Madame la ministre, mes chers collègues, il y a un peu plus de quatre ans, cette majorité, d'un ton péremptoire, adoptait un projet de loi visant à réformer l'assurance maladie et notre système de santé particulièrement injuste et inefficace. Aujourd'hui, faudrait-il vous féliciter de ce que votre projet de loi semble aborder de vrais problèmes tout en laissant – tel est du moins notre sentiment – à vos successeurs le soin de les résoudre ?
Je rappellerai quelques-uns des sujets qui, lorsqu'ils sont énoncés, font consensus sur de nombreux bancs de notre assemblée.
Nous savons tous qu'un des défauts majeurs de notre système de santé est d'avoir négligé, voire oublié la santé publique, notamment les politiques de prévention. Nous avons donc toutes les raisons de penser qu'un projet de loi relatif à la santé doit comporter un chapitre sur la santé publique. Or nous ne sentons pas – c'est le moins qu'on puisse dire – la volonté politique du Gouvernement en la matière. Il est vrai qu'à plusieurs reprises, en dépit de vos avis, vous avez été arbitrée de façon tout à fait négative, comme on dit en langage gouvernemental. C'est ainsi que le Red Bull a été autorisé ou que vous n'avez pas pu mettre en oeuvre certaines dispositions dans la lutte contre l'obésité. Aussi ne sommes-nous pas très étonnés de constater aujourd'hui que le chapitre « Santé publique » consiste, pour l'essentiel, à ouvrir une page blanche.
Un autre sujet concerne le système de soins – je pense du reste qu'il est abusif de parler d'un « système ». Nous sommes nombreux à considérer sur tous les bancs de cette assemblée qu'il existe une situation d'urgence sanitaire, non pas, il est vrai, sur tout le territoire ; c'est pourquoi la désertification médicale, qui gagne mois après mois, ne concerne encore aujourd'hui qu'une partie de nos compatriotes. J'entends néanmoins de très nombreux collègues, sur tous les bancs de l'Assemblée, s'inquiéter profondément de la situation.
De même, nous nous inquiétons, comme l'ensemble de nos concitoyens, de la généralisation des dépassements d'honoraires qui, s'ajoutant aux différentes franchises que vous avez imposées depuis la loi Bertrand–Douste-Blazy, représentent autant de barrières financières à l'accès aux soins.
Faut-il également rappeler que, dans plus de dix de nos départements, la permanence des soins n'est pas assurée ? Doit-on à Noël, ou un autre jour, aller constater l'engorgement des systèmes d'urgence à l'hôpital, qui demeurent le seul référent des parcours de soins du fait que ces derniers manquent de clarté aux yeux de nos concitoyens ?
Madame la ministre, nous pensons que le modèle libéral traditionnel de la médecine est aujourd'hui en crise, qu'il est même caduc : c'est là une divergence majeure entre nous, laquelle porte non pas tant sur le diagnostic que vous sembliez établir il y a quelques mois que sur la réalité de la politique que vous menez.
En effet, dans vos déclarations, vous avez reculé par rapport à certains des engagements qui étaient encore les vôtres il y a seulement quelques semaines, lorsque vous donniez à penser que le Gouvernement, comme il le promettait déjà depuis plusieurs mois, allait enfin agir.
En laissant à la médecine libérale le temps de faire chaque jour un peu plus la preuve de son inefficacité, vous abandonnez nos concitoyens à des déserts médicaux, véritable urgence dont vous devriez vous saisir sans attendre. C'est alors que, les débats approchant sans que les conventions médicales progressent, vous invoquez la concertation, la négociation, la spontanéité de la résolution des problèmes, quand ce n'est pas le temps nécessaire à la mise en place des solutions.
Votre texte s'appuie sur les agences régionales de santé : elles sont la solution magique de votre système, comme, il y a quatre ans, le dossier médical personnel, qui devait tout organiser, permettre de fournir des informations au patient et économiser, nous disait-on, 4,5 milliards d'euros ! Aujourd'hui, où en sommes-nous ?
De la même façon les ARS ne sont qu'un nouvel acronyme à trois lettres venant, comme par magie, résoudre tous les problèmes. Madame la ministre, où les ARS trouveront-elles le courage politique qui fait aujourd'hui défaut à cette majorité pour agir ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Si vous n'avez pas le courage de remettre en cause certains des principes de fonctionnement de la médecine libérale, à commencer par le monopole du paiement à l'acte et par les formes d'organisation et de regroupement des professionnels de médecine, comment voulez-vous que les ARS trouvent celui de le faire ? Si vous ne créez pas les cadres juridiques le permettant, comment voulez-vous que demain les ARS disposent des instruments dont elles auront besoin ?