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Intervention de Germinal Peiro

Réunion du 1er avril 2008 à 15h00
Organismes génétiquement modifiés — Exception d'irrecevabilité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGerminal Peiro :

Mais nous luttons pour que cela soit partagé par tous, durablement. La recherche doit être développée, dans des conditions strictes de contrôle, en favorisant les laboratoires publics. Mais cela ne veut pas dire que la production commerciale des plantes OGM actuellement développées doive être admise.

Pour nous, l'innovation n'a de sens qu'éthique, partagée pour le bien commun, et non si elle est l'objet d'une privatisation, d'une captation au profit de quelques-uns qui ne se soucieraient pas de l'avenir commun. Nous devrions tous sur ces bancs partager cette vérité énoncée par l'historien français Jean-Pierre Vernant : « La science peut s'exprimer sur la question des faits, sur la question des causes, mais pas sur celle du sens. »

Or nous savons que les faits sont encore gravement incertains. Quant à l'altruisme des semenciers, il est douteux. Les risques existent, et il reste difficile de porter des jugements incontestables. Le comité de préfiguration de la Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés a d'ailleurs démontré que les risques imposaient la mise en oeuvre de la clause de sauvegarde prévue par les textes européens. Le comité met en avant l'apparition d'éléments nouveaux sur la dissémination et sur les effets toxiques potentiels à long terme. Il fait état de questionnements insuffisamment pris en compte.

Nous pouvons tout de même légitimement nous demander s'il est plus raisonnable d'ingérer des molécules de pesticide directement bombardées au sein même de la plante par la technique de la transgenèse, que des résidus de pesticides épandus sur les champs. Permettez-nous de poser la question, et de vouloir avoir des réponses avant de faire des choix.

Mais le projet de loi ne tient aucun compte de la demande du comité d'une réflexion sur le protocole d'essais. C'est très inquiétant parce que cela signifie que la majorité oublie le rapport du comité et ses conclusions. N'est-ce pas d'ailleurs des rangs de votre majorité que se sont fait entendre les plus vives critiques contre ce rapport ? Même le président de notre assemblée a pris ouvertement partie dans ce dossier, fustigeant le président du comité de préfiguration de la Haute autorité pour sa prudence. (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Il y aurait donc urgence à prendre des risques ! Pis, les travaux en commission ont montré que vous souhaitiez museler les membres du Haut conseil, créé par le texte en remplacement de la Haute autorité. Celle-ci est victime de sa position de prudence. La transparence aurait des limites.

Le projet de loi porte ici les stigmates de la violence des choix opérés par la majorité en faveur d'une technologie érigée au rang de nouveau dogme. (« Exactement ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Tout se passe comme si l'heure de la revanche avait sonné.

Ce comportement est tout à fait contradictoire avec l'idée même de développement de la science, que certains dans vos rangs mettent en avant pour accélérer les disséminations volontaires. Peut-être faut-il vous rappeler qu'il n'y a pas de progrès scientifique sans acceptation du doute. Le doute et la discussion ont fait les Lumières. C'est par le doute qu'un scientifique fait progresser la science. Sans lui, il n'est qu'un disciple. Et « seul le disciple fait légitimement le “sacrifice de l'intellect” en faveur du prophète » rappelait le sociologue allemand Max Weber. Dans cette affaire, vous faites le sacrifice de l'intellect.

En cela, votre comportement nous rappelle ces préceptes de Bernard Gui, grand inquisiteur du xive siècle, tirés de son manuel de l'inquisiteur : « Si quelqu'un discutait ouvertement et manifestement contre la foi, en alléguant les arguments et autorités sur lesquels les hérétiques ont coutume de s'appuyer, celui-là serait facilement convaincu d'hérésie par les fidèles instruits de l'Église, puisqu'on l'estimerait hérétique du fait même qu'il tente de défendre l'erreur. »

Nous savons ce qu'il advenait de ceux qui étaient convaincus d'hérésie. Le projet de loi comporte d'ailleurs un article absolument extraordinaire, qui crée un délit spécial de destruction des champs OGM.

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