La modernité ne change rien à l'affaire, surtout lorsqu'elle annonce toujours le pire. La loi de la jungle économique écrase le faible et détruit sa capacité de révolte et d'indignation. Lorsque le pouvoir d'achat baisse et vous oblige à choisir entre manger et dormir, lorsque les usines qui ferment les unes après les autres – cinq en un an dans ma circonscription – bouchent votre horizon et vous privent du droit de ne pas faire la charité, lorsque le rouleau compresseur de la raison du plus fort vous agresse jour après jour, bien sûr ce n'est pas tout à fait la guerre, mais cela y ressemble un peu.
Au risque d'insister, j'estime que le poème d'Eluard, qui est un hymne à la vie, à la plénitude de tous les instants d'une vie d'homme, écrit dans une période sombre de notre histoire, prend aujourd'hui tout son sens :
« Et par le pouvoir d'un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté. »
Liberté de retrouver l'espoir et de combattre ce que le pouvoir d'aujourd'hui nous présente souvent comme inéluctable ; liberté d'expression ici, liberté d'indignation et de colère – parfois dans la rue.
Plutôt que LME – loi de modernisation de l'économie –, ce texte devrait s'appeler LMI. Plus qu'un clin d'oeil, il s'agit de mettre les bons mots sur la réalité que nous promet votre texte, qui devrait en effet s'intituler « loi de modernisation des illusions ».
Prenons la création de ce nouveau statut d'entrepreneur : un peu salarié, un peu retraité. C'est en réalité un encouragement à externaliser les salariés et à considérer, demain, les collaborateurs des entreprises comme des sous-traitants « indépendants », dont on pourra très facilement se débarrasser.