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Intervention de Martine Billard

Réunion du 20 octobre 2008 à 21h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 — Discussion sur les prélèvements obligatoires

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Billard :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, le rapport sur les prélèvements obligatoires présente un côté irréel, lorsqu'on y lit que « les prélèvements obligatoires des organismes de sécurité sociale devraient progresser spontanément à un rythme supérieur à celui du PIB, du fait d'une masse salariale plus dynamique que le PIB en valeur. »

Certes, les prévisions gouvernementales ont été arrêtées au 19 septembre dernier, mais tout de même… Les chiffres donnés par le rapporteur général pour l'année 2008 auraient dû amener le Gouvernement à plus de prudence. Je cite le rapport : « Les résultats du premier semestre 2008 révèlent un net fléchissement de la croissance française. Au deuxième trimestre, le PIB a reculé en volume, ce qui n'était plus survenu depuis le deuxième trimestre 2003, et dans des proportions qui n'avaient pas été constatées depuis le dernier trimestre 2001. ». Avec ces chiffres, il est donc surprenant d'avoir présenté un scénario aussi optimiste pour ce qui est du rendement des prélèvements obligatoires.

Malgré la crise actuelle, le Gouvernement s'obstine à maintenir un objectif de croissance de 1 % pour 2009, en le justifiant par une consommation qui devrait rester soutenue, car bénéficiant de la baisse de l'inflation. Mme la ministre reconnaît – enfin ! – que cet objectif est assez peu probable, mais nous propose d'attendre le mois de novembre. Pourtant, le FMI évalue la croissance à 0,2 % pour la France, et les prévisions les plus optimistes ne dépassent pas les 0,5 %. Il n'est donc pas possible de faire l'impasse sur la nette détérioration du marché du travail et les inquiétudes des ménages face aux risques de licenciements et de relance du chômage.

Mme la ministre nous a expliqué que les prévisions de dépenses resteraient maîtrisées et que le Gouvernement tiendrait son engagement de ne pas augmenter la fiscalité. Dans ces conditions, on voit mal comment le déficit public pourrait se stabiliser à 2,7 % du PIB en 2009, tout en faisant jouer « les stabilisateurs automatiques », comme cela a été annoncé cet après-midi.

Ainsi, comme l'indique le rapporteur général dans son rapport, la fourchette moyenne des prévisions de déficit public s'étend de 3 % à 3,5 % du PIB, et seuls deux instituts voient le déficit public demeurer inférieur à 3 % en 2009. Pourtant, le ralentissement économique mondial assombrit sérieusement les perspectives budgétaires.

En effet, même en restant à un chiffre de croissance de 1 %, chiffre qui peut se révéler plus qu'optimiste, le déficit du budget de l'État s'aggraverait de près de 14 milliards d'euros d'ici à la fin 2009, selon le rapporteur général. Dans ces conditions, l'évolution des prélèvements obligatoires, telle qu'elle nous est proposée par le rapport, est peu crédible.

Entre les conséquences du « paquet fiscal » de la loi TEPA de 2007 et celles des mesures fiscales adoptées en 2008, ce sont des milliards d'euros qui manquent aujourd'hui pour faire face à la crise. Et ces mesures, prises précédemment, ont surtout favorisé ceux qui ont les plus hauts revenus, comme le bouclier fiscal, totalement inique, qui ne favorise que les plus aisés dont il est néfaste pour la planète d'augmenter la consommation de luxe.

La France est le pays de l'Union européenne où la part des recettes fiscales environnementales est la plus faible, et de très loin. Et ce ne sont pas les quelques mesures provenant du Grenelle et intégrées dans ce projet de loi de finances qui modifieront en profondeur l'orientation budgétaire pour en faire un « budget vert », comme vous vous en êtes vantée, cet après-midi, madame la ministre. Du reste, selon le Gouvernement, « l'impact des différentes mesures environnementales prévues devrait être limité ». Il est aussi surprenant de se féliciter du succès du bonus-malus sur l'achat de véhicules motorisés et, dans le même temps, de refuser de l'étendre à d'autres produits, comme les études en avaient montré la possibilité. C'est encore une occasion ratée pour réorienter un certain nombre de mesures vers l'efficacité environnementale.

Avec vos allégements fiscaux improductifs, vous ne pouvez aujourd'hui investir dans des actions bonnes pour la planète et créatrices d'emplois. Les niches fiscales sont tout juste égratignées. D'ailleurs, le rapporteur général reconnaît lui-même qu'il ne s'agit pas de mesures de rendement budgétaire. Pourtant, toutes ces niches ajoutées au bouclier fiscal, comme le considère aussi M. Carrez, permettent à de riches contribuables d'échapper à l'impôt et à d'autres d'en payer très peu.

Le Président de la République entonne désormais des couplets contre le capitalisme financier débridé, à la Besancenot, mais une des façons de lutter contre de tels excès ne serait-elle pas de taxer les stock-options, selon le régime fiscal et social commun de tout revenu d'activité, comme le proposait l'an dernier la Cour des comptes, de supprimer le bouclier fiscal ou de recréer une tranche supérieure de l'impôt sur le revenu, afin de limiter les superprofits de quelques-uns ?

La libéralisation des heures supplémentaires permet certes à quelques salariés d'augmenter leur salaire, mais elle envoie des milliers d'intérimaires au chômage et, en cette période de crise, elle amènera de nombreuses entreprises à renvoyer à plus tard les embauches. Cela aura donc pour effet d'augmenter le chômage et donc le besoin de financement de l'Unedic. Il est absurde de s'obstiner à vouloir transférer 0,3 point de cotisation Unedic vers la CNAV alors que le chômage repart à la hausse.

Est-il responsable de continuer à envisager de nouvelles exonérations de cotisations sociales, comme le propose le ministre du travail, s'agissant des cotisations chômage des seniors, ou d'étendre la liste des exonérations non compensées par l'État comme le prévoit le PLFSS pour 2009 ? Votre politique fiscale est totalement injuste et contreproductive en termes économique, social et environnemental. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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