Cette disparition n'est pas non plus innocente : elle marque le glissement, la « fongibilité asymétrique », dirait Mme Létard, du public vers le privé, alors que le mouvement fondé sur une prise de conscience de la nécessité d'une régulation devrait aller en sens inverse, puisque la médecine libérale est financée en totalité par l'argent public.
Où est en effet, dans ce projet de loi, l'ambition pour l'hôpital public ?
Vous énumérez dans ce texte les missions de service public, mais non pas pour affirmer, comme nous l'attendons, que l'État se fait un devoir de garantir qu'elles soient parfaitement assurées et que tous, dans tous les territoires, y aient un égal accès. Qu'entendons-nous, au contraire ? Qu'en cas de carence ou d'absence du service public, l'exercice en sera transféré au privé. Sous-entendu : si les moyens de l'hôpital public ne lui permettent pas de remplir ces missions, et c'est en ce moment le cas, nous les confierons de facto au système privé.
C'est un exercice souterrain mais régulier : en dix ans, Jean-Marie Le Guen le rappelait, les dépenses de soins de ville ont augmenté de 70 %, l'ONDAM hospitalier de 50 %.
Pour masquer ce transfert, vous rendez confuses les limites entre privé et public – ouverture de secteur privé ; embauche sur contrat, c'est-à-dire paiement masqué à l'acte ; médecins mercenaires –, déséquilibrant ainsi les revenus entre médecins d'une même équipe, déséquilibrant cette équipe, et ce au lieu de réévaluer et de mieux réguler la grille salariale des praticiens.
Plus grave encore : la fonction même, la part de responsabilité du médecin , dans cet hôpital public qu'il a choisi de servir, est dévalorisée, jusqu'à ce qu'il ne soit plus en charge, au sein de la CME, de l'élaboration du projet médical. Vous nous dites, légitimement, vouloir retenir les médecins à l'hôpital, mais la reconnaissance de leur rôle de concepteur du projet médical, et de celui de leurs instances, est au moins aussi importante pour cela que ces bouffées d'exercice privé que vous faites entrer dans nos services.
Ce médecin mercenaire,…