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Intervention de André Chassaigne

Réunion du 3 octobre 2007 à 15h00
Grenelle de l'environnement — Déclaration du gouvernement et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, s'il est une nécessité absolue, c'est bien de débattre en profondeur de la crise écologique que nos sociétés traversent. Encore faut-il que des réponses concrètes en émanent et se traduisent dans les faits. Il faut pour cela tirer les leçons de l'expérience : cette question soulevée depuis longtemps n'a jamais été traitée de manière globale, ne faisant l'objet que de demi-mesures, tant en France qu'au plan mondial.

Or ces problèmes ont déjà été posés avec force par le passé. La question écologique ne date pas d'hier. Déjà, aux débuts de la révolution industrielle, la dissémination des déchets dans l'atmosphère dévastait la santé des travailleurs. Dès le XIXe siècle, les syndicats ont pleinement intégré cette donnée, constatant la dégradation des milieux de vie et de travail et se mobilisant contre ses causes.

Mais il est vrai que les atteintes portées à l'environnement ont connu une terrible accélération depuis les années 1950, notamment en raison de l'utilisation massive du pétrole, du développement de l'automobile et de l'industrie chimique et de l'introduction des intrants chimiques dans l'agriculture. Il en résulte que la vie de millions d'êtres humains est aujourd'hui en danger. À terme, c'est l'existence même de l'humanité qui est menacée.

Cette donnée a depuis longtemps été révélée par la communauté scientifique. Elle est devenue aujourd'hui d'une telle évidence que tous les décideurs politiques, de droite comme de gauche, s'entendent pour poser la question écologique avec davantage d'acuité. Le Grenelle de l'environnement en est la dernière illustration et il faut s'en féliciter.

Aujourd'hui, de nombreuses personnalités et organisations avancent une série de solutions. Mais elles les insèrent rarement dans notre contexte économique et social. Or, pour nous, députés communistes et républicains, aucune solution durable à ces problèmes ne saurait voir le jour tant qu'on ignorera le lien intrinsèque qui existe entre destruction de l'environnement et logique du profit capitaliste, sans que nous cherchions pour autant à occulter les leçons du socialisme réel, dont le bilan environnemental s'est révélé si catastrophique.

Si nous avons la volonté de résoudre en profondeur et de façon durable la question environnementale, il apparaît en effet indispensable de sortir du cadre de la recherche effrénée du profit à l'échelle planétaire. Ces problèmes ne sont pas en effet de simples ratés du système mais correspondent bien à sa logique même, et cela partout dans le monde.

Je ne détaillerai pas les atteintes portées à l'environnement – elles sont largement développées dans ce débat – : changements climatiques bien sûr, mais aussi épuisement des ressources naturelles, pollution de l'air et de l'eau, dégradation des sols, destruction des forêts, menace sur la biodiversité ou encore catastrophes industrielles. Je voudrais plutôt insister sur les causes structurelles de cette crise écologique, car ce n'est qu'en s'attaquant aux causes qu'on pourra remédier durablement à la crise. Toute solution, même partant d'un bon sentiment, échouera si elle ne remet pas en cause le système lui-même. Monsieur le ministre d'État, je souhaite livrer à votre réflexion ce mot de Bossuet : « Le Ciel se rit des prières qu'on lui fait pour éloigner de soi des maux dont on persiste à accepter les causes. »

Le capitalisme impose de produire dans des délais très courts pour que le capital avancé puisse s'accroître de manière continue. La conséquence en est que l'exploitation des ressources naturelles ne peut prendre en considération le temps nécessaire à leur renouvellement. C'est donc la logique même du marché qui est ici en cause.

Celui-ci pousse en outre à la fabrication de produits inutiles voire nuisibles – la publicité, les drogues ou l'armement – mais qui rapportent de forts bénéfices. Quant aux abandons multiples aux mains des opérateurs privés, ils entraînent le non-respect de la réglementation : usage de substances toxiques ou abandon de déchets sans traitement durable.

Cette situation est particulièrement criante dans les pays du Sud, conséquence pour partie de notre propre impérialisme économique à leur égard. Mais dans nos pays développés eux-mêmes, où toute la vie se trouve de plus en plus marchandisée au profit d'une poignée de dirigeants économiques et financiers, la dégradation de l'environnement atteint aussi un niveau considérable.

La logique libérale implique un développement sans gouvernail de la société. Ainsi, l'expansion incontrôlée des villes conduit à une forte dégradation de l'environnement urbain, avec l'artificialisation massive de terres agricoles et d'espaces boisés. L'exploitation incohérente des sols au profit d'une zone industrielle, d'un centre de commerce, d'une cité-dortoir, d'un parc de loisirs ou d'une zone administrative allonge de plus en plus les déplacements nécessaires. C'est pourquoi il faut cesser, comme beaucoup ont tendance à le faire pour justifier de nouveaux sacrifices, d'opposer le social à l'écologie. Car crise écologique et crise sociale sont alimentées par les mêmes mécanismes. L'influence grandissante des multinationales, la mainmise des marchés sur nos sociétés et les politiques de l'OMC, du FMI, de la Banque mondiale et du G8 conduisent à l'épuisement des humains comme à celui de la nature.

Pour lutter contre ces causes structurelles, il apparaît indispensable de proposer des solutions à la hauteur des enjeux. Or les propositions qui émanent des groupes de travail du Grenelle de l'environnement, si elles tracent des pistes intéressantes, n'évoquent que très peu les moyens financiers immenses et les bouleversements économiques que leur mise en oeuvre nécessiterait. Dans ce contexte, vous courez un grand risque, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, celui de retrouver demain ces propositions dans un bocal empli d'alcool de serpent, bocal portant étiquette : Grenelle de l'Environnement. On posera le bocal sur une cheminée : il servira à l'édification de la jeunesse.

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