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Intervention de Jérôme Bignon

Réunion du 17 juin 2008 à 22h15
Réforme portuaire — 6. discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Bignon :

Monsieur le secrétaire d'État, l'intérêt que je porte au littoral et à la mer, les responsabilités qui sont les miennes, justifient que je sois ce soir à cette tribune pour dire au Gouvernement tout le soutien que j'apporte à votre projet.

C'est avec beaucoup de pertinence que notre rapporteur, Jean-Yves Besselat, a salué les mesures d'envergure qui figurent dans le texte adopté en première lecture par le Sénat. Notre pays a un rapport paradoxal avec la mer. Mais la mondialisation, le réchauffement climatique et la prise de conscience progressive qu'il a une carte à jouer comme deuxième espace maritime mondial dans la zone économique exclusive font aujourd'hui de cette importante réforme portuaire une étape dans la consolidation de la vocation maritime de la France.

Cette réforme s'inscrit dans une logique de développement durable, et c'est heureux. Le Président de la République ne rappelait-il pas à Orléans, le 20 mai dernier, qu'il avait pris deux engagements lors du Grenelle ? Le premier était d'arbitrer les grands projets au regard de leur coût carbone et de leur impact sur la biodiversité ; le second de renverser la charge de la preuve : tout grand projet quel qu'il soit devrait désormais faire la preuve de sa neutralité vis-à-vis de l'environnement.

Or chacun sait que les ports, et spécialement les grands ports maritimes dont nous parlons aujourd'hui, sont situés dans des endroits certes économiquement stratégiques mais aussi écologiquement sensibles. Les milieux estuariens, les zones humides qui les entourent sont d'une extrême fécondité. Or, bien souvent, ces milieux ont été dégradés ; l'anthropisation et l'industrialisation ont réduit comme peau de chagrin ces espaces extraordinaires et la perte de biodiversité n'est malheureusement pas contestable.

Le Conservatoire du littoral, dont s'est la mission, a mis en place depuis des années un important partenariat avec les ports et spécialement ceux qui deviennent, par ce projet, grands ports maritimes. À la création des ports autonomes, la fonction première des emprises gérées par ceux-ci était de constituer des réserves foncières. Au fil des années, certaines des parties naturelles ont été cédées, soit au titre de mesures compensatoires d'aménagement, soit parce que les ports autonomes concernés ont considéré que la vocation naturelle de ces espaces s'inscrivait dans le long terme. La cession s'est faite tantôt de manière définitive par voie d'affectation, tantôt de manière temporaire par voie d'attribution.

Un équilibre tend à se dessiner entre les enjeux industrialo-portuaires et la préservation des systèmes estuariens, grâce à la prise de conscience progressive de la valeur exceptionnelle des écosystèmes concernés. Ce partenariat entre le conservatoire du littoral et les grands ports maritimes, qui mérite probablement de progresser encore, s'inscrit parfaitement dans le concept de gestion intégrée de la zone côtière, conformément à l'engagement international de la France et aux exigences communautaires.

Pour être très précis, le Conservatoire du littoral intervient dans l'estuaire de la Seine avec l'affectation de 557 hectares, dans l'estuaire de la Loire avec le transfert de gestion de 1 599 hectares et l'attribution de 391 hectares, dans l'estuaire de la Gironde, enfin, avec 40 hectares affectés et 1 600 hectares en cours d'attribution. C'est dire, monsieur le ministre, avec quelle attention, en ma qualité de président du conseil d'administration du conservatoire, j'ai étudié la relation entre les grands ports maritimes et le Conservatoire du littoral que proposait votre projet.

Je dis un double oui : oui au développement économique des ports ; oui au renforcement de la place de la France dans la compétition mondiale pour le trafic maritime. Mais ce double oui s'inscrit dans la logique du Grenelle rappelée par le Président de la République : gouvernance partenariale, gestion intégrée et analyse des impacts.

Certes des avancées ont été accomplies par le Sénat, saluées à juste titre par Jean-Yves Besselat dans son rapport : zonage des espaces naturels, conseils scientifiques d'estuaire, gestion des espaces naturels, tout cela va dans le bon sens et je m'en réjouis.

Ce n'est pourtant pas suffisant à mon sens. Nous aurions, un certain nombre de collègues et moi-même souhaité compléter le projet en précisant notamment ce qui a trait aux espaces remarquables, soit 10 % de la surface des circonscriptions portuaires. Il s'agissait notamment d'établir la possibilité explicite de céder, d'affecter ou d'attribuer au conservatoire du littoral les espaces à vocation naturelle pérenne délimités dans le projet stratégique des grands ports, tel qu'élaboré par le Sénat. Il va de soi que les grands ports se verraient confier prioritairement la gestion de ces espaces.

J'ai compris cependant que notre proposition risquait de retarder l'adoption d'un texte dont les enjeux sont urgents. Dès lors donc que le Gouvernement est prêt à accueillir favorablement l'adoption dans un autre véhicule législatif des propositions que nous aurions pu faire ici, il va de soi que je ne m'opposerai pas et que je serai même extrêmement favorable à l'adoption du texte en l'état. Compte tenu de l'urgence soulignée sur tous les bancs de cette assemblée, je ne veux rien faire qui freine l'avancée de la réforme portuaire.

Favoriser par cette réforme le renforcement des engagements stratégiques de la France mais aussi respecter la lettre et l'esprit du Grenelle en renforçant le partenariat entre les grands ports maritimes et le Conservatoire du littoral pour assurer la préservation des milieux naturels remarquables : voilà les objectifs que je poursuis en intervenant à cette tribune. Merci de bien vouloir me confirmer, monsieur le secrétaire d'État, que ce sont bien également les préoccupations du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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