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Intervention de Jean-Jack Queyranne

Réunion du 1er avril 2008 à 21h30
Organismes génétiquement modifiés — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jack Queyranne :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, chers collègues, ce projet est la première traduction législative du Grenelle de l'environnement. C'est dire l'importance qu'il revêt, quant au sujet traité et quant à l'état d'esprit du Gouvernement et de la majorité parlementaire, s'agissant de la mise en oeuvre des conclusions de ce Grenelle.

En tant que participant à la table ronde finale, je veux témoigner qu'après un débat passionné et approfondi, auquel nous avons tous deux participé, madame la secrétaire d'État, le Grenelle a formulé des recommandations claires de prudence, de précaution et de rigueur. Ces recommandations sont partagées par les régions françaises qui se sont déclarées hors OGM et qui ont rejoint la Charte de Florence. Cette charte, signée par 236 régions européennes et près de 5 000 municipalités, souligne que la cohabitation entre deux modèles agricoles, l'un OGM et l'autre non, est aujourd'hui techniquement et écologiquement impossible.

Au-delà des risques pour la santé et l'environnement, la culture des OGM en plein champ constitue en effet une réelle menace pour l'agriculture conventionnelle comme pour l'agriculture biologique, pour le développement rural comme pour la biodiversité. Faire le choix des OGM, c'est faire le choix d'une agriculture industrielle et standardisée, au détriment d'une agriculture fondée sur la diversité des terroirs, sur la qualité des productions, celle qui fait la réputation de nos régions et de notre pays à travers le monde.

J'étais membre du comité de préfiguration de la Haute autorité, présidé par le sénateur Le Grand. Ce comité a bien travaillé. Il a procédé aux confrontations nécessaires avant de formuler son avis concernant la mise en application par le Gouvernement de la clause de sauvegarde sur le maïs Monsanto 810. Le Conseil d'État, en tant que juge des référés, a confirmé le bien-fondé de cette décision fondée sur le principe de précaution.

Le projet de loi en discussion aurait donc dû traduire le consensus du Grenelle. Tout en assurant la transcription des directives européennes, il aurait dû s'en tenir au principe de précaution, plutôt que de légaliser la culture OGM. Comme l'ont souligné beaucoup d'orateurs, son examen par le Sénat l'a considérablement faussé et déséquilibré. Tel qu'il nous revient, il bafoue l'esprit du Grenelle. C'est un texte de revanche soutenu par les lobbies les plus puissants, que dénoncent d'ailleurs les parlementaires UMP les plus lucides.

Ce texte ne permettra pas de doter notre pays d'un cadre juridique suffisamment protecteur qui réponde aux attentes des consommateurs et de la majorité des agriculteurs. Vous avez eu sûrement connaissance, madame la secrétaire d'État, de l'enquête réalisée auprès de 3 000 de ses membres par la coopérative Terrena, qui couvre l'Ouest de la France. Il en ressort que 66 % des agriculteurs estiment que la culture OGM n'est pas nécessaire pour répondre au besoin croissants de produits agricoles. De même, 54 % jugent que les OGM représentent un vrai danger pour la diversité des filières. Seuls 13 % de ces agriculteurs sont favorables à leur utilisation.

Madame la secrétaire d'État, vous êtes, avec le ministre d'État, les garants de l'application du Grenelle de l'environnement. Il vous appartient, dans cette discussion, de faire preuve de fermeté pour en revenir à un texte qui offre des garanties suffisantes à ceux qui veulent produire et consommer sans OGM. Le projet de loi, tel qu'il nous est soumis, ne le permet pas. Il ne protège pas les filières de production de qualité. Il ne responsabilise pas ceux qui, par la culture des OGM, contamineraient l'agriculture, l'environnement et l'alimentation. Il n'accorde pas non plus aux collectivités territoriales et, en premier lieu, aux régions la capacité de s'opposer aux cultures OGM pour préserver leurs cultures traditionnelles et biologiques, leurs parcs naturels, leur biodiversité, alors que cela aurait été possible en vertu du principe de subsidiarité et du droit à l'expérimentation consacré par l'article 72 de la Constitution.

Il ne s'agit pas là d'une attitude dogmatique ou anti-scientifique. Il ne s'agit pas de nier les avancées qu'autorisent les biotechnologies, mais d'adopter une position raisonnée, conforme à l'opinion très majoritaire des Français. Sachez l'imposer, madame la secrétaire d'État. Vos déclarations, au cours de cette semaine du développement durable, en prendront une tout autre résonance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

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