Madame la ministre, comme l'ont souligné plusieurs interventions, votre texte organise une fusion entre l'ANPE et les ASSEDIC, sans préciser le rôle, au sein de ce nouveau dispositif, des nombreuses institutions impliquées dans la politique de l'emploi à l'échelle locale, parmi lesquels nous pouvons citer les antennes de l'ANPE, les antennes ASSEDIC et les guichets uniques, mais aussi les 268 maisons de l'emploi et de la formation professionnelle, dont l'avenir reste incertain : après avoir annoncé leur suspension, vous affirmez peu après vouloir les pérenniser alors qu'une mission d'information parlementaire travaille sur le sujet.
Sont aussi concernées les 417 missions locales, dont la place reste indéterminée dans la nouvelle organisation. S'ajoutent encore à ces structures les points d'accueil, d'information et d'orientation, les plans locaux pour l'insertion et l'emploi, les maisons d'information sur la formation et l'emploi, les réseaux Cap emploi, mais aussi les guichets d'accueil dans les mairies et les antennes décentralisées de l'AFPA.
Le problème posé par ce trop plein d'interlocuteurs est triple. D'une part, les demandeurs d'emploi ne s'y retrouvent pas, ne sachant plus à qui s'adresser, sans toujours saisir la logique des démarches qu'on leur demande d'accomplir. D'autre part, concernant votre texte, il est muet sur le rôle et la place de l'ensemble de ces acteurs dans le cadre du nouveau dispositif. Enfin, ce dispositif très disparate ne comporte pas d'approche territoriale ni aucun pilote. Cela constitue sans doute le handicap majeur du point de vue de son efficacité.
Si l'ensemble de ces acteurs travaillent de concert, l'absence de pilote est particulièrement préoccupante, tout autant que l'absence de définition de leur rôle, qui sera renvoyée à un autre texte. Toutefois, une chose est claire : les régions apparaissent aujourd'hui comme l'échelon pertinent pour piloter ce dispositif, et une expérimentation en ce sens serait fort indiquée.
Sur ce point, votre réticence face à l'idée d'étendre les compétences des régions à la coordination des politiques locales de l'emploi est particulièrement incompréhensible, alors que les compétences de la formation professionnelle et de l'apprentissage leur ont été transférées. Vous tournez également le dos à la réalité du terrain où tous les acteurs reconnaissent que les politiques sont plus efficaces dès lors qu'elles collent aux réalités locales, pourvu que l'État définisse leur cadre général et préserve l'égal accès de tous aux dispositifs mis en place, et ce sur l'ensemble du territoire national.
Je souhaite appuyer ce propos par une expérience de terrain, en ma qualité de présidente d'une mission locale – celle du Centre-Ouest Bretagne –, en abordant un des multiples points ignorés par votre texte, à savoir la place des missions locales dans votre dispositif. Revenons pour cela sur le rôle et sur le bilan de ces acteurs de la politique de l'emploi. Créées en 1981, ces missions locales ont pour objectif de prendre en charge un des publics connaissant les plus grandes difficultés face à l'emploi, les jeunes de moins de vingt-six ans, plus particulièrement ceux sans qualification ni expérience significatives, en apportant à chacun un accompagnement personnalisé allant au-delà de la seule recherche d'emploi par une prise en compte de l'ensemble des difficultés – santé, logement, mobilité...
Les missions locales sont aujourd'hui le premier réseau partenaire de l'ANPE avec laquelle elles ont mis en place une véritable politique de co-traitance pour la prise en charge des jeunes sans emploi. Leur connaissance des particularités du terrain sur lequel elles agissent constitue un atout essentiel pour la réussite des politiques publiques.
À ce titre, les excellents résultats du dispositif CIVIS, qui a succédé au dispositif TRACE, sont la preuve du rôle majeur des missions locales dans la politique locale de l'emploi. Il est alors d'autant plus incompréhensible que vous ayez fait l'impasse sur leur rôle et leur place dans le cadre de ce texte.