Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, dans quelques jours, cela fera vingt-quatre mois à peine que je serai devenu député. Déjà se pose à moi la question : député pour quoi faire ?
J'étais arrivé plein de fougue, de volonté, de motivation, d'espoir. J'avais promis de me battre pour que les lois soient mieux faites, plus réfléchies, plus pragmatiques, plus efficaces, plus simples, plus compréhensibles enfin. Je croyais encore applicable et moderne le principe sans cesse rappelé par Montesquieu : « Les lois inutiles affaiblissent toujours les lois nécessaires. »
La désillusion fut rapide, et avant que n'apparaisse la frustration, je voudrais vous dire mon sentiment, au moment où le monde parlementaire va plus encore sombrer dans l'irréel et le superflu, voire l'inutile. Je n'en veux pour preuve que les quelques faits suivants : nous avons voté cent textes en seize mois d'activité parlementaire ; 98 % de ces textes sont d'inspiration gouvernementale et nous n'avons pu en débattre que dans des conditions totalement ubuesques. Un texte et demi par semaine : quel esprit brillant pourrait ingurgiter autant de documents en si peu de temps ?
Chaque problème, chaque fait de société, chaque angoisse appelle la naissance d'une loi, comme si le problème pouvait être réglé par un vote majoritaire.
Il me plaît ici de stigmatiser la démarche invraisemblable d'un ministre de l'intérieur qui nous avait affirmé qu'il réduirait à néant les casseurs de voitures à Strasbourg. Ce même homme, devenu Président, nous a fait voter un texte aux termes duquel ceux dont les voitures étaient brûlées seraient indemnisés par leur compagnie d'assurances. Malgré les engagements présidentiels, malgré ce texte, rien n'a changé à Strasbourg. Bien au contraire, cette année le nombre de véhicules brûlés a sensiblement augmenté.