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Intervention de Bernard Derosier

Réunion du 30 octobre 2007 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2008 — Relations avec les collectivités territoriales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Derosier :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 16 juillet dernier, à l'occasion du débat d'orientation budgétaire, j'exprimais les nombreuses préoccupations, voire les inquiétudes légitimes des élus locaux quant aux orientations annoncées par le Gouvernement en direction des collectivités territoriales. Je soulignais combien il était à mes yeux plus que jamais nécessaire que celles-ci puissent travailler dans un climat de confiance avec l'État.

Mais pour être dans un climat de confiance, il faut être au moins deux à le vouloir. Or force est de constater que le Gouvernement ne s'en donne pas les moyens.

Ce que vous nous proposez confirme le mauvais traitement réservé aux collectivités territoriales. C'est en effet, mes chers collègues, la fin du contrat de croissance et de solidarité qui avait été mis en place en 1999 pour permettre aux collectivités locales de bénéficier d'une progression de leurs dotations en lien avec la croissance économique.

Nous ne pouvons aujourd'hui que déplorer le caractère non concerté de cette annonce au moment même où le Gouvernement prétend établir avec les collectivités une relation contractuelle responsable, dans le cadre de la Conférence nationale des exécutifs.

Les collectivités se voient contraintes dans une enveloppe indexée sur la seule inflation. Et à ce propos, je citerai notre collègue sénateur Michel Mercier, président du conseil général du Rhône, qui ne s'y est pas trompé. Il écrit en effet dans un rapport sur la proposition de loi d'orientation sur les finances locales relative à la solidarité financière et la justice fiscale, déposé il y a quelques jours : « À moyen terme, l'écart de croissance entre une DGF indexée sur l'inflation et 50 % de la croissance du PIB, et une enveloppe normée indexée sur la seule inflation, ne sera plus supportable. Il est donc vraisemblable que l'on s'oriente à moyen terme vers une indexation de la DGF sur la seule inflation. » Je suis sûr, madame la ministre, que vous démentirez cette allégation de notre collègue sénateur.

L'indexation de l'enveloppe sur la seule inflation se traduit notamment par une forte baisse, de l'ordre de plus de 20 %, de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, qui sert malheureusement, avec d'autres, de variable d'ajustement pour la baisse de l'enveloppe globale.

Parallèlement, l'absence de réelle réforme de la fiscalité locale vient rogner petit à petit l'autonomie financière des collectivités locales, qui était pourtant bien insuffisante.

Seule la taxe professionnelle semble préoccuper le Gouvernement, qui ne propose en guise de réforme qu'un plafonnement supporté par les collectivités.

Quant aux impositions des ménages, malgré les réformes proposées par le Conseil économique et social et les demandes consensuelles de l'ensemble des associations d'élus locaux, elles conservent leur caractère obsolète et injuste.

Un véritable débat sur cette question aurait permis d'ouvrir des perspectives nouvelles à cet égard.

Le Gouvernement a-t-il l'intention de mettre les collectivités locales, et à travers elles les citoyens, au pain sec ? De nombreuses collectivités verront leurs moyens diminuer en 2008 et ne pourront suivre l'évolution à la hausse des charges qu'elles doivent supporter. De plus, ces mêmes collectivités prennent le risque de se voir montrées du doigt par le Gouvernement quand, obligées, elles augmentent leur fiscalité.

Au risque d'être accusé de me répéter, l'exemple du revenu minimum d'insertion est particulièrement éloquent. La différence constatée au titre de 1' exercice 2005 entre ce qui a été versé aux allocataires et ce qui a été compensé s'est élevée à 300 millions d'euros, au titre de l'exercice 2006 à 600 millions d'euros, et l'écart prévu au titre de 2007 est de 900 millions d'euros, soit un total cumulé de près de 1,8 milliard d'euros sur trois exercices. Plus encore, compte tenu du décalage d'un an entre le constat du déficit annuel et le versement de la compensation au titre du fonds de mobilisation départemental pour l'insertion, les départements auront, à la fin de l'année 2007, avancé un montant cumulé de près de 2,35 milliards d'euros.

Par ailleurs, rien n'est prévu à l'heure actuelle pour compenser le déficit qui sera inévitablement constaté sur les exercices 2008 et suivants. Le Premier ministre aura raison de parler de la faillite de l'État si ce dernier ne paie pas ses dettes.

Madame la ministre, vous m'avez répondu en commission des lois que « l'on peut raisonnablement espérer une inversion de la charge avant quelques années ». Reprendriez-vous à votre compte cette annonce alléchante de Figaro : « Demain, on rase gratis » ? Ce n'est pas demain qu'il faut régler les problèmes, c'est aujourd'hui.

Si déjà l'État n'assume pas la responsabilité financière des conséquences des transferts de charges, et qu'en plus il veut contrôler et limiter les ressources des collectivités territoriales, ces dernières vont se retrouver prochainement dans une situation financière inextricable.

Lors du congrès de l'Assemblée des départements de France qui s'est tenu à Marseille il y a quelques jours, les présidents de conseils généraux ont devant vous, madame la ministre, dressé le même constat sur les difficultés des départements. Ils l'ont fait unanimement à travers le vote de 19 propositions relatives à l'avenir de la collectivité départementale. Vous déclariez à cette occasion : « Le département est peut-être plus que toute autre collectivité au coeur de la décentralisation, car c'est la collectivité des solidarités ».

Que devons nous comprendre par les « solidarités » quand le Gouvernement choisit de donner plus à ceux qui ont plus et moins à ceux qui ont moins ?

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