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Intervention de Jacqueline Fraysse

Réunion du 3 avril 2008 à 15h00
Organismes génétiquement modifiés — Article 2

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacqueline Fraysse :

L'article 2 vise à établir un Haut conseil des biotechnologies chargé d'éclairer le Gouvernement sur les organismes génétiquement modifiés et de formuler des avis. Il pose la question essentielle de la finalité des OGM et de leur contrôle démocratique.

De tout temps, l'intelligence humaine s'est appliquée à améliorer les semences à partir de ce que lui offrait la nature, en l'accompagnant. Mais, aujourd'hui, avec les OGM, nous touchons à ce que les plantes et les animaux ont de plus intime : les gènes. Il ne s'agit donc plus seulement d'accompagner la nature, mais de forcer son évolution dans un sens ou dans un autre. Le saut qualitatif ainsi réalisé et les conséquences à en attendre, tant sur la vie des hommes, leur alimentation, leur santé, leurs rapports socio-économiques que sur leur environnement planétaire, la nature et son évolution, interrogent l'humanité tout entière et posent un véritable problème de société.

Comme toute nouvelle conquête scientifique, la transgénèse peut être utilisée pour le meilleur comme pour le pire. Si cette technique mise au service de l'humanité peut constituer un progrès réel – son apport est d'ailleurs déjà important, notamment dans le domaine pharmaceutique –, elle peut aussi être source d'un véritable désastre d'autant plus grave qu'il risque d'être irréversible. C'est déjà le cas dans son utilisation agricole par les grandes firmes internationales, dont le seul objectif est le profit maximum et à court terme.

L'exemple de Monsanto a montré comment les manipulations génétiques sur des plantes peuvent entraîner domination économique, pollution environnementale et véritable déviance de la nature. C'est pourquoi, à chaque étape, deux questions doivent êtres posées : pour quoi faire et au service de qui ? Qui répond à cette première question, autrement dit quel contrôle démocratique ?

Nous sommes bien au coeur du sujet de cet article 2 qui, à mes yeux, est essentiel. C'est ce déficit de connaissances et de contrôle citoyen laissant les intérêts privés gérer seuls le monde qui conduit à produire massivement des OGM dont, à l'évidence, à cette étape, nous n'avons pas besoin. En aurons-nous besoin demain, quand la planète comptera 9 milliards d'habitants, pour améliorer les qualités nutritionnelles d'un produit, pour élargir les possibilités de culture dans les milieux hostiles, par exemple ? À ce jour, nous n'en avons pas la certitude.

C'est pourquoi, tout en refusant la dissémination, il faut poursuivre la recherche sur les organismes génétiquement modifiés. C'est une nécessité pour mieux connaître les conséquences des OGM sur la santé des animaux et des hommes, pour ne pas hypothéquer l'avenir, pour opposer face à l'expertise des groupes privés une expertise publique et indépendante.

La recherche fondamentale sur les OGM doit donc être maintenue et encouragée dès lors qu'il s'agit d'une recherche publique faite au nom des générations futures et non pour enrichir les actionnaires de quelques grands groupes privés.

Si nous voulons faire des choix dans le sens de l'intérêt général, le contrôle citoyen sur les OGM doit être au coeur de la démarche. La démocratie est le meilleur garde-fou contre les dérives éventuelles. C'est pourquoi nous avons déposé plusieurs amendements visant à renforcer l'efficacité du Haut conseil des biotechnologies, notamment en élargissant sa saisine, en garantissant son indépendance, en permettant une nomination moins arbitraire de ses membres et en refusant que la parole de la société civile soit assujettie à celle des scientifiques. De ce point de vue, je rejoins les observations formulées par Noël Mamère.

Le sort que vous réserverez à ces amendements sera un bon indicateur de votre conception de la place et du rôle des citoyens dans la maîtrise de leur avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

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