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Intervention de François Grosdidier

Réunion du 1er avril 2008 à 21h30
Organismes génétiquement modifiés — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Grosdidier :

Je suis le dernier à contester l'intérêt de la recherche et du développement sur les OGM à finalité pharmaceutique ou humanitaire, pour soigner des maladies ou alimenter le tiers-monde. Il ne faut bien sûr pas fermer la porte à de telles perspectives. Mais ce n'est pas pour les malades ou le tiers-monde que le projet gouvernemental a été modifié, mais pour permettre en France la mise en culture rapide et massive d'OGM, au mépris des principes affichés à l'issue du Grenelle. Il s'agit d'abord d'OGM produits pour nourrir des animaux dont nous boirons ensuite le lait ou mangerons la viande ; d'OGM qui renforcent la dépendance économique de l'agriculteur ; qui créent peut-être des risques pour la santé et à coup sûr pour l'environnement ; qui résistent aux pesticides – à qui fera-t-on croire que c'est pour en utiliser moins ? – voire qui produisent leurs propres pesticides. Comment peut-on garantir, sans longues études épidémiologiques, qu'ils seront ingérés sans risque ?

Je cite le Président de la République : « La vérité est que nous avons des doutes sur l'intérêt actuel des OGM pesticides ; la vérité est que nous avons des doutes sur le contrôle de la dissémination des OGM ; la vérité est que nous avons des doutes sur les bénéfices sanitaires et environnementaux des OGM. » En l'état actuel de la science, chers collègues, nous ne sommes certains ni de la nocivité, ni de l'innocuité des OGM, mais seulement de leur irréversibilité.

On les dit sans risque parce que l'on n'est pas immédiatement malade en les mangeant. Mais l'épidémiologie ne donne jamais de résultats immédiats. Dans ma circonscription, des centaines d'anciens sidérurgistes sont morts ou sont en train de mourir de l'amiante. On n'était pas immédiatement malade en enfilant un vêtement fait d'amiante, mais on en meurt aujourd'hui pour en avoir régulièrement porté, tandis que l'Académie de médecine, déjà, en minimisait les risques !

Nous ne savons pas si le maïs OGM est dangereux, mais nous savons que Monsanto refuse de fournir les résultats des tests sur les rats ayant absorbé du MON 863, alors qu'ils présentaient des anomalies du métabolisme sanguin, du foie ou des reins. Depuis les conclusions du comité de préfiguration, nous savons désormais que le 810 dissémine plus qu'il ne l'a été affirmé pendant des années. Nous ne savons pas si le colza OGM est dangereux. Nous savons juste qu'il dissémine beaucoup plus que le maïs et contamine les espèces sauvages proches.

Il faut approfondir les questions relatives à l'ergologie et aux résistances antibiotiques, ou encore à la biodiversité. Il n'y avait pas de certitude sur l'amiante, le plomb, le tabac, les farines animales. On a sacrifié des milliers de personnes avant de savoir, puis de faire marche arrière. La grande différence entre les OGM et les risques épidémiologiques maintenant connus, c'est que les premiers sont irréversibles. Cela justifie, plus que pour tout autre risque, le principe de précaution ! Le projet gouvernemental en poursuivait l'objectif ; le projet sénatorial nous en éloigne.

Le principe de précaution et de prévention exige une expertise objective et pluridisciplinaire. Pourquoi restreindre le droit de saisine du Haut conseil ? L'expérience de la Commission du génie biomoléculaire montre qu'il faut garantir les moyens financiers et matériels et surtout l'indépendance des membres de telles institutions à l'égard des demandeurs d'autorisation. En matière de santé publique et d'environnement, les instances indépendantes devraient l'être au moins autant que lorsqu'il s'agit de surveiller l'audiovisuel ou les marchés financiers. Ces enjeux-là sont vitaux !

En consacrant le libre choix de produire ou de consommer avec ou sans OGM, nous avaliserions la contamination des cultures avec un taux de 0,9 %. Or ce taux résulte uniquement d'une négociation politico-commerciale à Bruxelles, et pas de réalités scientifiques ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Quant au principe de responsabilité de l'exploitant, il est à la fois injuste pour l'agriculture OGM et insuffisant pour ses éventuelles victimes. La responsabilité ne porte que sur les incidences économiques et n'aborde pas les conséquences éventuelles sur la santé et la biodiversité, en rupture, d'ailleurs, avec la jurisprudence Erika. En outre, elle ne concerne que l'exploitation proche, alors qu'il est aujourd'hui établi, même avec le MON 810 – pourtant peu volatile – que le rayon de contamination ne se compte pas en mètres, mais en kilomètres.

Comment alors individualiser la responsabilité et la limiter à un périmètre proche ? Sur d'immenses périmètres, le préjudice sera peut-être sans commune mesure avec le chiffre d'affaires de l'exploitant OGM incriminé. C'est toute la filière, y compris les distributeurs, titulaires de brevets et d'autorisations, qui doit être responsable.

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