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Intervention de François de Rugy

Réunion du 20 octobre 2008 à 21h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 — Question préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Comment pouvez-vous expliquer aux Français que les transactions financières, qui font passer des milliards d'un continent à l'autre en quelques secondes et ont entraîné tant d'instabilité de par le monde, échappent complètement à la fiscalité ? Quand on ajoute à cela le bouclier fiscal ou les nombreuses exonérations d'impôt de solidarité sur la fortune, comment parler encore de solidarité nationale ou tout simplement de justice fiscale ?

Comme je l'ai dit la semaine dernière lors du débat relatif au plan de sauvetage des banques, je trouve qu'il y aurait eu une certaine décence à abroger, ou au moins à suspendre le bouclier fiscal. Cela aurait été un signe, certes modeste, mais un signe tout de même, d'abord pour dire que vous n'étiez pas enfermés dans votre idéologie, mais aussi pour signifier clairement que l'effort demandé aux Français doit être partagé, comme le veut notre pacte républicain.

De même, on peut sérieusement s'interroger sur le bien-fondé du soutien au dispositif sur les heures supplémentaires. Déjà, en juillet 2007, lorsque vous avez fait voter cette mesure, nous avions été nombreux à douter de sa pertinence, au moment même où le ralentissement de l'économie commençait à se faire sentir. Des mesures pour soutenir la création d'emplois ou le niveau de vie des classes moyennes auraient sans aucun doute été plus adaptées à la situation, en dehors même de toute considération sur votre slogan : « Travailler plus pour gagner plus ». Vous savez ce que nous en pensons : nous ne faisons pas partie de ceux qui considèrent que les Français sont des fainéants.

Le problème est que vous êtes prisonniers de ce slogan, et davantage pour des raisons idéologiques qu'économiques. Nous avions déjà, à l'époque, soulevé la question de l'efficacité économique des mesures votées dans la loi TEPA : comme l'a dit Michel Sapin, si elles étaient efficaces, on pourrait peut-être accepter qu'elles soient un peu injustes. Mais ce n'est même pas le cas.

En outre, la crise financière ne doit pas faire oublier d'autres crises, notamment la crise écologique. D'autant plus que, sans tomber dans la formule simpliste de la « croissance verte », dont je ne sais trop ce qu'elle veut dire, il est évident que c'est aujourd'hui qu'il faut encourager, par des réglementations adaptées mais aussi par des incitations fiscales ou des investissements publics, les entreprises ou les particuliers qui innovent pour réduire notre « empreinte écologique » : au-delà de cette expression, tout le monde voit bien l'utilité de lutter contre toutes les formes de gaspillage. C'est utile pour l'avenir de la société tout entière, mais aussi pour tout un chacun ; cela signifie bien souvent des économies en espèces sonnantes et trébuchantes, lesquelles sont autant de gains durables de pouvoir d'achat.

Ce sont, enfin et surtout, autant d'emplois durables, car ancrés sur nos territoires, en un mot non délocalisables. L'exemple du logement est extrêmement éloquent. Ce secteur contribue de façon très forte à l'effet de serre, en raison des gaspillages d'énergie liés au chauffage : il crée donc une perte de pouvoir d'achat pour nos concitoyens. On pourrait agir là sur les trois fronts en même temps.

Les États-Unis eux-mêmes se sont mis à la stratégie environnementale. Les parlementaires démocrates ont d'ailleurs lié l'adoption du plan Paulson à une condition qui, chez nous, est passée inaperçue, en obtenant un crédit d'impôt de 17 milliards de dollars pour financer, pendant huit ans, les énergies solaire et éolienne.

En présentant le rapport de l'Organisation internationale du travail, « Pour un travail décent dans un monde durable, à faibles émissions de carbone », publié le 24 septembre dernier, Peter Poschen, conseiller pour le développement durable à l'OIT, a expliqué : « C'est notre contribution à la négociation internationale sur le climat. Ce rapport montre qu'une mutation vers une économie pauvre en carbone n'est pas un danger pour l'emploi. » Ainsi, les gouvernements ne peuvent invoquer cet argument pour se soustraire à l'effort collectif que réclame la lutte contre le changement climatique.

Concrètement, selon ce rapport, l'économie verte représente un marché évalué à plus de 1 370 milliards de dollars par an. En Allemagne, le secteur des technologies de l'environnement devrait quadrupler pour atteindre 16 % de la production industrielle d'ici à 2030. Il fournirait alors plus d'emplois que les secteurs de l'automobile et de la machine-outil réunis, les deux vitrines de l'industrie allemande. Voilà des réponses concrètes et, surtout, durables à la crise qui touche déjà l'emploi.

Le plan de sauvegarde des banques était utile – et nous ne nous y sommes pas opposés –, mais il se limitait à une vision de court terme et montrait aussi à quel point il peut être coûteux de laisser l'économie soumise à la financiarisation. Ce plan n'aura d'utilité réelle que s'il est la première étape d'une remise à plat de la pensée économique qui sous-tend votre politique. Finalement, en présentant un budget quasi inchangé par rapport à l'année dernière, vous donnez l'impression de rester prisonniers des schémas politico-économiques du passé.

En disant cela, je n'entends pas prôner une sorte de révolution anticapitaliste – je laisse ça à d'autres. Je ne vais pas clamer devant vous qu'il suffirait de renverser la table pour que tout aille bien.

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