Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, élu du Lot-et-Garonne – un de ces départements du Sud-Ouest où la culture des OGM s'est considérablement développée –, j'ai constaté ces dernières années les ravages causés par l'impossibilité de tout dialogue entre partisans et adversaires des OGM. Comme toujours, lorsque l'incompréhension s'installe, la violence se développe. La violation des propriétés et le saccage des biens d'autrui ne sont évidemment pas acceptables. Dans un État de droit, la répression s'impose ; mais croire qu'elle peut suffire serait une faute. Quel qu'en soit le bien-fondé, une règle n'est applicable durablement que si elle est justifiée, expliquée et acceptée.
Le premier mérite du Grenelle de l'environnement est d'avoir mis face-à-face ceux qui, jusque-là, se tournaient le dos. Agriculteurs conventionnels, agriculteurs biologiques, agriculteurs utilisant des OGM, consommateurs, associations, élus, entreprises et chercheurs ont posé sur la même table leurs questions et leurs réponses, leurs certitudes et leurs doutes. Pour la première fois, les lignes de clivage ont été précisées et des convergences se sont esquissées. Il convient donc de féliciter ceux qui, autour du Président de la République et du Premier ministre, ont imaginé, organisé et animé ce rendez-vous.
Pour passer de la déclaration de principe à la règle de droit, il appartient maintenant au Parlement de se prononcer. Le texte présenté par le Gouvernement et amendé par le Sénat me semble juste. Il affirme l'ambition de la France de retrouver sa place dans la maîtrise des sciences du vivant. Il encadre la recherche, l'innovation et l'expérimentation par des règles strictes. Il joue la transparence en prévoyant que les projets de cultures OGM feront l'objet d'une information très précise, au niveau non plus du canton, mais de la parcelle. Il traite d'une manière égale, donne les mêmes droits, impose les mêmes devoirs et soumet à la même responsabilité ceux qui veulent et ceux qui ne veulent pas produire et consommer des OGM.
Il s'agit donc d'un texte équilibré. Qu'il me soit toutefois permis, madame la secrétaire d'État, de faire deux observations.
La première concerne les préoccupations légitimes des agriculteurs conventionnels et « bio ». Autant la colère des producteurs d'OGM victimes d'intrusions et de saccages était légitime, autant les interrogations de ceux qui veulent continuer à mettre sur le marché des productions non-OGM doivent être entendues. La coexistence des différents modes de production est au coeur de ce projet de loi. Mais pour que cette coexistence soit effective, il est impératif que toutes les garanties soient apportées aux uns et aux autres. Concernant les producteurs non-OGM, le projet du Gouvernement a été considérablement amélioré par le Sénat : en matière d'isolement ou d'éloignement des autres productions, des règles précises, publiques, seront désormais fixées sur la base des connaissances scientifiques disponibles. Ces règles seront régulièrement réexaminées en fonction des connaissances acquises et adaptées aux caractéristiques propres à chaque type de culture. C'est une avancée majeure qui mérite d'être saluée.
Il est important que ces règles adoptées par le Sénat soient confirmées par notre assemblée et qu'elles soient ensuite très strictement appliquées. Il y va en particulier de la pérennité des cultures biologiques, qui ne se développeront que si elles sont préservées de toute forme de contamination. Ces cultures répondent à une demande du marché et ouvrent des perspectives à de nombreux producteurs. Elles font du reste l'objet d'une ambition nationale forte, puisque la France s'est fixé comme objectif que les productions « bio » représentent 6 % de la surface agricole utile en 2013 et 20 % en 2020. Il est essentiel, madame la secrétaire d'État, que dans cette perspective les producteurs et les consommateurs obtiennent toutes les garanties attendues.
Ma seconde observation concerne le grand public. On dit souvent que 60 % des Français sont contre les OGM. Mais on dit moins souvent que 90 % d'entre eux reconnaissent ne pas savoir précisément ce que sont les OGM. Comme quoi, une fois encore, c'est l'ignorance qui nourrit la peur. Sur ce point, madame la secrétaire d'État, l'État doit faire, me semble-t-il, son autocritique : il n'a pas été, jusqu'à présent, en mesure de faire entendre la voix des scientifiques. C'est ce silence qui a ouvert un véritable boulevard aux interrogations de bonne foi, aux inquiétudes sincères, mais également aux manipulations idéologiques de l'opinion publique. Maintenant que nous sommes prêts à sortir de l'ambiguïté et de l'esquive, maintenant que les règles applicables vont enfin être clarifiées, rien ne doit s'opposer à ce que l'État ait, en matière d'explication et de communication, une action particulièrement volontaire.
Pour cela, je voudrais suggérer que soit créée, peut-être sous l'égide du Haut conseil des biotechnologies, une véritable task force composée de scientifiques reconnus qui, chaque fois qu'un point chaud apparaîtrait, serait chargée d'aller sur place, de rencontrer les protagonistes, d'étudier le problème, de faire publiquement le point des connaissances scientifiques pour que l'information objective prenne enfin le pas sur les rumeurs et les peurs. Je n'imagine pas que dans nos organismes de recherche, nos universités, nos laboratoires, il n'y ait pas assez de compétences et de talents pour donner au débat public sur les OGM la sérénité, la tenue et la loyauté qu'il doit avoir.
Lorsque la loi aura été votée, la règle de droit sera précise. Il faudra alors que le savoir, la raison et la volonté reprennent leurs droits sur le terrain. C'est un beau challenge. Il mérite, je crois, d'être relevé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)