Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis aujourd'hui constitue un pas de plus vers la construction de l'Europe sociale. Un pas tardif, certes, puisque ces transpositions auraient dû intervenir, respectivement, depuis le 18 août 2006 et le 8 octobre 2005.
L'Europe sociale ne se décrète pas à l'abri des regards, au fond de bureaux bruxellois. Elle est avant tout un objectif, un idéal dont les acteurs nationaux doivent savoir nous saisir pleinement s'ils veulent pouvoir lui donner une réalité. À l'image de ce qui a prévalu pour ces directives, l'Europe sociale, dont nous voulons voir le visage se préciser toujours davantage, se construit au travers d'échanges transversaux entre les nations et l'Union européenne.
Face à un marché du travail mondialisé, l'Europe paraît être le seul niveau pertinent à même d'apporter une réponse sécurisante et cohérente. Les directives que le projet de loi vise à transposer en prennent acte et, derrière des aspects nécessairement techniques, apporteront aux salariés français une sécurité accrue.
Deux directives nous sont en effet soumises au sein d'un même texte. La première de ces directives a pour objet une définition de l'implication des travailleurs dans la société coopérative européenne. Elle est, avant tout, l'aboutissement d'un travail important mené par nos acteurs nationaux – économiques et institutionnels – auprès de l'Union européenne. Aujourd'hui, il nous revient donc d'achever ce pas en avant vers davantage d'Europe sociale.
La directive propose ainsi un dispositif qui satisfait à notre principe de dialogue social, en précisant que les modalités d'implication des salariés au sein de la société coopérative européenne sont négociées par ces derniers avec les dirigeants. Elle impose en outre un examen par les représentants des salariés de la nécessité d'une réouverture des négociations au bout de quatre ans, dans les cas où des dispositions ont dû être appliquées. Le dispositif prévu par la directive ne s'applique, en fait, qu'en cas d'échec de ces négociations : un organe de représentation des salariés est alors créé, qui sera consulté sur les questions relatives à l'ensemble de la SCE ou qui ont un caractère transnational.
Afin de compléter la souplesse de ce dispositif, il est prévu la possibilité pour les représentants des salariés de décider de ne pas conclure d'accords et de « se fonder sur la réglementation relative à l'information et à la consultation qui est en vigueur dans les États membres où la société coopérative européenne emploie des salariés » ; l'information et la consultation des salariés se font alors uniquement au niveau de chaque État. Cette dérogation demeure néanmoins soumise à des conditions strictes de majorité.
La France a joué un rôle essentiel dans la promotion européenne de ce modèle qui réunit des principes de fonctionnement et des valeurs auxquelles nous sommes tous attachés : démocratie, responsabilité, solidarité et équité. La forme coopérative donne à l'entreprise un visage humain en même temps qu'une prise directe avec le niveau d'application et d'exécution des orientations et décisions prises. C'est ce qui explique en grande partie le succès des sociétés coopératives dans notre pays : depuis 1947, année de l'adoption du statut de la coopération, ce sont ainsi 21 000 entreprises, réunissant 700 000 salariés et comptant plus de dix millions d'adhérents, pour un chiffre d'affaires de plus de 100 milliards d'euros. Elles sont 288 000 environ en Europe, pour 5 millions de salariés et 60 millions de sociétaires. Cela n'est donc pas si marginal.
La volonté de l'Union européenne d'adopter en 2002 un statut européen pour ces sociétés témoigne de la modernité et de l'efficacité de ce modèle. Les sociétés coopératives se voient offrir la possibilité de s'adapter aux transformations de notre économie. Le niveau pertinent de l'activité économique est devenu, pour l'essentiel, régional ; ce texte simplifie grandement l'essor des activités transnationales en épargnant aux sociétés coopératives des montages administratifs complexes. Cette simplification permettra, de fait, aux entreprises de taille moyenne d'oser davantage le défi de l'expansion européenne.
Les sociétés coopératives sont un modèle qui s'étend de manière transversale à l'ensemble de nos secteurs économiques.
Elles peuvent être le fait de salariés ayant eu la volonté de partager collectivement la responsabilité de la direction de l'entreprise. Nombreuses sont celles qui procèdent du rassemblement des compétences et moyens financiers par des producteurs et travailleurs soucieux de conserver leur pleine autonomie. D'autres, enfin, sont créées par des consommateurs de biens et de services. Les plus importantes en France sont des sociétés de crédit dont nous avons pu constater la pérennité : Crédit agricole, Banques populaires, Caisses d'épargne et de prévoyance, entre autres.
La seconde directive ici transposée apporte des garanties aux travailleurs salariés lorsque leur entreprise, dont le siège social se situe dans un autre pays européen. serait confrontée à une faillite. Depuis 2002, près de 700 salariés ont en effet été victimes de faillites d'entreprises dont le siège est situé à l'étranger. Il était donc impératif de déterminer l'institution de garantie compétente pour payer les créances, en lieu et place de l'employeur devenu insolvable, en l'occurrence l'AGS, l'association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés.
Une modification du Sénat a même permis de simplifier davantage encore et d'accélérer le paiement de ces créances, en supprimant le transit des sommes dues au salarié via le syndic de faillite situé dans le pays étranger.
Le texte définit, en outre, les obligations de l'AGS en matière d'information des salariés : communiquer la réglementation applicable en cas de mise en oeuvre d'une procédure, les règles de licenciement en pareil cas, et les démarches à accomplir pour le paiement des cotisations et des contributions sociales. Des garanties supplémentaires sont ainsi apportées aux salariés, tandis que le modèle coopératif, qui nous est cher, se voit ouvrir des perspectives plus fonctionnelles à l'échelle européenne.
Ce n'est pas en tournant le dos à l'Europe que nous construirons un modèle conforme à notre idéal. Au contraire, ces directives doivent nous inciter à nous investir, nous, acteurs politiques nationaux, au coeur de l'Europe politique si nous voulons donner au projet européen le visage social et humain que nous défendons.
Ce projet de loi l'illustre bien en proposant de transposer deux directives utiles à nos salariés. Le groupe Nouveau Centre votera en faveur de cette transposition.