Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la LOLF adoptée le 1er août 2001 était un puzzle. En voici une pièce nouvelle : ce rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution présenté avant l'examen et le vote du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Si l'on ajoute que ce rapport vient en même temps que la programmation des finances publiques pour 2009 à 2012 prévue dans la dernière loi constitutionnelle, reconnaissons qu'il y a là une cohérence de forme utile pour une compréhension globale de nos finances publiques.
Qu'avions-nous entendu durant la campagne électorale présidentielle ? La promesse de baisser de quatre points les prélèvements obligatoires. Et qu'observe-t-on depuis le début du quinquennat ? Que les nouvelles impositions se multiplient : l'accélération de la créativité fiscale est une réalité.
Oui, celui qui se présentait comme le Président qui allait redonner du pouvoir d'achat aux Français est devenu le Président de la République qui ponctionne les Français aux revenus moyens et modestes pour aider largement les plus favorisés.
Des taxes nouvelles pour le plus grand nombre, le processus est entamé depuis quinze mois : franchises médicales, 850 millions d'euros payés par les malades ; malus automobile, 470 millions d'euros payés par les automobilistes, et, même s'il répond à l'objectif de préserver l'environnement, il n'est pas assorti d'un système de bonus à hauteur de l'enjeu ; taxe sur les poissons, 80 millions d'euros payés par les consommateurs ; rémunération pour copie privée des disques durs externes et des clés USB, 30 millions d'euros payés par les utilisateurs.
Ces injustices et ces incohérences seront accentuées demain par plusieurs éléments :
La taxation de 1,1 % sur les revenus du capital et du patrimoine qui, avec 1,5 milliard d'euros de rapport, financera le RSA – ce n'est pas en contester le principe que de contester une fois de plus le fait que les contribuables les plus aisés y échapperont totalement par le biais du bouclier fiscal plafonné à 50 % des revenus ;
Une augmentation de la taxe sur le chiffre d'affaires des mutuelles et des assurances de santé : un taux qui passe de 2,5 à 5,9 % dans le PLFSS 2009, ce sont un milliard d'euros en plus payés par les assurés sociaux ;
Une taxation de la participation et de l'intéressement à 2 %, pour alimenter les caisses de sécurité sociale : pourquoi pas ? mais d'autres revenus liés à la participation, comme ceux issus de la détention de stock-options ou ceux la pratique des golden parachutes vont échapper à toute contribution sociale ;
Une taxation du chiffre d'affaires des opérateurs de téléphonie mobile et des fournisseurs d'accès à Internet à hauteur de 0,9 %, qui fera peser 400 millions d'euros en cascade sur les consommateurs pour financer partiellement la suppression de la publicité sur les chaînes publiques ;
L'augmentation du droit de timbre perçu sur les demandes de passeport ;
Enfin, la hausse du ticket modérateur hors du parcours de soins, qui constituera un déremboursement supplémentaire payé par les malades.
Voilà tout ce qui attend les Français pour les semaines qui viennent.
Parallèlement, les baisses de recettes fiscales, d'une part, nous ont privés de marges de manoeuvre et, d'autre part, bénéficient en fait aux privilégiés. Dans la conjoncture morose, de décroissance et de récession – c'est ainsi que j'appelle la « croissance négative », madame la ministre –, nous constatons que ces cadeaux fiscaux faits aux plus aisés n'ont pas d'effet sur l'activité économique, sur l'emploi et sur le pouvoir d'achat.
La baisse de 15,7 % des recettes d'impôt en capital est due principalement à l'allégement des droits de donation et de succession voté dans le texte relatif au travail, à l'emploi et au pouvoir d'achat, uniquement pour les 20 % de successions les plus importantes puisque les autres bénéficiaient déjà de l'exonération.
Ces mesures touchant aux droits de succession, ajoutées à la réduction de l'impôt de solidarité sur la fortune et à l'instauration d'un bouclier fiscal à 50 %, contribuent effectivement à diminuer les prélèvements obligatoires de 3 milliards d'euros en 2008, mais pour qui ?
Il est aussi nécessaire de rappeler que la loi de finances initiale de 2008 avait mis en place la suppression de l'imposition des dividendes au taux marginal, ce qui signifie une baisse pour les plus gros contribuables puisque le taux marginal était supérieur au taux des prélèvements obligatoires.
Madame la ministre, ce n'est pas seulement la crise qui vous contraint – et pas assez, nous l'avons dit – à revoir vos objectifs. La programmation pluriannuelle qui avait été transmise à la Commission européenne en décembre 2007 reposait sur une baisse de 0,6 % du taux des prélèvements obligatoires pour 2008 et sur une stabilisation à compter de 2010.
Au début de ce débat, vous nous avez confirmé que la stabilisation du taux à 43,2 % devait être lue à l'horizon 2012.
Nous constatons et nous dénonçons le fait que, pour atteindre cet objectif de stabilisation, vous êtes contraints, après avoir massivement les impôts pour les plus aisés, à multiplier les taxes qui affectent le plus grand nombre des Français dans leur vie quotidienne. Derrière la stabilité affichée, c'est donc à des transferts massifs que nous assistons, tous allant dans le sens d'une diminution du pouvoir d'achat du plus grand nombre et d'une augmentation de la précarité.
Pour conclure sur ce point, si nous sommes d'accord sur le constat du niveau atteint par les prélèvements obligatoires dans notre pays, il n'apparaît plus possible de créer des impositions dans l'unique objectif d'augmenter les ressources de l'État. L'acceptabilité fiscale et sociale par le citoyen nécessite d'assigner un objectif populaire et consensuel aux impositions de toute nature.
Je souhaite, pour terminer, m'appesantir spécialement sur la troisième partie du rapport, qui consacre l'un de ses deux chapitres à la fiscalité environnementale.
Je me félicite tout d'abord du constat sur le passé. Ce constat, que je partage, consiste à reconnaître que notre pays a été un précurseur en matière de fiscalité environnementale avec la loi-cadre sur l'eau du 16 décembre 1964.
Celle-ci a mis en place les agences de bassin, dotées des moyens que sont les redevances, outils leviers des actions visant à une meilleure gestion qualitative et quantitative de l'eau, confirmées, au fil des transpositions des directives cadres européennes, par l'objectif de bon état écologique de l'eau et des milieux aquatiques.
Rétrospectivement, on peut donc dire que notre pays a été précurseur dans le domaine des redevances et taxations sur l'eau, une des quatre masses de la fiscalité de l'environnement française, qui représente aujourd'hui 22 % des prélèvements, soit 10,9 milliards d'euros.
La masse la plus importante, en termes financiers, c'est la taxation sur les carburants, qui pèse 24,4 milliards d'euros, soit 49 % des prélèvements. Encore faut-il reconnaître que cette taxe, même si elle porte sur la consommation de carburants et même si son impact sur les comportements est avéré, n'a pas été créée à des fins environnementales mais plus certainement pour des raisons financières et budgétaires.
Les deux autres masses sont quasiment égales, à hauteur de 4,5 milliards d'euros, soit 9 % des prélèvements, et concernent la taxation de l'énergie hors carburants et les redevances ou taxes pour la collecte des déchets ménagers.
De manière résiduelle, les taxes portant sur les transports, à hauteur de 8 %, et diverses nuisances, sur l'air, les paysages, les bruits, les risques, pour un total d'environ 2 %, portent, selon le Conseil des prélèvements obligatoires, à un total de moins de 50 milliards d'euros la fiscalité environnementale en 2006.
Notre pays est donc, pour la fiscalité environnementale, en dessous de la moyenne des pays développés, en retrait par rapport aux autres pays de l'OCDE, en particulier par rapport aux autres pays de l'Union européenne.
Si je concède au rapport que l'efficacité de la fiscalité environnementale ne peut être appréhendée par le seul poids de ses recettes dans le PIB, il n'en demeure pas moins que la France pourrait avoir davantage recours à cet outil pour réussir sa mutation écologique et entraîner nos concitoyens à modifier progressivement leurs comportements, et provoquer ainsi une réduction des pollutions. La fiscalité écologique doit avoir, y compris au départ, par des taux suffisamment élevés, un effet pédagogique, et générer une réduction progressive des recettes.
Nous en sommes loin, et ce ne sont pas les faibles apports du Grenelle, y compris les premières mesures introduites dans le projet de loi de finances pour 2009, qui vont changer fondamentalement les choses : 401 millions d'euros pour les aménagements du soutien aux biocarburants, 88 millions d'euros de relèvement de la TGAP sur les déchets mis en décharge, 54 millions d'euros dus à l'instauration d'une TGAP sur les déchets incinérés, 40 millions d'euros pour le relèvement de la TGAP sur les granulats, 15 millions d'euros dus au relèvement des taux de la redevance pour pollutions diffuses. Tout cela est relativement peu.
Si l'on ajoute la diminution contestable de 50 millions d'euros due à l'abaissement des tarifs de la taxe à l'essieu au motif de la compétitivité des transporteurs français, on ne voit globalement pas poindre un quelconque changement dans les comportements des agents économiques susceptible d'améliorer significativement notre environnement. La capacité de mobilisation de la fiscalité comme moteur de changement reste largement sous-employée et sous-expliquée.
Madame la ministre, monsieur le ministre, vous m'opposerez l'écoprêt à taux zéro pour la rénovation thermique des logements, le verdissement du dispositif de prêt à taux zéro destiné aux primo-accédants dans le logement neuf, le dispositif de crédit d'impôt développement durable sur les économies d'énergies et les énergies renouvelables dans le bâtiment, la taxe poids lourds à venir à partir de 2011, et leurs effets cumulés à venir.
J'en prends acte mais, avec l'éclairage que nous apporte la crise financière, je veux vous dire ma conviction qu'il nous faudrait avant tout et collectivement déboucher sur une réappropriation politique de la notion de valeur, ce qu'Emmanuel Giannesini, maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris, décrit comme une nécessaire « révision complète du mode de comptabilisation et de tarification de l'ensemble de nos activités ».
Je veux conclure avec lui, tout en vous donnant acte de cet aspect du débat sur les prélèvements obligatoires : « De la comptabilité patrimoniale des ressources naturelles entrant dans le cycle de production à la généralisation de la fiscalité verte, c'est tout notre système de prix et de valeur qu'il faut renouveler en redonnant un sens durable à la notion de richesse. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)