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Intervention de Régis Juanico

Réunion du 22 janvier 2008 à 21h30
Organisation du service public de l'emploi — Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le sénat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRégis Juanico :

Madame la ministre, nous ne sommes pas hostiles au principe d'une réforme du service public de l'emploi, qui n'est pas, comme vous l'avez dit au début de la discussion générale, madame la ministre – dans un lapsus assez révélateur de vos intentions – un marché public de l'emploi.

Oui, nous sommes favorables à une réforme du service public de l'emploi, à condition qu'elle permette véritablement une amélioration du service rendu aux demandeurs d'emploi, et qu'elle se traduise par un « plus » pour les personnels de l'ANPE et des ASSEDIC concernés par la fusion. Or nous en doutons fortement, car vous avez créé, une fois de plus, après la loi TEPA et le projet de loi sur les heures supplémentaires, une usine à gaz bureaucratique, qui n'atteint pas ses objectifs. Ces derniers jours, j'ai rencontré dans ma circonscription, à Saint-Étienne, dans la Loire, les personnels de l'ANPE et des ASSEDIC. Ils étaient, pour ces derniers, 75 % à faire grève dans la région Rhône-Alpes, le 8 janvier. Ils ne comprennent ni le sens ni la finalité de votre réforme. Ils ne comprennent pas où vous voulez les emmener, sinon vers des économies d'échelle en moyens humains et en moyens budgétaires. Vous conviendrez que c'est là un problème, car ce sont eux, les acteurs de terrain, qui devront mettre en oeuvre votre réforme, et c'est peu de dire que, pour le moment, ils y vont à reculons.

Le combat qu'ils mènent ne porte pas seulement sur la garantie de leur statut. Ils auraient souhaité de votre part une meilleure compréhension de leurs différents métiers, et une vision claire de l'avenir de leur mission. En voulez-vous un exemple ? Les 1 500 personnes du service employeur chargé du recouvrement des cotisations d'assurance chômage des ASSEDIC représentent à peu près 160 emplois en région Rhône-Alpes. Vous voulez confier ce service à l'URSSAF. Mais leur rôle n'est pas simplement d'encaisser des chèques – d'ailleurs, cette tâche est aujourd'hui sous-traitée –, mais, pour 95 % de leur activité, d'analyser des comptes, d'accompagner les entreprises de leurs conseils, de gérer des aides de retour à l'emploi ou le volet formation des reclassements pour les demandeurs d'emploi. Surtout, ce service fait aujourd'hui de la prospective sur les bassins de main-d'oeuvre, au plus près des réalités locales. Dans ce cadre, il produit un outil statistique indispensable pour le service public de l'emploi au niveau local, qui est à la disposition des pouvoirs publics et de l'INSEE. L'URSSAF, vous le savez, est incapable de remplir de telles missions.

Les personnels de l'ANPE et des ASSEDIC sont également inquiets pour la couverture territoriale du service public de l'emploi à terme. Vous avez évoqué des plateformes intégrées, avec une taille critique de 40 à 45 personnes pour les futurs sites fusionnés. Mais que deviendront, dans les villes de taille moyenne, les sites de dix ou vingt personnes, comme ceux de Firminy, Andrézieux ou Montbrison, dans la Loire ? Allez-vous, après la casse du service public de la justice, organiser celle du service public de l'emploi dans nos territoires ?

Quant à savoir si cette réforme se traduira par un « plus » pour les demandeurs d'emploi, là encore, nous éprouvons de sérieux doutes. Ainsi, il existe aujourd'hui, dans les ASSEDIC, des commissions paritaires, au niveau local, chargées d'examiner les recours des demandeurs d'emploi, en particulier quand ils ont perçu des sommes indues. Elles examinent au plus près des dossiers individuels et parviennent huit fois sur dix à trouver une solution adaptée aux demandeurs d'emploi concernés. Ces commissions paritaires, qui fonctionnaient comme des amortisseurs au plan local, ne figurent plus dans la nouvelle organisation que vous proposez. Leur disparition se traduira, pour les demandeurs d'emploi, par moins de garantie.

Plus largement, la loi va accroître, comme la lettre de mission du Président de la République vous incitait à le faire, le recours aux organismes privés de placement des demandeurs d'emploi, qui seront rémunérés sur la base d'une obligation de résultats. Traduisez : plus de pression sur les chômeurs pour faire du chiffre, ajoutez-y la nouvelle règle concernant le refus de deux offres valables d'emploi, et vous aurez tous les ingrédients d'un service public de l'emploi qui devient l'instrument d'un marché du travail à deux vitesses, délaissant les personnes les plus en difficulté et entraînant une déqualification massive.

Moins de garantie, plus de pression sur les demandeurs d'emploi : nous sommes bien loin de l'objectif d'amélioration du service public de l'emploi que vous affichez. Votre projet fait l'impasse sur l'essentiel, auquel Jean-Patrick Gille est revenu tout à l'heure : le retour à un emploi de qualité, c'est-à-dire à un emploi stable, durable, bien rémunéré, qui garantisse des perspectives d'évolution professionnelle et de bonnes conditions de travail. En somme, votre texte est une formidable occasion manquée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

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