Cette « dégressivité » de l'emploi valable, « acceptable », « convenable » ou « approprié » est pratiquée dans six des onze pays étudiés par l'UNEDIC en juillet 2007 – Allemagne, Belgique, Espagne, Royaume-Uni, Irlande, Luxembourg. Seul le Danemark a abandonné la référence à cette notion en 2003 et tout chômeur indemnisé est tenu « d'accepter tout emploi qui lui est proposé ». Mais ce qui est sûr, c'est que dans tous ces pays domine une politique très « libérale » – y compris teintée parfois de « social » –, assortie, comme l'exemple du Danemark le montre, de fortes contraintes à l'encontre des chômeurs.
Dans la plupart des pays, les critères sont assez précis. En Italie, le montant du salaire acceptable ne peut être inférieur de plus de 10 % au salaire antérieur. En Espagne, le temps de trajet ne peut excéder 25 % du temps de travail journalier ou les frais de transport excéder 20 % du salaire mensuel.
L'OVE reste à préciser en France. Dans la dernière convention de l'UNEDIC du 18 janvier 2006, les partenaires sociaux ont introduit une nouveauté : un allocataire de plus de cinquante ans ou indemnisé depuis plus de douze mois qui accepte un emploi dont le salaire est inférieur « d'au moins 15 % à 30 % de son salaire journalier de référence » reçoit une aide « destinée à compenser la baisse de rémunération ». L'UNEDIC indique avoir dépensé 18,2 millions d'euros pour cette « aide différentielle de reclassement ».
Tout compte fait, que viserait la suppression des allocations au deuxième refus d'une offre dite valable sachant que pour vous, madame la ministre, l'objectif est de ramener à 5 % le taux de chômage d'ici à la fin du quinquennat et de faire progresser de 63 à 70 % le taux de l'emploi au cours de la même période, quitte à créer selon Frédéric Lefebvre des job centers ? Je me réfère à votre déclaration du 7 novembre dernier. Face à cet assaut d'inventivité, on peut redouter, avec les syndicats et les usagers, « qu'on oblige les chômeurs à accepter des emplois précaires ». Et si cela ne suffit pas, rien n'est plus efficace que la radiation. Ainsi en 2006, près de 462 100 décisions de radiation ont été prises, soit 38 508 en moyenne mensuelle. Bien que le nombre officiel de chômeurs baisse, ces chiffres sont deux fois plus élevés qu'en 2001, et plus de cinq fois supérieurs à ceux de 1996.
Pénaliser les demandeurs d'emploi et déresponsabiliser les entreprises : voilà la véritable fusion que vous voulez opérer avec cette réforme ! Une déresponsabilisation que le MEDEF veut pousser jusqu'au bout en proposant de créer « un nouveau dispositif de prise en charge élargie » du chômage, qui confierait à l'État l'indemnisation de base de tous les chômeurs. Ou comment passer de l'aide aux chômeurs à l'aide aux entreprises ?
Chaque réforme a vu les droits des chômeurs se réduire et les pressions à leur encontre s'intensifier. Celle-ci ne devrait pas déroger à la règle. Sans compter que les premiers concernés – les privés d'emploi eux-mêmes – n'ont toujours aucun droit de cité dans les négociations. Ce qui est bien regrettable, à mes yeux. Je citerai les propos d'une jeune femme, une de celles que vous ne rencontrez vraisemblablement pas, (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) qui, dans un courriel, expose sa situation :
« J'ai 35 ans. On parle toujours des moins de 25 ans mais une grande partie des gens entre 26 et 50 ans a d'énormes difficultés à trouver un emploi ! Je suis en recherche d'emploi depuis 5 ans, n'ayant chaque année, et ce, quand j'ai de la chance, que des CDD qui vont d'une semaine à un mois. Je n'ai aucune indemnité de qui que ce soit depuis 2 ans. Mon ami travaille mais la situation est très dure. Je me sens invisible, inutile, ne pouvant payer les factures car je n'ai aucune indemnité qui me le permettrait...Tous les jours, j'envoie des CV et des lettres de motivation pour des boulots qui correspondent à mon CV mais je n'ai aucune réponse en retour. » Et, des témoignages comme celui-ci, il en existe malheureusement des milliers !
Je m'arrêterai un instant sur certains articles. Ce texte, qui vient du Sénat, ne corrige pas le projet de loi de réforme du service public de l'emploi, même si on a ajouté dans l'intitulé le terme « organisation ». Au contraire, il tend à durcir le texte initial. J'en veux pour preuve l'article 6, alinéa 3, qui fixe au 30 septembre 2010 la validité de la convention collective nationale applicable aux salariés des organismes gestionnaires du régime d'assurance chômage au profit d'une convention collective agréée par l'État.
Ainsi, les salariés de l'UNEDIC vont perdre le bénéfice de leur convention collective. De plus, les salariés chargés du recouvrement des cotisations ne connaissent toujours pas le reclassement dont ils bénéficieront. À l'heure actuelle, les salaires des agents de l'ANPE ne sont pas ceux des salariés de l'UNEDIC, qui sont de fait plus élevés. Aucune information n'est donnée dans ce projet qui permette de savoir si les salaires des agents de la nouvelle institution bénéficieront d'une égalité de traitement. En métropole, à défaut de prime de vie chère, les agents de l'ANPE sont moins bien rémunérés que ceux de l'ASSEDIC. Pour aligner le salaire des 33 000 agents de la fonction publique sur celui des 22 000 employés de l'ASSEDIC, l'État devra avancer la somme de 400 millions d'euros. Cela répond-il aux objectifs de rationalisation des budgets que s'est fixés l'État ? Va-t-il puiser dans les 3 milliards d'euros d'excédent de l'UNEDIC ? Légalement, il n'a pas le droit de détourner ainsi l'argent des salariés. Mais aujourd'hui, tout est possible ! Cette question majeure des statuts inquiète à juste titre les organisations syndicales, les salariés et les demandeurs d'emploi.
La nature de cette nouvelle institution est peu claire, pour ne pas dire illisible. En effet, elle n'est pas définie. Nous devons nous contenter de quelques indications, à savoir qu'il s'agit d'« une institution nationale publique dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière ». Ce qui manque cruellement, ce sont des éléments précis quant au statut juridique de cette nouvelle institution. Vous n'avez pas laissé le temps au législateur de penser ce statut. C'est bien là le problème !
Il faut souligner, une fois encore, que les demandeurs d'emploi sont particulièrement absents de ce projet de loi. Pour cette raison et pour contrer toute stigmatisation à l'égard de salariés victimes de la violence engendrée par une mondialisation libérale, je propose, comme de nombreuses associations de demandeurs d'emploi et de précaires, que les demandeurs d'emploi soient partenaires, avec statut identique, au sein du Conseil national de l'emploi au même titre que les autres partenaires mentionnés à l'article 1er, alinéa 6.