Nous savons que le comité Balladur n'avait pas retenu la réforme proposée par l'actuel chef de l'État visant à limiter les mandats présidentiels consécutifs, estimant – et l'argument se comprend – que cela entamerait formellement la liberté de choix du suffrage universel.
Toutefois, nous jugeons utile, compte tenu de l'étendue des prérogatives présidentielles, de limiter les possibilités de renouvellement du mandat. Nombre de pays européens ont d'ailleurs retenu une solution identique, alors même que les pouvoirs dont sont dotés leur président ne sont pas les mêmes qu'en France.
Mais nous estimons pour notre part que cette mesure demeure trop limitée. Elle n'est en effet pas susceptible de remettre en cause une anomalie démocratique plus fondamentale, celle de l'élection du Président de la République au suffrage universel. Ce dernier se trouve investi dans nos institutions d'un pouvoir exorbitant, en dehors de tout principe de responsabilité et de contrôle. Son mode d'élection entretient surtout l'illusion d'un rapport immédiat entre un chef et son peuple – où se lit toujours, qu'on le veuille ou non, l'expression discrète d'une défiance à l'égard du Parlement – et entretient nécessairement un conflit permanent de légitimité entre le Président et l'Assemblée nationale.
C'est si vrai qu'il a été proposé, sous le gouvernement Jospin, de trancher la question et de donner la primauté au chef de l'État, grâce à l'inversion du calendrier électoral, qui subordonne de fait les élections législatives au scrutin présidentiel, avec les effets désastreux que l'on sait sur le pluralisme démocratique. Nous avions dénoncé avec vigueur cette réforme. Nous continuerons à le faire, comme nous continuerons à demander la suppression de l'élection du Président de la République au suffrage universel, qui a constitué une étape décisive dans l'affaiblissement du rôle du Parlement. On ne peut en aucun cas prétendre renforcer les pouvoirs de ce dernier et maintenir dans le même temps le principe de l'élection au suffrage universel d'un Président irresponsable devant lui. Il ne peut y avoir deux légitimités issues du suffrage universel sans que l'une prenne le pas sur l'autre.
Nous vous proposons donc d'adopter le présent amendement et d'accepter du même du coup de balayer la chimère de l'homme providentiel. Nous sommes convaincus qu'il serait plus sage que le Président soit désormais élu par le Parlement réuni en Congrès. Ce serait là nous rapprocher d'ailleurs, rappelons-le, des standards européens.