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Intervention de Catherine Lemorton

Réunion du 22 juin 2009 à 21h30
Création d'une première année commune aux études de santé — Question préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Lemorton :

Juste une précision pour commencer, monsieur le rapporteur : c'est bien le 16 décembre, et non le 10, que cette proposition de loi a été votée en première lecture.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la thématique de la formation universitaire des professions de santé est importante, lourde de sens et de conséquences. Avant de nous lancer dans l'examen des articles qui composent cette proposition de loi, il me semble opportun de poser la question préalable suivante : ce texte apportera-t-il une solution, même partielle, aux problématiques auxquelles sont confrontés les étudiants des professions de santé ?

Permettez-moi d'abord de revenir quelques années en arrière. Suite aux interrogations exprimées en 2002 par MM. Lang et Kouchner, était remis aux ministres de l'éducation et de la santé de l'époque, MM. Ferry et Mattei, le 20 juillet 2003, le rapport Debouzie lequel, loin de constituer un énième document sans envergure, avait le mérite de dresser un constat juste et accablant de la situation du cycle d'étude des professions de santé et de proposer des pistes de réflexion cohérentes pour y remédier. Car s'il est une réalité que nous partageons sur tous nos bancs, c'est bien celle de la complexité du cursus des professions de santé et de la difficulté humaine que cette complexité fait vivre à des dizaines de milliers d'étudiants.

Le rapport Debouzie posait des objectifs ambitieux mais pleinement cohérents avec les problématiques posées, concluant à la nécessaire refonte de notre système de formation, pour les filières médicales comme paramédicales. Il soulignait le besoin de mettre fin au gâchis humain pour des milliers de jeunes, pourtant dotés, le plus souvent, d'excellents résultats au lycée et au baccalauréat ; l'exigence, pour les futurs praticiens, de qualités humaines face au patient ; la nécessité, enfin, de travailler en équipe avec d'autres professionnels de santé.

Les conclusions du rapport exploraient ainsi trois pistes extrêmement pertinentes pour relancer structurellement notre système de formation : la réforme de la première année de formation et de sélection à destination de quatorze professions de santé – élément fondamental pour impulser le nouvel élan souhaité – ; la réflexion sur une réforme plus globale des cursus des professionnels de santé, en imaginant une insertion complète des cursus dans le système LMD, sous la forme de crédits d'enseignement européens ; la réflexion, enfin, sur l'évolution des métiers de la santé, afin d'assurer leur rapprochement. Première pierre posée pour la reconstruction de notre système de formation, le rapport Debouzie n'eut pas, hélas, la reconnaissance que la qualité de ses préconisations méritait.

Remis à Mme la ministre de l'enseignement supérieur le 21 février 2008, le rapport Bach, qui a servi de base à la présente proposition de loi, constitue une nouvelle alerte face à la situation de notre système de formation, avec, permettez-moi de le souligner, quelques fortes régressions dans l'ambition qui doit animer la réponse des pouvoirs publics. Sur le constat, nous ne pouvons qu'être d'accord. Le rapport Bach décrit en effet fidèlement la situation de précarité des étudiants inscrits en première année du cursus des professions de santé.

Le nombre d'étudiants inscrits en première année est en effet très important : 50 000 étudiants au total en médecine, odontologie et maïeutique, et 11 500 en pharmacie. Face à cet impressionnant afflux d'étudiants, lesquels découvrent un art qu'ils n'ont jamais abordé ou presque, le numerus clausus s'apparente à un véritable couperet. Pour l'année en cours, il s'établit de la façon suivante : 7 300 en médecine, 1 047 en odontologie, 1 015 en maïeutique et 3 090 en pharmacie.

La situation se complexifie d'ailleurs avec la présence très importante de redoublants dans les reçus, redoublants ayant échoué une première fois avec des notes souvent très honorables – en 2007, 54,8 % des étudiants reçus étaient des redoublants. Refusant ce taux d'échec, le rapport Bach soulève tout aussi justement le problème du temps perdu – souvent deux années – pour des étudiants qui sortiront de ce cursus sans aucun diplôme, ou après avoir dû batailler au-delà du raisonnable tout en ayant déjà le niveau de la seconde année.

Pour conclure sur ce constat d'échec, ce rapport évoque aussi la frustration de nombreux étudiants, la médiocrité de la qualité de l'enseignement liée à l'encombrement des amphithéâtres, la compétition à outrance que doivent se livrer les étudiants et, surtout, la perte de temps et d'énergie pour des étudiants souvent brillants. Ainsi, le rapport Bach aurait pu être très utile pour signaler le besoin de refondation en profondeur de notre système de formation. Est-ce parce que la demande de Mme la ministre ne s'est limitée qu'à la première année de santé ? Toujours est-il que ledit rapport est nettement moins pertinent que ceux de M. Debouzie et de M. Thuilliez, parus en juin 2006.

Les dix propositions avancées marquent un recul, une volonté de ne pas trop en faire par crainte d'on ne sait quelles conséquences. Si la volonté d'informer les lycéens sur la difficulté et la longueur des études de santé est louable, le rapport présente d'abord une faille s'agissant de l'envergure de la réforme, car l'année commune qu'il prévoit ne concerne que les études médicales, odontologiques, pharmaceutiques et de sage-femme.

L'instauration de ce que j'appellerai un « itinéraire bis » pour les étudiants n'ayant pas encore le niveau – à savoir une note inférieure à sept sur vingt à la fin du premier semestre ou au concours final du second semestre – constitue également une fausse bonne idée, et ce pour une raison toute simple : cet « itinéraire bis » ne permettra pas de remédier au problème de la perte de deux années pour de nombreux étudiants. Un étudiant qui doit partir douze mois – si c'est à la fin du second semestre – ou dix-huit mois – si c'est à la fin du premier – pour se remettre à niveau et repasser les examens de licence 1 risque, au bout du compte, de perdre jusqu'à trente ou trente-six mois sans décrocher le moindre diplôme.

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