Quelles peuvent être les conséquences du présent projet de loi ? Le Gouvernement, en proposant, sous l'influence de la grande distribution, de réintégrer la totalité des marges arrière dans le calcul du seuil de revente à perte, veut en réalité revenir à la pratique des prix d'appel prédateurs dénoncés avant 1996. Il ne fait ainsi que généraliser les dérives déjà contenues dans la loi sur les PME en 2005 en remettant en cause le seuil de 20 % que vous aviez vous-même fixé, monsieur le secrétaire d'État, lorsque vous étiez rapporteur du projet.
Par cette disposition, le seuil de revente à perte diminuera de façon dramatique, entraînant une chute brutale des prix, qui aura des conséquences très graves sur les petites et moyennes entreprises, mais aussi sur les entreprises de distribution et l'emploi alors même que l'on envisage de supprimer les restrictions à l'implantation des grandes surfaces. La guerre des prix risque de conduire à la disparition du petit commerce de proximité qui, ne disposant pas de la manne des marges arrière, ne pourra faire face aux prix d'appel.
Je voudrais rappeler que l'artisanat et le commerce alimentaire de proximité représentent encore 25 % de parts du marché du secteur alimentaire, et emploient 428 000 personnes contre 636 000 pour la grande distribution.
Si la grande distribution n'a créé que 1 200 emplois nets en 2006, le plus souvent à temps partiel et sous-qualifiés, l'artisanat et le commerce alimentaire de proximité ont créé 3 600 emplois, selon les chiffres de la fédération des entreprises du commerce et de la distribution.
Rappelons aussi que le petit commerce contribue à favoriser l'aménagement du territoire et la sociabilité en zone rurale, mais aussi urbaine, alors que le développement des zones commerciales va de pair avec la rurbanisation de nos territoires.
Quelles seront les conséquences pour les consommateurs ? À terme, seule la grande distribution pourra augmenter ses prix de vente, d'autant plus facilement qu'il n'y aura plus aucune concurrence entre les distributeurs dans la zone de chalandise, où les grands réseaux de distribution, de plus en plus concentrés, disposeront d'un monopole de fait.
Mon collègue Daniel Paul m'a ainsi expliqué qu'au Havre, dont il est élu, la grande surface Carrefour avait été rachetée par Auchan, qui règne désormais en maître sur la ville.
Le consommateur ne profitera pas à terme des bénéfices qu'il aura pu obtenir dans un premier temps. D'une part, il paiera un prix identique, voire plus élevé ; d'autre part, il sera obligé d'utiliser sa voiture pour faire ses courses à plusieurs kilomètres de son domicile, avec pour conséquence une augmentation de ses dépenses en carburant et un accroissement de la pollution, en contradiction avec les engagements du Grenelle de l'environnement. Mais je pense aussi aux difficultés qu'éprouveront les personnes âgées pour s'approvisionner, loin de chez elles, dans des grandes surfaces labyrinthiques.