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Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du 20 octobre 2008 à 21h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, ce projet de budget présente une double difficulté, notamment en ce qui concerne les relations de l'État et des collectivités territoriales : en raison de la complexité des mécanismes qu'il met en oeuvre ; pour les collectivités qui auront à en gérer les effets.

Les divers et nombreux concours financiers de l'État aux collectivités territoriales apparaissent à plusieurs endroits de la loi de finances. Certains figurent dans les dépenses, notamment aux missions «Remboursements et dégrèvements d'impôts », « Relations avec les collectivités territoriales », « Travail et emploi » ou encore « Culture ». D'autres sont inscrits dans les prélèvements sur recettes de l'État et regroupent les principales dotations de fonctionnement, dont la DGF.

Pourtant, il en va des lois du budget et de l'impôt comme de celles de l'économie : il faut de la clarté et de l'intelligibilité. Paul Krugman, le récent prix Nobel d'économie, rappelait dans un de ses ouvrages : « Ce dont le monde a besoin maintenant, c'est d'agir en étant bien informé ; et, pour ce faire, les idées doivent être présentées de façon à être accessibles à un large public et non pas aux seuls docteurs en économie. » S'agissant de ce qui nous occupe ce soir, je dirai que le budget doit être présenté de façon à ne pas être accessible aux seuls spécialistes des finances publiques et locales.

Or, sans entrer dans le détail, on doit noter l'existence d'une grande variété de dotations, de concours financiers – certains ont leurs propres règles de variation ou servent de variables d'ajustement –, ou encore de compensations d'exonérations, dont certaines évoluent à la baisse en contrepartie de l'augmentation d'autres concours. Ainsi va la complexité qui rend difficile le repérage d'importants enjeux politiques masqués derrière des dispositions techniques.

Mon propos peut vous sembler déconnecté des grands enjeux de ce budget. Il est pourtant en prise directe avec eux, car l'absence d'intelligibilité de la loi conduit au désintérêt des citoyens et donc, in fine, à l'affaiblissement de la transparence de la discussion budgétaire et des décisions prises.

Revenons aux grands enjeux du budget 2009. Il est et sera difficile pour les collectivités qui auront à en gérer les effets. En 2009, l'insuffisance de ressources conduit l'État à transférer aux collectivités territoriales une partie de ce qu'il devrait financer. À défaut de ressources, il diminue sa contribution. À défaut de recettes, il sollicite celles des collectivités locales. Comme le disait François Villon – le poète français du Moyen-Âge ayant vécu près d'Angers, et non François Fillon, qui pourtant n'habite pas loin (Sourires) – : « En grande pauvreté ne gît pas grande loyauté. »

De 1996 à 1999, dans le cadre du pacte de stabilité financière, la dotation globale de fonctionnement était indexée sur l'inflation. Puis, de 1999 à 2007, dans le cadre du pacte de croissance et de solidarité, elle était indexée sur l'inflation augmentée du tiers de l'évolution de la croissance. Depuis 2008, elle est indexée uniquement sur l'inflation. En fait, il s'agit de l'inflation retenue par le projet de loi de finances, c'est-à-dire l'inflation prévisionnelle.

En 2008, le taux d'évolution retenu a été de 1,6 %, alors qu'en glissement annuel, il est proche de 3 %. Pour 2009, le montant de la DGF atteindra 40,855 milliards d'euros, ne progressant donc qu'au rythme du niveau d'inflation retenu par le gouvernement, soit 2 %. Par rapport à 2008, cette hausse représente 800 millions d'euros supplémentaires pour les collectivités locales. Cependant, l'inflation sera certainement plus élevée. Selon nos calculs, la différence représentera un manque de ressources pour les collectivités territoriales d'environ 400 millions d'euros. Ainsi, le maintien du pouvoir d'achat des collectivités ne sera pas assuré.

En outre, les éléments de calcul de la dotation forfaitaire de la DGF restent insatisfaisants pour certaines communes qui ont significativement évolué depuis 1993, notamment en termes de population.

Autre difficulté évoquée tout à l'heure par Philippe Vigier : la vraie fausse augmentation du FCTVA. Au sein de l'enveloppe de l'État, il existe d'autres concours financiers ayant leur propre régime d'évolution, parfois plus favorable. Pour que l'indexation globale soit respectée, certains concours servent de variables d'ajustement et sont orientés à la baisse.

Ainsi, le fonds de compensation de la TVA est intégré à l'enveloppe normée, c'est-à-dire qu'il fait désormais partie des concours de l'État dont l'évolution globale est plafonnée en suivant la seule inflation prévisionnelle. Cette année, il croît bien en fonction du niveau des investissements des collectivités réalisés il y a deux ans, passant de 5,19 à 5,85 milliards d'euros, soit une augmentation de 660 millions – un peu moins de 12 %. Néanmoins, l'inscription du fonds dans l'enveloppe normée a conduit l'État à diminuer les compensations d'exonérations, qui passent de 3,432 à 3,191 milliards d'euros, soit près de 300 millions d'euros en moins.

Ainsi, par ces deux seules premières mesures, le recul de la DGF et l'encadrement du FCTVA, l'État impose aux collectivités locales de supporter un manque à gagner de 700 millions d'euros qui leur auraient été acquis s'il n'y avait pas eu de modification des règles en vigueur.

Venons-en à la remise en cause de la dotation de solidarité urbaine, qui n'a pas encore été évoquée, autrement dit à l'invention de la solidarité entre les seules communes défavorisées. L'objet de la DSU est de contribuer à l'amélioration des conditions de vie dans les communes urbaines confrontées à une insuffisance de leurs ressources au regard des charges élevées et particulières qui sont les leurs.

Sur un peu moins de 1 000 communes de 10 000 habitants, 715 bénéficiaient – il faut en effet parler au passé – de la DSU, étant considérées comme défavorisées par rapport à la moyenne des communes de la strate. Pour juger de leur situation et de leur capacité, différents critères étaient pris en compte : le potentiel financier par habitant, le nombre de logements sociaux, le pourcentage de la population couverte par des prestations logement et le revenu moyen par habitant.

D'un montant de près de 1,1 milliard d'euros augmenté de 70 millions d'euros en 2009, la DSU a pourtant vécu ! En effet, le nombre des communes bénéficiaires va passer de 715 à 477. Des communes considérées comme défavorisées hier, c'est-à-dire en 2008, vont perdre près de 350 millions d'euros et, au nom de la solidarité entre les moins favorisées, vont devoir aider les plus fragiles.

Face à cette nouvelle restriction, certains argueront qu'aux 70 nouveaux millions d'euros s'ajouteront 50 autres millions constituant la nouvelle dotation de développement urbain. Cependant, cette DDU aura la particularité d'être ponctuelle pour chaque bénéficiaire, et donc pas forcément reconductible.

Ces expédients, c'est-à-dire ces « moyens ingénieux auquel on recourt pour sortir d'une situation délicate » selon la définition du dictionnaire, représentent plus d'un milliard d'euros, et ils ne suppriment pas les causes de la situation délicate.

Cela étant, je voudrais poser quatre questions à Mme la ministre, dont deux sont relatives aux conséquences du Tchernobyl financier que nous venons de connaître, et les deux autres à l'actualisation de la fiscalité des collectivités territoriales.

Le Gouvernement dispose-t-il d'estimations quant aux effets de la crise financière sur les budgets des collectivités territoriales, dont l'endettement s'accroît, notamment sous l'effet de la hausse des taux variables des emprunts qu'elles ont contractés ? Quel sera l'impact du ralentissement économique sur le produit des impôts locaux et des autres produits de fiscalité indirecte attribués aux départements et aux régions ? Comment le Gouvernement entend-il soutenir l'effort d'investissement que réalisent les collectivités locales ? Réfléchit-il à la possibilité d'aller au-delà des baisses de dotations et de stimuler leur contribution au développement économique par des investissements publics, si nécessaires pour améliorer les infrastructures et préparer notre pays à la nouvelle donne énergétique ?

L'accusation habituellement adressée aux relances économiques par le biais des dépenses publiques, c'est qu'elles prennent trop de temps pour être mises en oeuvre et ne démarrent que lorsque la récession est déjà terminée. Mais, s'il apparaît que cette récession dure – ce qui est vraisemblable –, ce n'est pas un problème et cela peut même être la solution.

Enfin, concernant la nécessaire évolution de la fiscalité locale, ma question est simple : le Gouvernement compte-t-il mener à bien la réforme de la fiscalité locale et notamment les chantiers de l'actualisation des valeurs locatives et de la taxe professionnelle, dans la perspective de rendre la fiscalité locale plus lisible et plus juste ?

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