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Intervention de Alain Rousset

Réunion du 30 octobre 2007 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2008 — Relations avec les collectivités territoriales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Rousset :

Monsieur le président, madame la ministre, le Gouvernement a annoncé plusieurs mesures dont le président de l'association des régions de France que je suis attend beaucoup, comme la mise en place de la commission Lambert et de la conférence nationale des exécutifs. Néanmoins, le blocage par la loi des ressources, du moins pour certaines collectivités, et la limitation des dépenses ne vont pas sans nous inquiéter. Comme mon collègue vient de le rappeler, les collectivités locales sont à l'origine de 72 % de l'investissement public, et contribuent largement à la croissance. En outre, leurs finances sont saines et elles n'aggravent pas, ou très peu, le déficit national.

Je soulignerai une double contradiction. En premier lieu, contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure, les compétences qui ont été transférées aux collectivités locales sont nécessairement assorties de dépenses évolutives : ainsi le RMI et l'aide aux personnes âgées pour les départements, ou le renouvellement du matériel ferroviaire pour les régions. Saviez-vous, madame la ministre, que, pour la formation des infirmières évoquée tout à l'heure, en Aquitaine, notre région, les bourses étaient échelonnées sur six degrés, ce qui rend le système intenable ? Que les contractuels de l'éducation nationale étaient systématiquement licenciés par l'État pendant les deux mois de l'été, alors que les collectivités doivent aujourd'hui les prendre en charge complètement ? Que les primes variaient de un à trois entre lycées agricoles et lycées professionnels ? Que l'État s'était progressivement désengagé du développement économique et de la modernisation des entreprises, en faveur desquels les régions augmentent leurs aides d'à peu près 20 % par an ? S'y ajoutent, comme vous le savez, les charges indues pesant sur les collectivités locales : on nous demande aujourd'hui – alors que ce n'est pas le cas en Espagne, en Allemagne ou en Italie – de participer au financement de la ligne à grande vitesse et à celui, hors compétence et atteignant des sommes colossales, des universités. Enfin, le Grenelle de l'environnement va – heureusement, d'un certain point de vue – nous imposer de nouvelles contraintes. Sur quelles ressources financera-t-on tout cela et qui en aura la charge ?

En second lieu, la fiscalité locale est devenue obsolète et incohérente, et elle nous conduit droit dans le mur. Prenons le cas des régions, dont la faiblesse de la fiscalité pèse sur l'absence de croissance. Avec un reversement de 5 %, elles reçoivent la plus faible part de taxe professionnelle. Chaque fois qu'elles investissent dans le secteur industriel, les retombées fiscales arrivent dans l'escarcelle des départements et des communes. Chaque fois qu'un matériel de TER est renouvelé, la taxe professionnelle va à d'autres. La cohérence entre le type de compétence exercé et la fiscalité, que nous avions préconisée dans le rapport Valletoux, n'existe pas. Il est urgent, je crois, d'engager une réforme.

Vous me permettrez de plaider pour les régions, qui ont, avec 40 %, la part de ressources propres la plus faible de toutes les collectivités, en même temps que la fiscalité la plus paralysée, voire la plus régressive. Il est vrai que la faiblesse de la représentation des régions, à gauche comme à droite, dans cet hémicycle comme au Sénat, ne nous a pas aidés dans l'élaboration du dernier texte de décentralisation.

Il faut y remédier, en considérant que tous les pays d'Europe qui se développent ont des régions fortes aux compétences élargies. Il faut donc clarifier ces compétences.

La commission Lambert est censée clarifier les compétences des collectivités et je l'appuierai s'il le faut car la question dépasse les sensibilités politiques. La France a des boulets aux pieds parce qu'elle est trop centralisée.

Ce qui coûte cher dans la décision publique, c'est l'existence de doublons entre l'État et les collectivités locales. Il faut rapidement les supprimer. Alors qu'ils ont transféré aux collectivités locales de nombreuses compétences, les gouvernements successifs ont systématiquement conservé les services de l'État qui font double emploi, et cela coûte cher. C'est ainsi que le temps de la décision publique, pour un chef d'entreprise, est trop long et trop coûteux.

L'État doit donc prendre ses responsabilités. Les collectivités locales ont des finances saines et ce n'est jamais de gaieté de coeur qu'elles augmentent leur fiscalité. Entre 1985 et 2004, l'État a accru ses effectifs de 240 000 fonctionnaires ; les collectivités locales aussi, mais précisément pour faire face aux transferts de compétences. Qui, dans cette affaire, porte la responsabilité la plus lourde ?

Tant que la France n'aura pas rompu avec son système jacobin paralysant, il ne faudra pas s'étonner qu'elle accuse un retard de croissance par rapport aux autres pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

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