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Intervention de Antoine Herth

Réunion du 1er avril 2008 à 15h00
Organismes génétiquement modifiés — Discussion d'un projet de loi adopté par le sénat après déclaration d'urgence

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Herth, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire :

Au-delà des rapports du Grenelle, j'ai également pu m'appuyer sur les travaux de la mission Le Déaut-Ménard et sur le rapport de notre collègue Marc Laffineur, que je remercie pour leur contribution.

Lors de mes auditions, j'ai également tenu à rencontrer la plupart des participants au grand débat national – qui m'ont permis, en quelque sorte, d'« instruire à charge et à décharge » –, les instances européennes – les trois directions générales en charge du dossier OGM à Bruxelles : agriculture, environnement, santé-consommation – et les députés européens qui portent ce dossier au Parlement de Strasbourg.

Enfin, je voudrais tout particulièrement remercier le président Ollier d'avoir permis deux déplacements sur le terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il s'agissait d'abord d'une visite à l'Institut biomoléculaire des plantes de l'Université Louis-Pasteur de Strasbourg. Un dialogue très enrichissant avec ses chercheurs de tout premier plan, m'a permis de prendre conscience des perspectives considérables de la génomique, mais aussi de la somme des questions qui restent aujourd'hui sans réponse. Un signal fort du Parlement en faveur de la poursuite et de l'amplification de ces recherches me paraît indispensable pour être un jour en mesure de répondre à nombre d'interrogations de nos concitoyens.

La seconde étape m'a conduit à l'INRA de Colmar, qui poursuit une expérimentation appliquée à la vigne. Au-delà du thème choisi, l'intérêt de cette recherche se situe dans ce qu'il est convenu de nommer l'« évaluation technologique interactive » permettant à des représentants associatifs, à des professionnels et à des chercheurs d'examiner conjointement les questions posées par la transgénèse, de valider un protocole d'essai et de suivre sa mise en oeuvre. Cet exemple m'a convaincu que notre assemblée doit garantir la transparence à travers un dialogue constructif et ouvert.

J'en viens à présent au projet de loi lui-même. Il s'articule autour de plusieurs chapitres, dont le premier est exclusivement consacré à la nouvelle instance d'évaluation, que le Sénat a renommée « Haut conseil des biotechnologies ». Il nous faut garantir l'indépendance et la transparence de cette instance d'expertise, lui donner les moyens matériels de mener ses travaux, ce qui sera à la fois un gage d'efficacité et d'attractivité du Haut conseil. Les polémiques malheureuses autour du comité de préfiguration risquent, en effet, de décourager nos experts les plus qualifiés. Il me paraît donc important de mieux valoriser ces fonctions d'expert dans la carrière des chercheurs.

La loi prévoit d'élargir le champ de compétences du Haut conseil en le dotant, à côté du comité scientifique qui reprend les compétences de l'actuelle Commission du génie biomoléculaire – CGB –, d'un comité dit « de société civile », qui sera chargé d'émettre des recommandations d'ordre économique, éthique et social. Nous retrouvons là aussi l'esprit du Grenelle, qui nous appelle à élargir notre champ de vision sur ces questions sensibles pour l'environnement, et je m'en réjouis.

En revanche, il convient de ne pas confondre le temps des experts et celui de la politique à qui revient, en définitive, la décision en matière d'OGM et la responsabilité d'en assurer la bonne exécution. De ce fait, il serait souhaitable que le Haut conseil s'impose un principe de parcimonie en matière de communication, en s'inspirant, par exemple, des pratiques déontologiques en vigueur dans nos agences d'évaluation.

L'autre point fort de ce texte de loi concerne les règles de transparence, de coexistence des cultures et de responsabilité, qu'il nous appartient de préciser afin de garantir le libre choix de tous. Dans un souci de clarté, la commission des affaires économiques propose de réorganiser les chapitres II et III pour aboutir à une meilleure articulation du texte. La mise en oeuvre éventuelle des OGM sera donc strictement encadrée : demande d'autorisation préalable, évaluation indépendante des risques, transparence des localisations, mise en oeuvre de bonnes pratiques pour prévenir les disséminations non souhaitées, enfin les sanctions en cas de non-respect incluant, le cas échéant, la destruction des cultures.

Pour parfaire le dispositif, je vous proposerai un amendement permettant d'assurer, à la demande des maires et avec l'aide de l'autorité administrative, une meilleure information des populations dans l'esprit des travaux menés par l'INRA, et un autre permettant à l'INAO de proposer à l'autorité administrative des prescriptions particulières concernant les signes officiels de qualité, afin de répondre aux préoccupations des producteurs.

La coexistence suppose aussi la couverture du risque économique. Il appartient à une future filière OGM de se doter des moyens financiers, y compris assuranciels, lui permettant de couvrir la responsabilité sans faute des exploitants en cas de présence fortuite d'OGM chez d'autres producteurs. Ce système permettra, en effet, d'éviter des procédures de recherche de responsabilité complexes en se concentrant sur la réparation du préjudice, sous forme d'un échange de produit ou d'une indemnité financière qui devra couvrir la différence réelle entre le prix du produit et ce qu'il aurait été s'il n'avait pas été étiqueté.

Enfin, il convient d'intégrer dans les règles de coexistence et les principes de réparation les besoins particuliers de l'apiculture.

Les derniers chapitres du texte de loi sont, je le rappelle, consacrés à la transcription de la directive européenne sur les utilisations confinées des OGM.

Enfin, je veux aborder, une fois de plus, la question de l'expertise. Celle-ci ne constituait pas un axe prioritaire dans le projet de loi initial, mais l'on peut se réjouir des améliorations apportées par les sénateurs sur ce point. Cependant, après expertise, les dispositions de l'article 11 bis semblent peu opérationnelles. Je me suis donc employé à trouver un dispositif alternatif moins coûteux. C'est le sens d'un amendement que je présenterai visant à rendre plus attractifs les dispositifs « jeunes entreprises innovantes » et « jeunes entreprises universitaires » pour les entreprises qui se créent dans le secteur de la génomique végétale.

Le Haut conseil des biotechnologies n'ayant pas de personnalité morale, il ne pourra disposer d'un budget dédié. Cependant, je compte sur notre vigilance collective pour que, lors de l'examen annuel du projet de loi de finances, des moyens suffisants soient bien affectés au fonctionnement de cette instance.

Mes chers collègues, la presse nous annonce que ce débat sera houleux. Il est vrai que le lobbying, le plus souvent initié par les anti-OGM (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) a pris des proportions rarement atteintes dans ces murs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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