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Intervention de Martine Pinville

Réunion du 22 janvier 2008 à 21h30
Organisation du service public de l'emploi — Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le sénat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Pinville :

Madame la ministre, sous le titre de « réforme de l'organisation du service public de l'emploi », vous nous proposez en fait la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC. Pourtant, ce n'est pas tout à fait la même chose !

Réformer le service public de l'emploi afin de répondre aux deux objectifs majeurs que vous a fixés le Président de la République, c'est-à-dire un taux de chômage à 5 % à la fin du quinquennat et une progression de 63 à 70 % du taux d'emploi au cours de la même période, cela aurait dû être, tout d'abord, concevoir le contenu de la réforme plutôt que d'en réaliser l'outil.

Réformer le service public de l'emploi, cela aurait dû être préciser le type d'accueil indispensable pour les publics très divers auxquels il s'adresse.

Réformer le service public de l'emploi, cela aurait dû être aussi le développement de la formation continue et le renforcement d'actions dans ce domaine, en liaison étroite avec 1'AFPA, l'éducation nationale, les associations, afin de permettre à chaque salarié d'évoluer au cours de son activité professionnelle, d'en changer s'il en ressent l'envie et de bénéficier d'un vrai droit à une formation qualifiante, comme les demandeurs d'emploi.

Réformer le service public de l'emploi, cela aurait dû être aussi une véritable orientation, et un véritable accompagnement de la personne en recherche d'emploi.

Réformer le service public de l'emploi, cela aurait dû être une véritable réforme de l'assurance chômage, qui respecte le paritarisme et indemnise correctement les personnes à la recherche d'un emploi.

Réformer le service public de l'emploi, cela aurait dû être enfin une véritable gouvernance territoriale et une clarification du rôle et des compétences de chacun.

Telle est, madame la ministre, notre conception d'un véritable service public de l'emploi.

Au lieu de cela, vous engagez une opération de communication pour faire croire à l'opinion que l'exécutif agit en vue d'aider les chômeurs à retrouver un travail beaucoup plus rapidement.

Tout cela est de l'affichage, car je ne vois pas en quoi l'instauration d'un guichet unique palliera le manque d'offres d'emploi, contribuera à l'augmentation de la croissance tant attendue par notre Président de la République et permettra de proposer aux chômeurs un emploi stable et rémunéré à hauteur des qualifications demandées, en leur offrant un véritable accompagnement.

En fait, avec cet ersatz de réforme, vous voulez surtout, madame la ministre, faire, à terme, des économies au détriment des agents et des demandeurs d'emploi.

Économies, tout d'abord, en matière de personnels. Ils ont tout à perdre dans cette opération : leur statut pour les agents de l'ANPE, le bénéfice de leur convention collective pour les salariés de l'UNEDIC. Par de nombreuses grèves, ils se sont d'ailleurs fortement mobilisés et ont exprimé à juste titre leurs plus vives inquiétudes depuis qu'ils ont eu connaissance de votre projet, et aujourd'hui encore, dans la région Limousin Poitou-Charentes, la mobilisation des personnels est de plus de 50 %.

Économies également en matière de lieux d'accueil. Il existe actuellement environ 1 600 sites, ANPE et ASSEDIC confondus. Or vous avez promis, madame la ministre, que 1 000 sites au moins resteraient ouverts. Le calcul est simple : cela signifie la fermeture de 600 sites, soit presque un tiers. Ces fermetures auront des incidences sur l'aménagement des territoires péri-urbains et ruraux, déjà sinistrés par la fermeture des bureaux de poste, des hôpitaux et des maternités, des tribunaux de proximité, des gendarmeries, et cela ne facilitera sûrement pas la vie de nombreux demandeurs d'emploi.

Mais ce qui me paraît le plus grave, c'est que, sous couvert d'un regroupement technique de deux entités, vous entendez mettre la main sur les fonds de l'assurance chômage, puisque vous transférez le recouvrement des cotisations chômage aux URSSAF.

Le Président de la République n'a-t-il pas dit lui-même dans sa lettre de mission : « Sur le modèle des new deals mis en oeuvre en Grande-Bretagne, vous engagerez rapidement, en associant, le cas échéant, des partenaires privés rémunérés sur la base d'obligations de résultats, les programmes spécifiques nécessaires pour aider ceux qui veulent travailler, mais rencontrent les obstacles objectifs les plus grands, à retrouver un travail ».

Comme vous avez, une nouvelle fois, agi dans la précipitation, le flou le plus total demeure sur de très nombreux points, et non des moindres : quelle sera la répartition des compétences avec les régions, qui ont un rôle essentiel en matière de formation professionnelle et de développement économique, en matière scolaire ? Quel sera le rôle de l'AFPA ? Quel sera le devenir des maisons de l'emploi, créées il y a deux ans à peine ? Quel sera le devenir des missions locales, des PAIO ? Quelle sera la gouvernance ?

Cette réforme ajoute de la confusion et n'apporte aucune cohérence et aucune logique à ce nouveau service public de l'emploi. Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons, madame la ministre, soutenir ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

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