Mes chers collègues, tous les ans, un rapport pour avis vous est présenté, au nom de la commission des affaires étrangères, sur le budget de l'écologie et du développement durable. Mais cette année, le périmètre de la mission « Écologie et développement durable » est beaucoup plus étendu qu'auparavant.
J'évoquerai tout d'abord l'approche transversale que permet la création d'un ministère de l'écologie du développement et de l'aménagement durables. Cette transversalité s'avère nécessaire pour traiter de questions indissociables de l'énergie, des transports et de l'écologie. Un tel regroupement ministériel et administratif est unique au monde – même si quelques pays ont des structures qui s'en approchent sans avoir un périmètre d'action aussi large – et devrait servir de modèle à de nombreuses nations développées, en particulier au sein de l'OCDE.
Ma deuxième remarque portera sur les crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durable » au sein desquels un peu plus de 4 millions d'euros, en crédits de paiement, sont consacrés à l'international. Ce montant quasiment identique à celui du projet de loi de finances pour 2007 ne suffit pas à justifier la rédaction d'un avis budgétaire. Mais, une partie de ces moyens est destinée à défendre les positions et les intérêts français dans les organismes multilatéraux et au sein de l'Union européenne, ainsi qu'à participer aux actions d'aide au développement consacrées à l'efficacité énergétique et la promotion de technologies sobres en carbone.
Les 4 millions d'euros que j'évoquais sont donc loin de refléter l'étendue de l'action internationale de la France en matière de changement climatique et de préservation de la biodiversité. La modestie de ces crédits n'est qu'une apparence au regard de la réponse globale que nous apportons aux défis globaux auxquels nous sommes confrontés.
En réalité, notre action diplomatique valorise depuis plusieurs années la coopération dans ces domaines. Elle constitue un levier important de notre politique étrangère, comme en témoignent les récentes interventions du Président de la République devant l'Assemblée générale des Nations unies, à l'Élysée – lors de la première phase de la conclusion du Grenelle de l'environnement –, ou encore devant le Congrès des États-Unis, où il a bien insisté, il y a quelques jours, sur la position de la France à propos du changement climatique.
L'engagement de la France en faveur de la création d'une Organisation des Nations unies pour l'environnement – préfigurant une future et idéale Organisation mondiale pour l'environnement – ; la contribution de notre pays aux instruments multilatéraux comme le Fonds pour l'environnement mondial ; l'action depuis deux ans de l'Agence française de développement, l'AFD, pour la préservation des biens publics mondiaux, et celle de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME – dont les résultats internationaux se sont beaucoup améliorés malgré un budget relativement faible –, en matière d'efficacité énergétique, attestent d'une mobilisation forte en faveur de la préservation de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.
Sans viser à l'exhaustivité, j'ai souhaité cette année m'intéresser tout particulièrement au réchauffement climatique. L'accentuation des risques qu'il induit devient chaque jour plus réelle comme l'illustrent la fréquence des sécheresses et des inondations ou la progression de la désertification. La situation au Darfour ou dans l'Arctique – pour l'instant ce qui concerne cette zone ne touche pas les populations – montre bien que ces phénomènes font courir aujourd'hui de réels risques géopolitiques, et encore n'ai-je cité que deux exemples extrêmes.
L'attribution récente du Prix Nobel de la paix à l'ancien vice-président des États-Unis, Al Gore ainsi qu'aux membres du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat, le GIEC, présidé par Rajendra Pachauri, souligne le lien étroit qui existe entre la préservation de la paix et la lutte contre le changement climatique. Il est d'ailleurs intéressant que le GIEC – aux travaux duquel participe le Français Jean Jouzel à qui je voudrais rendre hommage – soit présidé par un Indien.
La question climatique a largement figuré en tête de l'ordre du jour international, que ce soit en Allemagne, lors du sommet du G8 d'Heiligendamm, ou dans l'enceinte des Nations unies, lors de la rencontre de haut niveau organisée par M. Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations unies, le 24 septembre 2007. Le principal défi pour les mois à venir porte sur la possibilité de convaincre deux grands groupes de pays à s'engager en faveur d'un régime multilatéral du climat. Il faut persuader d'une part, les pays en développement, et plus particulièrement des pays émergents comme le Brésil, l'Inde et surtout la Chine – qui deviendra le premier émetteur de CO2, gaz carbonique à effet de serre, en 2009, et occupe déjà cette place pour les émissions de dioxyde de soufre, SO2 –, et d'autre part, des pays développés encore réticents comme l'Australie, la Nouvelle Zélande ou bien sûr les États-Unis.
Les positions de chacun sont, en réalité, susceptibles d'évoluer rapidement. C'est le cas en Chine sous la pression de la pollution et de la désertification. Le parti communiste chinois vient de réunir son congrès qui a consacré l'environnement comme une priorité et évoqué le problème du réchauffement climatique. C'est également vrai pour les États-Unis, et Nicolas Sarkozy a voulu en prendre acte en s'adressant au Congrès. Il a bien compris que la majorité des élus américains, démocrates ou républicains, était très favorable à l'engagement d'une politique en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique.
Dans cette perspective, notre pays et l'Europe auront un rôle déterminant à jouer pour parvenir à un accord sur les objectifs et les moyens, et éviter ainsi toute interruption du régime du protocole de Kyoto en 2012. De par ses choix en matière de développement durable, l'Europe peut, en effet, en promouvant son modèle de développement contribuer à la résolution de contradictions qui structurent les relations internationales, entre croissance et environnement, intervention publique et recours au marché, recherche de la sécurité énergétique et lutte contre le changement climatique, ou encore entre intérêts des pays développés et intérêts des pays en développement.
Ces sujets importants seront au coeur de la présidence de l'Union européenne que la France assumera au second semestre 2008. D'ores et déjà, nous le savons, un calendrier chargé est prévu sur les sujets environnementaux et énergétiques. Nous aurons, par exemple, à nous positionner sur l'intégration du transport aérien, y compris international, dans le système européen d'échanges de quotas. Ce problème est épineux, mais je rappelle que le Parlement européen vient de voter sur ce point une résolution importante qui prévoit l'intégration du trafic international dans le système européen à partir de 2012. Il s'est ainsi prononcé pour une position qui va au-delà de ce que souhaitait la Commission européenne, et il n'est pas étonnant de rencontrer quelques réticences du côté des compagnies aériennes.
Il importe également d'intégrer les propositions qui ont été formulées par le Président de la République lors de l'achèvement de la première phase du Grenelle de l'environnement. Pour le marché européen du carbone, il a proposé l'allocation de quotas d'émissions de CO2 par secteur et non plus par État, et le recours à une vente aux enchères mais également, l'instauration d'une taxe sur les produits importés de pays qui ne respectent pas le protocole de Kyoto et la mise en place d'une TVA à taux réduit sur tous les produits écologiques qui respectent le climat et la biodiversité.
Dans le prolongement de ces propositions destinées à renforcer les efforts conjoints des pays de l'Union européenne en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi leur effet d'entraînement sur le reste du monde – on sait très bien que l'Europe a un rôle de pilote à jouer –, il me paraîtrait utile que la France prenne l'initiative d'une conférence internationale sur l'efficacité énergétique au deuxième semestre 2008. L'efficacité énergétique est en effet un élément essentiel de la solution aux problèmes de sécurité énergétique, au problème des prix de l'énergie, et des émissions de gaz à effet de serre. Cette conférence aurait pour objectif, à la fois, de promouvoir les actions conduites par l'Union européenne en matière de lutte contre le réchauffement climatique et de faciliter un partenariat multilatéral, notamment avec les pays les plus émetteurs comme les États-Unis et la Chine. Au moment où la France exercerait la présidence européenne, cette conférence pourrait déboucher, comme cela a été le cas pour celle de Kyoto dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique, sur un accord international concernant l'efficacité énergétique. Je serais heureux que le Gouvernement nous donne son sentiment sur cette idée de conférence internationale.
Avant de conclure, je souhaiterais insister sur les investissements massifs que requiert la dynamique du développement durable. Lors de la conférence de Vienne qui s'est tenue à la fin du mois d'août 2007, le secrétariat de la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique a présenté un rapport qui évalue que 200 à 210 milliards de dollars en investissements et flux financiers seront nécessaires au simple maintien, d'ici 2030, des émissions de CO2 à leur niveau actuel. Cette préoccupation a été prise en compte par le Gouvernement puisque la première phase du Grenelle de l'environnement s'achève par 1'engagement d'un milliard d'euros sur quatre ans pour les énergies et les moteurs du futur, la biodiversité et la santé environnementale. Cette mesure démontre que la politique environnementale ne s'appuie pas uniquement sur des dispositifs fiscaux de taxation mais, au contraire, sur une gamme étendue d'instruments allant des mécanismes de marché – qu'il faut à l'évidence favoriser et qui répondent à la logique « gagnant-gagnant », chère au Président de la République –, à l'investissement public dans la recherche. C'est d'ailleurs cette diversité d'instruments qui facilitera les convergences, en particulier avec la Chine et les États-Unis. La prochaine réunion des parties qui se tiendra à Bali, dont j'ai bien conscience qu'elle n'est qu'une étape dans le processus Kyoto II, peut contribuer à faire ressortir ces possibilités de convergences.
Monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, la politique que vous allez mettre en oeuvre est un atout majeur pour le rayonnement international de la France et, je le répète, un levier important de son action diplomatique. Le Grenelle de l'environnement est, de ce point de vue, un élément essentiel puisqu'il crée une dynamique nationale mais aussi européenne et même internationale – Al Gore a parlé d'un « Grenelle mondial de l'environnement », et ce n'est pas simplement une formule –, à la condition, bien sûr, que cette exemplarité affichée se traduise rapidement dans les faits, comme je l'appelle de mes voeux depuis plusieurs années.
Votre budget, les conclusions du Grenelle, les engagements du Président de la République vont dans le sens de la cohérence des politiques publiques et de l'intégration de la problématique environnementale à tous les niveaux d'action de l'État. Je tiens d'ailleurs à saluer l'existence, pour la première fois, d'un document de politique transversale sur le changement climatique, qui fait ressortir pour 2008 un effort global de 3,1 milliards d'euros, soit une en augmentation de 300 millions d'euros. Je vous sais gré de cette volonté d'exemplarité.
La commission des affaires étrangères, suivant en cela les conclusions de son rapporteur, a émis unanimement un avis favorable à l'adoption des crédits pour 2008 de la mission « Écologie, développement et aménagement durables », avis que je remercie notre Assemblée de suivre.