Alors, de deux choses l'une : soit cette carte existe et il faut l'afficher et l'assumer ; soit elle n'existe pas, comme vous nous le dites souvent, et cela signifie que le pilotage sanitaire des territoires se fait à vue, au fil de l'eau, à partir de critères purement comptables et arithmétiques, sans évaluation de la qualité réelle ni souci des contraintes géographiques. Je crains que ce ne soit, au fond, la stratégie que vous avez souhaitée. On m'objectera que cette carte trouve son fondement dans les SROSS. Mais les restructurations actuelles, vous le savez parfaitement, madame la ministre, vont bien plus loin que les SROSS et ne les respectent pas.
L'accès aux soins aurait dû être l'une des priorités de ce projet. Cela vaut pour les hôpitaux de proximité, car le désert médical s'aggrave. Pour ne pas l'avoir anticipé, pour avoir refusé de le traiter, notre pays le subit. Vous l'avez vous-même confirmé et je vous renvoie, mes chers collègues, au rapport que Marc Bernier a rédigé pour notre mission d'information parlementaire.
Le désert médical, nous le vivons. Je le vis dans le monde rural comme beaucoup d'entre nous. Le ras-le-bol, le burn out atteignent la majorité des médecins ruraux surchargés. Ils les poussent au départ. La relève des générations s'éloigne irrémédiablement.
Dans les quartiers des banlieues, à la périphérie de nos grandes villes, il fait les mêmes ravages. Nous l'avons vu en Seine-Saint-Denis avec la mission parlementaire, comme à Clichy-sous-Bois, où les urgences psychiatriques pour les adolescents étaient disponibles en 2008, mais à six mois.
Les inégalités sociales sont tout aussi gravissimes, peut-être plus encore que les inégalités géographiques. Ces inégalités sont profondes, souvent amplifiées par vos décisions, et aggravées par la crise.
L'étude du Secours populaire d'octobre 2008 le confirme, la dégradation de la santé se conjugue avec la dégradation du pouvoir d'achat. La pauvreté atteint désormais de nouvelles catégories sociales de salariés et de retraités. Selon cette étude, 39 % des Français ont déjà retardé un soin ou y ont renoncé en raison de son coût, 22 % des Français percevant moins de 1 200 euros par mois se déclarent insatisfaits de leur état de santé. Le renoncement aux soins devient monnaie courante.
Face à l'augmentation du reste à charge, vous proposez la hausse de l'aide à la mutualisation. Il reste qu'un très grand nombre de Français sont peu ou mal couverts. Selon l'étude de l'OFCE parue en septembre 2008 sur la participation financière des patients et l'équilibre de l'assurance maladie, 32 % des personnes sans assurance complémentaire refusent de se soigner.
L'augmentation des tarifs, l'insuffisance de prise en charge de nombreux frais, dentaires et optiques en particulier, l'étude de la DRESS du mois d'octobre 2008 le rappelle, font partie des causes de la fracture sanitaire.
Entre le logement, les dépenses alimentaires, le prix du carburant et la santé, il faut choisir. Pour les plus modestes, en dépit de la prise en charge à 100 %, il faut ajouter les franchises sur les boîtes de médicaments. Si, à cela, s'ajoutent des frais de transports croissants, l'accès aux soins s'en trouve affecté.
Le droit à la santé régresse, à la ville comme à la campagne, en raison de la désertification médicale. L'offre ne correspond pas aux besoins, et surtout pas aux moyens.
La question de l'accès aux soins ne se traite pas uniquement en réorganisant l'offre, car la dimension financière reste le facteur d'exclusion et d'inégalité le plus prégnant, le plus choquant, mais aussi le plus absent de votre loi.