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Intervention de Nicole Ameline

Réunion du 9 novembre 2007 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2008 — Direction de l'action du gouvernement publications officielles et information administrative

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicole Ameline, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la présidence française de l'Union européenne :

Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, la présidence française de l'Union européenne du second semestre 2008 arrive à un moment décisif de la construction européenne, laquelle devrait bientôt, nous le souhaitons vivement, fonctionner selon les nouvelles règles du traité modificatif européen. En cela, notre présidence sera d'une certaine façon une présidence de rupture – dans l'acception la plus positive de ce terme – au service d'une Europe nouvelle.

Nous savons bien que c'est très en amont, c'est-à-dire maintenant, que se forge le succès de notre présidence : la France, sur l'impulsion politique du Président de la République, a pleinement pris la mesure de cet enjeu. Les progrès réalisés dans l'élaboration du traité modificatif constituent un signal politique fort et je voudrais saluer, monsieur le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, votre implication personnelle, depuis plusieurs mois, sur cet important dossier.

Nous devrons veiller à ce que notre présidence soit exemplaire. Cela implique tout d'abord de faire preuve d'écoute auprès de nos partenaires. Dans un système institutionnel européen fondé l'égalité des États, aucune nation – fût-elle moins peuplée – ne saurait être laissée à l'écart de l'action que la France mène en amont : je pense en particulier à la tournée des capitales européennes, essentielle en termes d'informations sur l'agenda de notre pays. Le chef de l'État et les membres du Gouvernement ont entrepris cette importante consultation, et je crois utile d'y associer les parlementaires : cela donnerait une image renforcée de la France dans la gestion de cet exercice. Je veux aussi souligner la coopération exemplaire menée avec la Slovénie : elle témoigne de l'importance que la France attache à ses liens avec ce pays qui nous précédera à la présidence.

La présidence française devra également être attentive au Parlement européen, qui a une importance politique et législative considérable, laquelle sera renforcée dans les mois à venir. Nos amis allemands l'ont bien compris, et leur disponibilité à l'égard du Parlement européen a été l'une des clés du succès de leur présidence.

Une présidence réussie, mes chers collègues, est d'abord et avant tout une présidence européenne. Les priorités politiques de la France devront servir cette ambition européenne. Elles sont au nombre de quatre : la gestion globale et concertée des migrations ; la politique européenne de l'énergie ; l'environnement ; la relance de la politique européenne de défense. Ces priorités doivent constituer le socle d'une Europe politique que l'on peut décliner selon trois objectifs : celui d'une Europe humaniste et citoyenne – socle de valeurs sur lequel doivent se fonder les nouvelles politiques, comme celle du contrôle des flux migratoires – ; celui d'une Europe innovante et compétitive – notamment en faveur de l'emploi et du développement durable – ; celui, enfin, d'une Europe plus présente et plus influente dans le monde – aspect essentiel au moment où nous devrons assurer la transition institutionnelle de l'Union.

Parallèlement à ces priorités politiques, la présidence française devra faire face aux dossiers dont elle héritera, lesquels arriveront à maturité politique et législative à quelques mois de la fin des mandats du Parlement européen et de la Commission en 2009 – stratégie de Lisbonne, refondation de la PAC et des perspectives budgétaires.

Notre présidence sera aussi tributaire de tous les aléas politiques d'un agenda international que personne ne peut totalement maîtriser, qu'il s'agisse des développements futurs de la crise iranienne, de l'avenir des relations avec la Russie mais aussi de l'ouverture des Jeux olympiques de Pékin ou de l'élection présidentielle aux États-Unis.

Si je rappelle ces enjeux, c'est pour justifier, comme vient de le faire M. Brard, la traduction budgétaire de l'ambition française au service de l'Europe. La mise en place d'un dispositif institutionnel et budgétaire ambitieux marque en effet la volonté de la France d'être à la hauteur de cette responsabilité et le souhait manifeste de réconcilier nos compatriotes avec l'Europe. En termes d'organisation et de financement, la présidence française s'appuiera donc sur un dispositif interministériel dont la coordination sera assurée par un secrétariat général dirigé avec détermination et clarté par l'ambassadeur Claude Blanchemaison. Nous sommes dans les temps – pas en retard, mais pas en avance non plus – ; le respect de l'agenda est un élément du succès.

La préparation de la présidence française implique la mobilisation de l'ensemble de notre appareil politique, diplomatique et administratif et la mise en place de circuits de confiance au sein de l'État. Cela suppose une définition claire et précise des rôles, ainsi qu'une parfaite coordination entre les nombreux acteurs à travers notre représentation permanente auprès de l'Union européenne à Bruxelles.

Le budget alloué pour ce programme est de l'ordre de 190 millions d'euros. Que faut-il penser de ce montant ? Il est incontestable qu'il est sensiblement supérieur à celui des deux présidences françaises de 1995 et de 2000, pour des raisons facilement compréhensibles. En premier lieu, l'Union européenne compte aujourd'hui vingt-sept États membres, et non plus quinze : les frais logistiques n'ont aucune commune mesure avec ce qu'ils étaient alors – je pense notamment au budget dédié à la sécurité, qui, depuis les attentats du 11 septembre 2001, a considérablement crû. Par ailleurs, dans le format de la LOLF, le budget de la présidence française entraîne un effet d'optique à la hausse dans la mesure où l'ensemble des crédits sont désormais consolidés. Si l'on compare ce budget aux présidences récemment exercées par nos partenaires, on constate que, si le budget des « petites présidences » – par la taille des pays concernés – était de l'ordre de 70 à 80 millions d'euros, celui des pays comparables au nôtre – et n'oublions pas que la présidence de la France est attendue car elle est l'un des pays fondateurs – avoisinait les 200 millions d'euros. Chacun reconnaît le succès de la présidence allemande, qu'il s'agisse de la qualité de l'organisation ou de la sobriété en termes d'image.

Notre présidence, mes chers collègues, devra s'ouvrir sur la société, au-delà du cercle restreint et habituel des élites politiques et administratives. En matière de communication, il nous faudra sortir des sentiers battus : j'appelle votre attention, monsieur le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, sur le besoin d'imagination en ce domaine. Il faut toucher tous les publics et créer les conditions d'émergence d'une culture européenne plus affirmée, celle-ci étant, malgré les efforts des uns et des autres – et notamment des associations – faiblement perceptible.

Je voudrais, depuis la tribune de cet hémicycle, insister sur la nécessité de faire des parlementaires de véritables acteurs de la présidence française : celle-ci ne sera réussie que si elle est aussi parlementaire. Je salue la création à l'Assemblée nationale d'un groupe de suivi de la présidence française commun à la commission des affaires étrangères et à la délégation pour l'Union européenne. L'association du Parlement ne saurait se limiter à une simple information. Chacun d'entre nous devra être, sur le terrain, le relais de la présidence française. Je suggère ainsi que le Gouvernement mette à la disposition de tous les parlementaires un « kit » d'information sur la présidence française, lequel leur permettra d'organiser les réunions publiques dans leur circonscription dans les meilleurs conditions.

Plus encore, je souhaite que d'autres pistes soient explorées, comme la possibilité pour des parlementaires de faire partie de la délégation française lors de certaines réunions informelles du Conseil de l'Union européenne : j'y verrais le signe d'une association du Parlement, et surtout, vis-à-vis de nos partenaires européens, d'une France engagée. Nous pourrions également prévoir, dans l'enceinte du Palais-Bourbon, une véritable signalétique qui nous permettrait de suivre en temps réel l'agenda de la présidence française. Enfin, si un comité d'orientation de la présidence française venait à être créé par le Gouvernement, il va de soi que des parlementaires devraient y siéger.

La présidence française de l'Union européenne doit permettre au Parlement de franchir un seuil institutionnel et politique quant à son implication dans le contrôle parlementaire à l'échelle européenne – suivant les initiatives déjà prises en ce domaine, et plus encore avec celles qui le seront dans le cadre du rééquilibrage souhaité du pouvoir parlementaire. Il est essentiel que nous franchissions un tel seuil : tirons parti de l'évolution institutionnelle de l'Union européenne pour procéder à un aggiornamento européen du Parlement français.

La présidence française doit confirmer le retour de la France en Europe et de l'Europe en France. C'est pourquoi, conformément au vote de la commission des affaires étrangères, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » au sein de laquelle figure le budget dédié à la présidence française de l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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