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Intervention de Jean-Marc Ayrault

Réunion du 1er avril 2008 à 15h00
Déclaration du gouvernement sur la situation en afghanistan et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marc Ayrault :

…alors même qu'elle avait été la première à s'y opposer. Et même s'il est vrai que le ministre des affaires étrangères que M. Sarkozy a choisi était l'un des rares hommes politiques français à être favorables à la guerre en Irak, c'est l'honneur de la France que d'avoir dit non à cette guerre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Nous nous opposons à cette décision parce qu'au fond, elle a peu à voir avec l'Afghanistan et beaucoup à voir avec l'obsession atlantiste du Président Sarkozy. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire . – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Vouloir améliorer la relation avec l'Amérique est une bonne chose s'il s'agit d'un partenariat entre égaux qui respecte les identités et l'indépendance de chacun. Mais ce qui est en train de s'écrire est bien différent !

Du discours devant le Congrès américain au discours de Westminster, de l'engagement renforcé en Afghanistan à la négociation pour revenir dans le commandement intégré de l'OTAN, est en train de s'opérer un changement stratégique, un alignement stratégique global, tout simplement, dont nous récusons la pertinence et l'opportunité pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Il ne peut y avoir d'autonomie de décision dans une OTAN qui continue de refuser tout directoire partagé, tout pilier européen de défense, toute volonté de contrôle politique et militaire extérieure aux États-Unis. Et quelle que soit la bonne volonté du futur président américain, la logique de puissance finit toujours par l'emporter au sein de l'OTAN.

Voilà pourquoi la rupture qu'est en train d'opérer le Président de la République est inacceptable. Elle brise le consensus national sans aucun débat devant le pays.

Mes chers collègues, et c'est par là que je veux conclure (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), beaucoup d'élus qui siègent dans cet hémicycle ont vécu le discours de Westminster comme une humiliation. Que le Président de la République choisisse les députés britanniques pour annoncer un engagement militaire de notre pays, alors même que nous sommes tenus dans l'ignorance, est un affront sans précédent envers la représentation nationale. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Quelle démocratie peut accepter que le Président engage ses forces dans une guerre sans que les représentants du peuple aient leur mot à dire ? Quelle démocratie peut tolérer que le Président change la stratégie d'autonomie suivie depuis cinquante par la France vis-à-vis de l'OTAN sans en saisir le Parlement ?

C'est ça, la démocratie « exemplaire » de M. Sarkozy : un exécutif, et des exécutants. Voilà sa conception de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

On nous promet une grande réforme institutionnelle qui permettrait au Parlement de se prononcer lorsqu'une opération extérieure se prolongera au-delà de six mois. Alors, pourquoi ne pas commencer dès maintenant ? Pourquoi se contenter de cet ersatz de débat et de consultation ?

C'est pourquoi les députés socialistes, radicaux et citoyens ont proposé au Gouvernement d'engager sa responsabilité devant le Parlement sur ce nouvel engagement militaire – qui engage des hommes, je le répète, qui n'est pas qu'un engagement technique –, comme l'avait fait François Mitterrand en 1991 lors de la guerre du Golfe.

Monsieur le Premier ministre, vous n'avez pas convaincu. Vous avez tout simplement refusé que la représentation nationale puisse se prononcer.

C'est pourquoi, au nom des députés socialistes, radicaux et citoyens, je vous informe que notre groupe déposera une motion de censure en vertu du deuxième alinéa de l'article 49 de la Constitution. Oui, la France doit continuer de préserver sa liberté de choix dans le monde. (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche se lèvent et applaudissent longuement . – Mmes et MM. les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine applaudissent.)

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