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Intervention de Bernard Derosier

Réunion du 30 octobre 2007 à 21h30

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Derosier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où nous débattons du budget de la sécurité civile, le député du Nord que je suis, président du SDIS de son département, se doit de rendre hommage à Daniel Hosdez, adjudant des sapeurs-pompiers volontaires disparu tragiquement le 10 octobre dernier dans l'exercice de sa mission. J'ai une pensée toute particulière pour l'ensemble des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires qui oeuvrent avec dévouement au service de leurs concitoyens et qui ont, cette année encore, payé un lourd tribut dans l'accomplissement de leur mission.

Le volet « Sécurité civile » du projet de loi de finances pour 2008 constitue un enjeu essentiel, car prévenir les dangers, secourir, protéger et sauver les victimes, font parties des fondements de notre pacte social. L'État doit être le garant du cadre général de la protection des populations. Or comment ne pas ressentir une profonde déception à la lecture du projet de budget pour la mission « Sécurité civile » ? Je constate en effet avec regret que ce budget prévoit une enveloppe de 418 millions d'euros pour assurer la mission « Sécurité civile », alors qu'il y consacrait 429 millions en 2007. Le budget présenté aujourd'hui est donc en baisse de 11 millions d'euros, soit 2,5 %.

La sécurité civile fait ici réellement figure de parent pauvre des missions inscrites dans le périmètre du ministère de l'intérieur. Que représentent, en effet, 418 millions d'euros sur un budget total de 15,68 milliards d'euros ? Nous sommes là au coeur des problématiques de sécurité civile et, à n'en pas douter, cette mission est insuffisamment prise en compte par l'État.

Le Gouvernement persiste d'ailleurs à donner à la mission « Sécurité civile » une dimension uniquement ministérielle, alors que nous savons tous que la sécurité civile est par essence une mission interministérielle, qui relève des compétences d'autres missions et programmes gérés aux ministères de l'écologie et du développement durable, de l'agriculture, de la santé ou des transports. Il me semble donc indispensable de consolider la cohérence de l'intervention de l'État dans ce domaine, dont la dimension interministérielle doit être renforcée.

L'an dernier, déjà, j'avais exprimé mon inquiétude quant à l'absence de visibilité de l'intervention des collectivités territoriales – surtout des départements – dans la sécurité civile en France. Il y a tromperie sur la marchandise, puisque le Gouvernement s'obstine à dissimuler la participation des collectivités au financement de la mission. J'en donnerai un exemple qui montre bien le décalage entre le texte proposé et la réalité : les services départementaux d'incendie et de secours prennent en charge la plus grande part des missions de secours et les dépenses qui en résultent, pour un montant global supérieur à 4,7 milliards d'euros, en constante augmentation, quand le Gouvernement se contente de prévoir une enveloppe « Sécurité civile » de 418 millions, en recul de 11 millions !

Il n'est pas inutile de rappeler que ces dépenses pèsent essentiellement sur les finances départementales. Les crédits proposés, marqués par une baisse notable de 2,5 % par rapport à 2007, sont révélateurs du peu de considération dont l'État fait preuve à l'égard des financeurs locaux engagés dans cette mission. Il est inadmissible que l'État se désengage de la sorte en laissant les départements supporter seuls le développement et la modernisation des SDIS – à moins qu'il ne faille tirer toutes les conclusions de cette situation et mettre fin au partage de responsabilités entre le préfet, représentant de l'État, et le président du SDIS, chargé de la mise en oeuvre des mesures fonctionnelles. Il apparaît donc plus que jamais nécessaire que la place de l'État dans la sécurité civile et des SDIS soit clairement définie.

Pour faire face aux évolutions du monde, à ses nouvelles menaces et aux exigences croissantes de nos concitoyens en termes de sécurité, de santé et d'environnement, il eût fallu un budget ambitieux et audacieux. Or c'est exactement l'inverse qui nous est proposé.

Je reprendrai quelques exemples qui démontrent le désengagement de l'État vis-à-vis de la mission « Sécurité civile ».

L'évolution du FAI, le fonds d'aide à l'investissement des SDIS, pose la question de la nature et du niveau des contributions de l'État au financement des SDIS. Le FAI, créé par la loi de finances pour 2003, était destiné à soutenir les SDIS dans leurs efforts d'investissement en équipement et matériels. C'est à dessein que je parle au passé, car le FAI n'est plus aujourd'hui qu'une coquille vide. En effet, comment interpréter autrement le montant de 28 millions d'euros proposé dans ce projet de loi de finances, alors que les autorisations de paiement prévues pour le fonds étaient fixées à 67 millions d'euros pour 2006, et 37,5 millions d'euros pour 2007 ? De plus, le montant global du FAI reste fort modeste au regard des dépenses supportées par les collectivités territoriales.

Le FAI, dans sa forme actuelle, n'est pas adapté aux problèmes à résoudre. On peut notamment lui reprocher l'absence de pertinence des investissements, et surtout la complexité des procédures, qui rend les crédits alloués difficilement consommables. Il faut donc réfléchir de manière urgente à sa réévaluation ou, tout au moins, aux procédés permettant de maintenir un niveau constant. Pour ce faire, vous avez bien tenté de réorienter, par une circulaire du 5 février 2007, les crédits destinés au FAI inscrits au budget 2007, afin d'intégrer les critiques formulées lors des débats parlementaires ou par la Cour des comptes. Cette démarche paraît toutefois bien insuffisante face à l'ampleur des difficultés auxquelles le FAI est confronté.

Il y a une contradiction à, d'un côté, renforcer la sécurité des sapeurs-pompiers en intervention et harmoniser les moyens des services départementaux d'incendie et de secours, et, de l'autre, à diminuer des crédits liés à ces objectifs. En réalité, les collectivités sont une fois de plus placées devant le fait accompli et n'auront d'autre alternative que de compenser le désengagement de l'État.

Je voudrais aborder la question de la contribution des communes et des EPCI, les établissements publics de coopération intercommunale, au budget des SDIS, puisque le Président de la République en a fait l'un des thèmes de son intervention devant le congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers.

Le plus urgent est, selon moi, de trouver des solutions équitables et adaptées afin que ni les communes et leurs groupements, ni les départements, ne soient à nouveau comptables du désengagement financier de l'État. La loi de 2002 prévoyait la fin de la participation des collectivités locales au 1er janvier 2006. Depuis 2004, cette question n'a jamais été définitivement tranchée. Les reports de la mesure au 1er janvier 2008, puis au 1er janvier 2010, confortent mes inquiétudes et ne sont pas sans conséquence. Je souhaite qu'une solution claire soit trouvée. Actuellement, les contributions des communes et établissements publics de coopération intercommunale sont plafonnées, et n'évoluent qu'en fonction de l'inflation. De fait, chaque report de la mise en oeuvre de cette mesure est lourd de conséquences sur les budgets départementaux, qui accusent de la sorte une forme de « manque à gagner ». Or les dépenses liées aux nouvelles mesures applicables aux SDIS sont loin d'êtres neutres. Le manque de cohérence de l'organisation actuelle aboutit à un système dans lequel l'État décide et les départements paient.

Pour ce qui est du secours aux personnes, je constate une mauvaise articulation des interventions des sapeurs-pompiers et des services d'urgence médicale. Ce problème a d'ailleurs été dénoncé récemment par le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers. Les secours aux personnes et les secours routiers représentent près de 70 % des interventions des SDIS, ce qui équivaut à près de 2,8 millions de sorties par an. Il faut chercher les causes de l'importance de ce chiffre aussi bien dans la carte médicale du territoire, qui révèle de véritables « zones blanches » en matière d'accès aux soins, que dans la mauvaise coordination des services et dans le déclenchement parfois intempestif des secours.

Nous ne pouvons laisser perdurer ce conflit entre les SDIS, les SAMU, les SMUR ou les ambulanciers, car ce sont les citoyens qui en seront les premières victimes. La santé publique est une responsabilité de l'État. Elle ne doit pas faire les frais d'un contentieux stérile. Ne nous y trompons pas, le risque est bel et bien présent : l'État n'est-il pas tenté de transférer totalement le secours aux personnes vers les SDIS, et donc son financement vers les départements, bien évidemment sans compensation ? Je vous pose la question, monsieur le ministre. La clarification des domaines d'intervention de chacun des intervenants est donc nécessaire pour sauver notre système actuel de santé publique. Les enjeux en la matière sont énormes et pèseront les prochains mois sur l'équilibre général de la mission « Sécurité civile ».

Enfin, j'aimerais être rassuré sur les moyens prévus par l'État pour faire face à une éventuelle pandémie grippale. Si l'on peut penser que la question a été examinée du point de vue sanitaire, je ne suis pas sûr que toutes les dispositions aient été prévues du point de vue de la sécurité civile. J'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous informiez sur cette question et que vous nous confirmiez que vous avez bien la volonté politique de préparer les services de sécurité civile à faire face à une telle situation.

Cette année encore, le projet présenté entretient plus la confusion qu'il n'apporte de réponse quant à l'avenir de ce grand service public qu'est la sécurité civile, et vous comprendrez, monsieur le ministre, que je ne puisse partager l'enthousiasme de mon collègue Georges Fenech à son sujet. Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche ne peut se satisfaire des crédits de la mission « Sécurité civile » et votera par conséquent contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

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