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Intervention de Jean-Louis Borloo

Réunion du 1er avril 2008 à 15h00
Organismes génétiquement modifiés — Discussion d'un projet de loi adopté par le sénat après déclaration d'urgence

Jean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire :

La France, en application du principe de précaution, a fait jouer la clause de sauvegarde et notifié sa décision à Bruxelles. Depuis, la Roumanie a pris la même position. Au dernier Conseil européen, le Gouvernement français a demandé que soient réévaluées les procédures d'expertise européennes en matière d'autorisation d'OGM, car il n'est pas possible que subsistent des avis différents selon les pays membres, comme c'est le cas actuellement. Notre pays a été suivi par une majorité d'États membres. Le commissaire à l'environnement vient d'exprimer un avis défavorable à la demande d'autorisation du maïs Bt 11. Des questions sont donc posées sur les effets complexes des opérations sur le génome, et pas seulement en Europe : aux Nations unies, en Australie, en Chine ou en Inde. La situation au moment où nous lançons le débat est claire : l'année dernière, 22 000 hectares de maïs Mon 810 étaient cultivés en France ; aujourd'hui, plus aucune surface ne l'est.

Dans ces conditions, le débat peut s'engager de façon plus sereine, afin d'élaborer un cadre satisfaisant, scientifiquement et juridiquement. Comme l'ont montré les discussions au Sénat, lors de la première lecture, un débat approfondi est possible sur un sujet d'une extraordinaire complexité, qui suscite dans l'esprit de chacun des interrogations sincères et légitimes.

Les biotechnologies font partie des perspectives incontournables du xxie siècle. Elles contiennent peut-être des solutions au traitement des maladies neurodégénératives ; elles sont une des directions de recherche en agriculture, peut-être une des voies possibles pour réduire les besoins en eau des cultures. En tout état de cause, elles font partie des technologies que nous devons absolument regarder de près, parce qu'elles recourent à des procédés souvent inédits et toujours puissants déjà pratiqués sur les végétaux et les animaux ; parce qu'elles occupent une grande place dans la guerre des brevets ; parce que leurs effets, touchant à l'organisation même du vivant, sont encore plus complexes que ceux des procédés chimiques ou physiques. Les biotechnologies comptent déjà parmi les techniques qui auront le plus d'incidence sur nos activités, nos conceptions du vivant et bientôt sur nous-mêmes. Notre honneur politique est d'en sortir par le haut : il s'agit de faire de ces technologies ce que nous voulons, non de nous y soumettre.

C'est dans ce contexte que ce projet de loi, que Nathalie Kosciusko-Morizet va vous expliciter plus avant, entend mettre un terme à plusieurs années de non-dits, de laisser faire et, pour tout dire, d'irresponsabilité.

La société est extrêmement attentive aux nouvelles technologies, surtout lorsqu'elles concernent le vivant et l'alimentation. Elle nous a demandé de dépasser la polémique, les a priori, de dépasser le temps médiatique et les approches sectorielles étroites. C'est ce qu'a exprimé le consensus du Grenelle de l'environnement le 25 octobre dernier.

À l'unanimité de tous les collèges, – je me permets de vous en relire les termes exacts ; c'est à la page 19 – il a été demandé un « cadre rigoureux et transparent pour les OGM et les biotechnologies ». C'est bien ce que tente ce projet de loi.

À l'unanimité encore, les collèges ont demandé de « renforcer la recherche autour des biotechnologies et des OGM », en couvrant tout l'éventail des disciplines concernées : « écotoxicologie, toxicologie, écologie, épidémiologie, agronomie, écologie microbienne, économie agricole ». C'est ce qui a été fait en triplant le budget correspondant, soit 45 millions d'euros par an consacrés aux biotechnologies sur trois ans. Le débat sur une variété particulière de plante génétiquement modifiée, le Monsanto 810, ne doit pas occulter cette accélération programmée des recherches en toutes disciplines autour des biotechnologies.

À l'unanimité toujours, les collèges ont demandé que la loi crée une « Haute autorité des biotechnologies », « de composition diversifiée », qui se substitue aux commissions existantes et « dispose des moyens propres d'une expertise scientifique indépendante, pluridisciplinaire et citoyenne qui puisse s'autosaisir et être saisie largement, y compris par les citoyens » ; qui adopte « des avis transparents, publics et multidisciplinaires sur chaque OGM végétal et animal, sans se substituer à l'échelon politique de la décision » ; qui « couvre, par ses avis, la mise en culture, l'importation, la consommation animale ou humaine par l'évaluation dans la durée des impacts environnementaux sanitaires et socio-économiques, selon les critères du développement durable ».

C'est ce que nous avons prévu dans le projet de loi qui vous est soumis.

À l'unanimité, les collèges ont, en l'absence d'assurance scientifique suffisante et de cadre de responsabilité, demandé le traitement à court terme du Monsanto 810, ce qui a été fait.

À l'unanimité toujours, ils ont réclamé une loi, non pour interdire ou autoriser les biotechnologies et les OGM de façon grossière et en amalgamant toutes les questions, mais afin d'organiser les responsabilités de chaque acteur, en pleine connaissance des interrogations et des enjeux ; un cadre qui corresponde aux plus fortes demandes de la société française, préserve la biodiversité – cruciale pour notre avenir – et les cultures sans OGM, et protège le faible – ce qui est le rôle de la loi –, mais sans tourner le dos à la science. Et que demande la société ? Relisons ce que disent les collèges, une fois encore unanimes : « responsabilité, principe de précaution, transparence et participation, libre choix de produire (règles de coexistence) et de consommer sans OGM ». (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

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