourtant jusqu'au dernier moment. Mais nous avons évité le veto, et ceci constitue une avancée très importante pour l'avenir. D'autant que Mme Rice a déclaré publiquement et fortement qu'elle soutenait le texte et ses objectifs. C'est notre premier motif de faible satisfaction : avoir rassemblé la communauté internationale autour d'une ligne équilibrée et modérée, qui est la condition indispensable du retour à la paix.
Cette ligne équilibrée se décline en une proposition concrète de sortie de crise, les principaux paramètres envisagés par les Européens le 30 décembre puis développés par l'initiative franco-égyptienne du 6 janvier : cessez-le-feu immédiat et durable conduisant à un retrait israélien et à l'ouverture de corridors humanitaires, négociations des conditions d'un cessez-le-feu permanent et durable grâce à la lutte contre la contrebande d'armes et la réouverture de Gaza, relance du processus politique de paix.
J'entends ceux qui disent : cette résolution ne sert à rien puisqu'elle n'est pas suivie d'effets et que les combats continuent.