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Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 12 mai 2009 à 21h30
Modification du règlement de l'assemblée nationale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Cazeneuve :

En second lieu, pour rehausser le Parlement, il faut éviter que le texte même de la proposition qui nous est présentée, monsieur le président de la commission des lois, recèle suffisamment d'incongruités sur le plan constitutionnel et pour la démocratie pour ne pas poser à un certain nombre de parlementaires, sur tous les bancs, des problèmes de fond.

Je prendrai l'exemple du temps programmé. Son instauration part du principe que l'obstruction parlementaire est le mal qui ronge notre assemblée : il faut donc, pour renforcer son efficacité, contingenter les débats, comme ce serait le cas, nous dit-on, dans la plupart des grandes démocraties ; ainsi les institutions fonctionneraient mieux et le travail législatif serait de meilleure qualité.

Cette thèse ne résiste pas à la confrontation avec la réalité. Voyons cela concrètement. D'abord, depuis 1981, cette assemblée a voté plus de 1 500 textes de loi. En moyenne elle l'a fait après des débats de deux jours, et sept textes seulement au total ont nécessité plus de cent heures de débats. C'est une situation exceptionnelle : la durée des débats dans notre hémicycle est, sur chaque texte, bien inférieure à ce qu'elle est dans la plupart des démocraties occidentales. Cela prouve qu'il n'y a pas ici de volonté d'obstruction ou d'empêcher le Gouvernement et le Parlement de faire leur travail législatif. En revanche, il y a un autre phénomène dont le Gouvernement est le grand coupable, qui est l'inflation législative. On présente à l'Assemblée une multitude de textes les uns après les autres et on les fait passer au forceps sans qu'elle ait le temps de les examiner au fond. On donne ainsi à l'opinion le sentiment d'une embolie législative, très préjudiciable à l'image et à la crédibilité de notre institution. Et c'est cela que vous appelez obstruction.

Un autre problème que pose le temps programmé est que l'Assemblée, qui possède la légitimité la plus forte car elle est élue au suffrage universel et, dans notre système bicaméral, est par conséquent l'assemblée la plus souveraine, se trouvera ainsi soumise à un dispositif souhaité par vous, qui devriez travailler à rehausser notre rôle, alors que l'autre assemblée, élue au second degré, ne serait pas soumise à ce dispositif de contingentement. C'est, au regard des principes démocratiques, comme l'a souligné Jean-Christophe Lagarde, une incongruité que ne pourra supporter aucun membre de cette assemblée s'il est attaché à voir celle-ci exercer ses missions souveraines. On crée ainsi un autre équilibre institutionnel, donnant à la chambre haute élue au second degré des prérogatives supérieures aux nôtres, ce qui est propre à dénaturer profondément les institutions de la République…

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