Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui le projet de loi autorisant la ratification du protocole facultatif à la convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants des Nations Unies.
Est-il besoin de rappeler que la torture constitue l'une des violations les plus abominables des droits fondamentaux de l'homme ? En causant des blessures à la fois physiques et psychologiques, l'acte de torture anéantit la dignité de l'être humain et porte atteinte aux valeurs et principes qui fondent la démocratie et l'état de droit dans nos sociétés.
Certes, plusieurs textes internationaux adoptés sous l'égide des Nations unies proclament l'interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants : ainsi la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948, le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels du 10 décembre 1984.
Or, malgré l'existence de ces textes, le recours à la torture et aux mauvais traitements persiste – comme nous le montre l'actualité – notamment, à l'encontre des personnes privées de liberté, considérées comme des personnes vulnérables, précisément compte tenu de leur privation de liberté.
Le texte le plus abouti dans la lutte contre la torture est assurément la Convention de New York du 10 décembre 1984 qui a marqué une étape décisive en posant le principe de l'interdiction absolue de la torture en toutes circonstances. Cette convention met à la charge des États parties l'obligation de poursuivre et de punir les auteurs d'actes de torture, de permettre aux victimes de saisir la justice et de rendre effective la règle de la compétence quasi-universelle. Cette compétence dérogatoire permet à un État partie de poursuivre un auteur présumé d'actes de torture, du seul fait de la présence de celui-ci sur son territoire, même si les faits ont été accomplis par un étranger, sur un étranger et à l'étranger. Elle constitue sans conteste une avancée majeure contre l'impunité, et en faveur des droits des victimes. Au-delà, elle donne un signal fort en faveur de l'universalité des droits de l'homme – question elle aussi d'actualité.
Cette convention a par ailleurs prévu la mise en place d'un comité contre la torture chargé d'examiner, d'une part, les rapports périodiques présentés par les parties et, d'autre part, les communications individuelles, ou « plaintes », présentées par les particuliers qui estiment être victimes de l'État dont ils relèvent au motif que ce dernier ne respecterait pas ses obligations conventionnelles.
Le protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants constitue une avancée majeure en matière de protection des droits de l'homme. Il vient renforcer la panoplie des instruments normatifs élaborés sous l'égide des Nations unies dont le dernier en date est la convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, dont la ratification a été autorisée par votre assemblée le 12 juin dernier – voilà encore un sujet que l'actualité nous rappelle régulièrement.
L'apport principal de cet instrument est qu'il contribue davantage à lutter, de façon préventive – ce qui est une novation –, contre la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants.
Je voudrais insister sur le fait qu'il s'agit du premier instrument, à vocation universelle, instituant un mécanisme de visites préventives des lieux de privation de liberté destiné à rendre plus effective l'interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
À cet effet, le protocole prévoit deux mécanismes indépendants, d'une part, au niveau international et, d'autre part, au niveau national.
Au niveau international, l'article 2 du protocole crée un sous-comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradant : le sous-comité au Comité contre la torture des Nations unies créé par l'article 17 de la convention du 10 décembre 1984. Le sous-comité peut visiter les lieux de privation de liberté dans les États parties et fournit à ces dernier, ainsi qu'aux mécanismes nationaux de prévention créés au niveau national, toute aide et assistance « afin de renforcer la protection des personnes privées de liberté ». Par la ratification de cet instrument, la France pourra jouer un rôle actif au sein de ce sous-comité.
Conformément aux articles 6 et 7 du protocole, le sous-comité fut institué à l'issue de la réunion des États parties qui s'est tenue le 18 décembre 2006.
Au niveau national ensuite, le protocole, dans son article 17, impose aux États parties l'obligation de mettre en place, un an au plus tard après son entrée en vigueur, un ou plusieurs mécanismes nationaux indépendants de prévention de la torture et autres peines.
Mesdames et messieurs les députés, comme vous le savez, la France a mis en oeuvre par anticipation le volet « mécanisme national de prévention » du protocole. En effet, par la loi du 30 octobre 2007, instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté, le Gouvernement s'est mis en conformité avec le protocole.
Conformément aux exigences du protocole, le contrôleur général est une institution indépendante. Son indépendance est consacrée par la loi qui précise qu'il bénéficie d'une immunité juridictionnelle, qu'il exerce un mandat non renouvelable et qu'il ne peut être mis fin à ses fonctions qu'en cas d'empêchement. De même, il dispose de toute liberté pour recruter des contrôleurs et des collaborateurs et il gère librement son budget.
Par ailleurs, les personnes privées de liberté étant par principe vulnérables, le contrôleur général dispose d'une compétence couvrant tous les lieux de privation de liberté où il peut effectuer des visites soit à l'improviste, soit de façon programmée. Sont concernés les établissements pénitentiaires, les locaux de police et de gendarmerie, les zones d'attente et les locaux de rétention administrative, les centres éducatifs fermés, les locaux disciplinaires dans les enceintes militaires, les locaux de rétention douanière, ainsi que les établissements hospitaliers où se trouvent des personnes enfermées contre leur volonté. Le Gouvernement a ainsi fait le choix de créer une autorité unique chargée d'effectuer des visites dans tous les lieux de privation de liberté donnant à ce dispositif plus de cohérence et de visibilité.
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté peut être directement saisi par « toute personne physique, ainsi que toute personne morale s'étant donnée pour objet le respect des droits fondamentaux », mais également se saisir de sa propre initiative. Il n'y a donc aucune restriction à la saisine de cette institution par les victimes elles-mêmes ou les associations de défense des droits de l'homme.
Si lors de ses visites le contrôleur découvre des faits susceptibles d'être qualifiés d'infraction pénale, il a la possibilité de saisir le procureur de la République ainsi que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire. Il peut même, en dehors du rapport annuel qu'il remet au Président de la République et au Parlement, rendre publics ses rapports de visite, après avoir fixé un délai de réponse à l'administration concernée.
Ainsi, mesdames et messieurs les députés, le protocole facultatif à la convention contre la torture, dont le projet de loi autorisant la ratification vous est soumis aujourd'hui, marque un pas important vers une meilleure prévention des actes de torture et, par le fait, vers plus de respect de la dignité et de l'intégrité de la personne humaine.
En autorisant la ratification de ce protocole par la France, vous réaffirmerez le caractère central de l'intégrité de la personne humaine dans le dispositif de protection des droits de l'homme. Vous rappellerez aussi la responsabilité particulière de notre pays, patrie des droits de l'homme. Enfin, vous permettrez à notre pays d'occuper la place qui est la sienne dans le dispositif des Nations unies, mis en place par le protocole facultatif, celui du sous-comité international de prévention de la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants.
Telles sont, mesdames et messieurs, les principales observations qu'appelle le protocole facultatif à la convention contre la torture qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)