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Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 17 juin 2008 à 22h15
Réforme portuaire — 6. discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Cazeneuve :

Monsieur le secrétaire d'État chargé des transports, votre texte nous pose un problème. En effet, dans le diagnostic qu'il pose, les orientations qu'il développe et les pistes qu'il propose, il pourrait nous convenir, mais il nous déçoit par l'absence de moyens consacrés à l'ambition qu'il est censé porter. C'est pourquoi nous ne pouvons vous suivre jusqu'au bout de votre démarche.

Nous partageons votre diagnostic. Il est en effet urgent d'agir, compte tenu de l'état dans lequel se trouvent nos infrastructures portuaires, notamment nos ports maritimes, dans un contexte international de plus en plus compétitif qui met nos ports à mal. Rappelons quelques données statistiques, citées cet après-midi par Michel Delebarre et Philippe Duron : alors que 80 % du commerce international transitent par les voies maritimes, la part de marché des ports français, notamment des ports maritimes, est passée de 17 % à 13 % en vingt ans ; 50 % des marchandises importées en France par voie de mer arrivent dans des ports étrangers. C'est dire à quel point il est urgent d'agir.

Nous partageons également avec vous le constat de la nécessité de réformer la gouvernance des ports. À cet égard, l'unité de commandement que vous proposez de créer garantira l'efficacité de leur gestion. Par ailleurs, nous considérons comme vous qu'il est nécessaire de procéder à des investissements massifs pour assurer la modernisation des infrastructures.

Or, lorsque nous regardons le texte qui nous est proposé, force est de constater que le compte n'y est pas. Je prendrai des exemples très concrets. Vous dites vouloir mettre en oeuvre une politique d'investissement très offensive dans les grands ports maritimes, afin de les moderniser et de leur permettre de compter dans la compétition internationale. Mais, dans le cadre des contrats de projet qui s'achèvent, les différents gouvernements avaient prévu de consacrer environ 1,2 milliard d'euros aux ports autonomes : c'est l'équivalent, à peu de choses près, de la somme investie dans la modernisation des infrastructures et des superstructures du seul port de Rotterdam. Quant aux crédits que vous proposez d'inscrire dans les prochains contrats de projet, ils s'élèvent à un peu plus de 400 millions d'euros, soit la moitié des moyens consacrés par le port de Hambourg à la modernisation de ses superstructures. Lorsqu'on sait qu'en outre, l'État n'a pas tenu les engagements qu'il avait pris dans le cadre du précédent contrat de projet concernant les ports d'intérêt régional – les anciens ports d'intérêt national de l'État – et qu'à Cherbourg et à Caen, par exemple, il n'a pas financé le volet portuaire des contrats de plan État-régions, on mesure l'étendue du retard accumulé.

Deuxième constat : la desserte ferroviaire et fluviale des ports, qui permettrait de structurer convenablement les hinterlands et de capter de nouveaux trafics dans le cadre de cette modernisation, n'est pas non plus à la hauteur de l'ambition affichée dans votre projet de loi. Dans nos régions, nous voyons au contraire la SNCF remettre en cause sa politique de fret et réduire la voilure en matière d'infrastructures. Or, il sera impossible de développer nos ports si nous ne sommes pas en situation de consacrer des moyens au développement des hinterlands et des infrastructures qui les irriguent.

Enfin, au-delà des problèmes posés par les investissements, une politique ambitieuse en faveur des ports français ne saurait se réduire à la modernisation des grands ports maritimes, en laissant de côté toutes les autres infrastructures portuaires avec lesquelles ils pourraient coopérer afin d'offrir à la France la véritable ambition maritime dont elle a besoin et qui, jusqu'à présent, a cruellement fait défaut à tous les gouvernements qui se sont succédé.

Certes, il est bien prévu, dans votre texte, d'assurer une coordination entre les grands ports maritimes d'une même façade et, éventuellement, entre ceux-ci et les ports fluviaux de la même façade. Mais il est regrettable que cette coordination n'inclue pas l'ensemble des ports d'intérêt national, qui peuvent jouer un rôle important dans le développement du commerce international par voie maritime. J'en veux pour preuve le conseil européen informel auquel vous avez participé avec vos homologues européens il y a quelques semaines, au cours duquel il a été décidé de relancer les autoroutes de la mer, en développant la politique d'amorçage et en permettant aux ports français d'émarger au programme Marco Polo. Pourtant, à aucun moment ne sont évoquées, dans votre texte, l'articulation entre les grands ports maritimes et les ports d'intérêt national ou la manière dont vous accompagnerez les régions dans le développement de ces infrastructures en complémentarité avec les ports d'intérêt national.

Monsieur le secrétaire d'État, même si ce n'est pas la seule raison pour laquelle nous ne voterons pas ce texte, permettez-moi de dire au tintinophile que vous êtes (Sourires) que, malgré vos bonnes intentions, vous ne parviendriez pas à convaincre l'excellent et exigeant marin qu'est le capitaine Haddock que ce texte porte une véritable ambition maritime pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

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