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Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 12 mai 2009 à 21h30
Modification du règlement de l'assemblée nationale — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

Je ne crois pas qu'en un an nous ayons mis un peu plus de Parlement dans la démocratie.

Est-ce que l'on met plus de démocratie au Parlement, monsieur le président du groupe UMP, quand parfois – pardon de le dire ! – vous vous comportez comme si vous présidiez notre assemblée ?

N'est-ce pas vous qui, le 9 avril dernier, avez le premier proclamé que le projet de loi « Création et Internet » serait réinscrit à la rentrée des vacances parlementaires, alors même que la conférence des présidents ne s'était pas réunie.

N'est-ce pas vous, monsieur le président du groupe UMP, qui, le 29 avril dernier, alors même que Jean-Marc Ayrault venait de demander de vérifier le quorum, avez indiqué le moment où le vote aurait lieu, avant même que ne s'exprime la présidence de séance.

Je pourrais multiplier les exemples, mais la tâche est superflue. Je crains qu'il ne faille plus de temps pour que tous admettent que la revalorisation promise du Parlement n'a été rien d'autre que l'accroissement des pouvoirs de la majorité au seul profit du Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Sans doute d'ailleurs, si l'on devait chercher l'image pouvant résumer cette année consacrée à l'évolution institutionnelle, faudrait-il retenir le congrès du 21 juillet et le fait que son président ait choisi de voter la révision. C'était une rupture par rapport à la tradition républicaine faite de neutralité. Il est bien loin le temps où Léon Gambetta, pour participer au vote sur un mode de scrutin, choisissait de renoncer momentanément à sa fonction pour descendre dans l'hémicycle et alors voter.

Ce vote était aussi la marque du caractère partisan inhérent au contenu de la révision. C'était enfin le signe de la détermination de l'UMP à faire appliquer la « constitution Sarkozy », comme l'a justement nommée le professeur Bastien François.

Depuis, pas une fois durant ces douze mois, la majorité n'a vraiment cherché le consensus. Sans doute parce que l'objectif affiché de rénovation du Parlement ayant été non pas sérieusement pensé, mais seulement envisagé en termes publicitaires, elle s'est effrayée de ses conséquences possibles.

Une fois les slogans remisés, il fallait s'attacher à rogner en pratique ce qui avait été concédé abstraitement. Ces réticences étaient évidentes dès le projet de loi organique et elles ne font depuis que se renforcer.

Pour s'en convaincre, il suffit de lire les procès-verbaux du groupe de travail de l'UMP qui s'est réuni chaque semaine, le mercredi à huit heures trente, d'octobre à la mi-décembre 2008. Le règlement que l'on nous propose aujourd'hui est tout entier contenu dans les cinquante propositions qui avaient été adoptées dans ce huis-clos.

Ainsi, le 22 octobre a été décidée la présence d'un collaborateur des groupes lors des réunions de commission.

Le 5 novembre, le temps-guillotine, qui était alors baptisé « temps global », est défini comme la priorité de la réforme du règlement.

Le 12 novembre, il est arrêté que l'opposition n'aura le droit qu'à une seule commission d'enquête par an.

Le 26 novembre, le principe de l'application du temps-guillotine sur tous les textes est adopté.

Le 3 décembre est fixé à deux minutes le temps de parole dont bénéficieront les députés pour défendre leurs amendements.

Le 10 décembre est actée la computation des rappels au règlement sur le temps des groupes. Disposition incroyable, car le rappel au règlement est, par définition, extérieur au débat et ne saurait donc s'y inclure ! Mais sans doute le Conseil constitutionnel aura-t-il quelque chose à dire sur ce point.

Pendant que ce travail était mené au sein du groupe majoritaire, un autre groupe, réuni autour du président de l'Assemblée nationale, travaillait à rapprocher les points de vue. C'est dans cette perspective que les députés socialistes ont fait parvenir à ce groupe quatorze propositions sur la réforme du travail législatif et vingt-et-une suggestions sur les procédures de contrôle.

À l'inverse, ayant relu la contribution du groupe UMP datée du 5 mars, j'ai constaté que n'y figurait aucune des décisions que je viens d'évoquer. Je crois, monsieur le président Copé, que vous ne vouliez pas que le débat ait lieu, que vous ne cherchiez pas le consensus. Il a fallu attendre la réunion de la commission des lois du mercredi 29 avril pour retrouver ces fameuses décisions sous votre signature, ou sous celle de notre rapporteur.

Qu'on me comprenne bien, je ne reproche à personne le travail de préparation que font les groupes : c'est bien normal, c'est même leur vocation. Je souligne simplement la tartufferie qui consiste, devant les médias, à prétendre tendre la main et à ensuite imposer brutalement sa domination dans la discrétion des commissions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mais après tout, pourriez-vous me rétorquer, le débat ne fait que commencer ! Nous avons un ordre du jour qui permettra d'en discuter.

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