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Intervention de Rachida Dati

Réunion du 6 mai 2008 à 9h30
Questions orales sans débat — Réforme de la politique à l'égard des mineurs délinquants

Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice :

Monsieur le député, j'ai en effet installé, le 15 avril dernier, une commission chargée de me remettre des propositions en vue d'engager une véritable refondation de l'ordonnance de 1945 sur l'enfance délinquante. Modifiée trente et une fois, celle-ci est passée de trente à soixante-dix-huit articles, dont seulement six remontent à sa création. Le texte a perdu de sa pertinence et de sa cohérence. Il importe donc de le réécrire. Je connais votre intérêt pour la délinquance des mineurs et je sais, pour vous avoir rencontré à plusieurs reprises dans votre circonscription, quelle action vous menez en faveur de la réinsertion des mineurs délinquants.

Cette commission est présidée par le recteur André Varinard. Elle est composée de professionnels du milieu judiciaire, d'universitaires, de spécialistes de la jeunesse, ainsi que de parlementaires de la majorité comme de l'opposition. Elle procédera aux auditions utiles et pourra effectuer des visites de terrain, si elle le souhaite, pour alimenter ses réflexions. Pour le reste, je souhaiterais que l'on se garde de faire un procès d'intention au Gouvernement sur les suites qui pourraient être données à un rapport qui ne lui a pas encore été remis.

Je tiens à revenir sur certains aspects que vous avez abordés.

D'abord, opposer la sanction et l'éducation est totalement dépassé aujourd'hui. Tenir un autre discours reviendrait à engendrer une grave confusion dans l'esprit des jeunes délinquants. Il faut, au contraire, remettre la sanction au coeur du travail éducatif auprès des jeunes délinquants.

Lorsque des mineurs délinquants ont dégradé le bien d'autrui ou agressé quelqu'un, la réponse pénale doit évidemment avoir une portée éducative. Mais il ne faut en aucun cas que ces mineurs soient traités comme s'ils n'avaient pas commis d'infraction. On ne peut pas faire abstraction de la victime et du respect des règles. Le mineur délinquant doit être avant tout sanctionné, car si on ne lui propose qu'une mesure éducative, il n'aura pas le sentiment d'avoir commis une infraction. Il pensera avoir bénéficié d'une assistance éducative et non d'une sanction.

Pour autant, il n'y a aucun désinvestissement dans la prise en charge éducative des mineurs délinquants. J'ai demandé aux parquets, par une circulaire du 27 juin 2007, d'assurer une réponse pénale à chaque acte de délinquance commis, car 80 % des mineurs sanctionnés dès la première fois ne récidivent pas. D'ailleurs, le taux de réponse pénale s'est amélioré puisqu'il est passé de 87 % à 92 % en moins d'un an.

Mais cela n'exclut pas une gradation dans les mesures appliquées aux jeunes selon leurs antécédents, leur personnalité, la gravité de l'acte et le contexte des faits. Il ne s'agit donc pas du « tout carcéral » parce que sanction n'est pas synonyme d'incarcération.

La mise en place de structures nouvelles constituant des alternatives à l'incarcération telles que les centres éducatifs fermés ou les centres éducatifs renforcés a contribué à limiter l'incarcération des mineurs. Les 32 centres éducatifs fermés existants ont accueilli au total près de 1 500 mineurs délinquants. J'ai souhaité que, pour 2008, cinq de ces structures soient renforcées par une équipe thérapeutique composée d'un psychiatre à temps plein, de deux psychologues et de cinq infirmiers. La prise en charge éducative est entièrement fondée sur un projet de réinsertion.

Le dispositif a produit des effets particulièrement positifs puisque 84 % des mineurs auraient intégré, à leur sortie d'un centre éducatif fermé, un parcours scolaire ou un cycle d'apprentissage. En outre, 61 % des mineurs qui sortent d'un tel centre ne récidivent pas dans l'année qui suit.

Le nombre de juges des enfants a également augmenté puisque 70 emplois ont été créés depuis 2003.

Pour conclure, la délinquance des mineurs est un échec pour notre société. Face à cela, deux attitudes sont possibles : soit on ne fait que constater, soit on agit. C'est la seconde que nous avons choisie, dans l'intérêt des mineurs, et plus largement parce que nous croyons en l'avenir de cette jeunesse.

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