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Intervention de Catherine Lemorton

Réunion du 12 mai 2009 à 21h30
Modification du règlement de l'assemblée nationale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Lemorton :

Le débat sur ce projet de résolution se déroule dans un contexte singulier. D'une part, le besoin impératif de renforcer le rôle du Parlement, afin que celui-ci puisse prendre toute sa place dans la lutte contre les effets négatifs de la crise et pour l'établissement d'un nouvel ordre économique européen et mondial ; d'autre part, un antiparlementarisme croissant qui doit amener l'institution à réagir pour regagner la confiance des Français.

Dans ce contexte extrêmement lourd, il est évident que le rôle du président de l'Assemblée est de proposer des solutions consensuelles et crédibles. Mais peut-on véritablement se retrouver dans cette proposition de résolution ? Quatre axes y sont en effet développés, constituant les quatre objectifs devant être atteints par la mise en place de cette réforme du règlement : adapter le règlement à la Constitution ; garantir les droits de l'opposition ; conforter l'équilibre des institutions ; actualiser le règlement.

Quatre axes, quatre échecs. Concernant l'adaptation du règlement à la Constitution, que penser du maintien du « temps-guillotine », baptisé plus pudiquement « temps législatif programmé », qui est, ni plus ni moins, une façon d'empêcher les députés de bénéficier d'un droit individuel et constitutionnel, à savoir le droit d'amendement ?

Revoyons donc nos bases et permettez-moi, chers collègues de la majorité, de vous lire la définition que donne le dictionnaire du mot « parlementer » : verbe du premier groupe, il signifie « entrer en pourparlers, discuter, négocier en vue d'aboutir à un accord avec l'adversaire » ; il signifie aussi « discuter ou s'entretenir longuement avec quelqu'un pour accommoder les points de vue ».

Le Parlement, c'est donc l'endroit où l'on parle. Mais les droits de l'opposition y sont-ils respectés quand, par exemple, celle-ci se trouve dans l'incapacité de bénéficier de contre-rapporteurs, pourtant chevilles ouvrières des débats sur les textes ?

L'équilibre des institutions est-il conforté quand on laisse le soin au Président de la République d'annoncer à la presse la modification de textes qui seront discutés le lendemain dans les hémicycles, comme ce fut le cas hier encore avec le projet de loi HPST ?

L'actualisation du règlement enfin est une gabegie quand on voit que l'on y maintient la possibilité de démission pour les députés, aide précieuse pour celles et ceux qui, en délicatesse avec la justice, éviteraient ainsi le déshonneur d'une inéligibilité.

Je vous le disais, quatre axes, quatre échecs prévisibles. D'autant plus que cette proposition de résolution n'apparaît pas dans une période où l'on peut estimer que les droits de l'Assemblée, et ceux de l'opposition en particulier, sont respectés.

L'épisode de la journée d'initiative parlementaire réservée au groupe SRC est, à cet égard, symptomatique du peu de cas que la majorité fait du travail de l'opposition : trois propositions de loi, trois sujets d'importance pour les Français, débattus devant un hémicycle déserté par la majorité qui, vexée par ses propres carences durant le débat sur le projet HADOPI, tente de se redonner une consistance en méprisant l'opposition et les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Monsieur Copé, vous avez organisé ce jour-là l'absentéisme des députés, et ce n'est donc pas la peine de vous livrer aux déclarations que vous faites dans la presse ou dans votre livre ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Réformer le règlement pour donner toute sa place à notre assemblée, d'accord. Mais cette réforme ne doit pas, ne peut pas, être un prétexte pour limiter un peu plus la voix de l'opposition et laisser le champ complètement libre au Président de la République et à son clan de conseillers.

Monsieur le président de l'Assemblée nationale, si vous le permettiez, vous seriez bien sûr complice d'une dérive que nous ne pouvons accepter. Dans votre courrier du 30 avril 2009, adressé à l'ensemble des députés, vous évoquiez la volonté du Bureau de l'Assemblée « d'engager de nouvelles actions de communication permettant de valoriser l'image de l'Assemblée auprès d'un large public ». Si votre projet de résolution est adopté, sur quelles mesures crédibles allez-vous pouvoir sincèrement communiquer ?

Comme l'affirmait Simone de Beauvoir, « se vouloir libre, c'est aussi vouloir les autres libres ». Vous ne pourrez libérer l'Assemblée nationale en emprisonnant l'ensemble de ses représentants dans des rôles subalternes, la transformant ainsi en une simple chambre d'enregistrement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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