Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l'urgence écologique est désormais une évidence. La véritable question est de savoir si le Grenelle de l'environnement, censé y répondre, débouchera sur une action à la hauteur de l'enjeu ou se limitera à quelques mesurettes ne permettant pas de changer véritablement la donne.
À l'issue de la première phase des discussions qui a abouti à une liste de propositions, un grand flou demeure. Comment passera-t-on en effet de cette liste de préconisations au choix des quinze programmes d'action qui seront finalement retenus par le Président de la République ? Et quels critères présideront à ces choix ? Par ailleurs, quel seront le rôle de la consultation citoyenne et des réunions locales organisées au pas de charge, réunions qui auraient dû avoir lieu dans les vingt-six régions et pas seulement dans vingt-deux ? Quel rôle également pour l'Assemblée nationale dont les membres du comité de suivi ont soulevé maintes interrogations ? Qu'en sera-t-il enfin du problème du financement des mesures alors que le Premier ministre parle de « faillite », que la croissance espérée ne sera vraisemblablement pas au rendez-vous et que le projet de budget pour 2008 est marqué du sceau de la rigueur ?
Monsieur le ministre d'État, vous affirmez vouloir la « révolution écologique » qui exige, de la part de l'État, une ambition nationale forte, des choix politiques courageux et des moyens considérables. Permettez-moi d'exprimer un certain scepticisme à cet égard en me fondant sur l'expérience française en matière de préservation de la biodiversité.
La France, présente sur deux continents et trois océans, a une responsabilité toute particulière dans la mobilisation planétaire en vue de d'atteindre cet objectif. Or, si on considère la situation des outre-mers, le bilan est désastreux. Pour ne prendre que l'exemple des départements français d'Amérique, que plusieurs orateurs ont déjà évoqués, que constatons-nous ? Outre les dérogations accordées à l'utilisation du chlordécone aux Antilles, nos déchetteries et nos systèmes de traitement des eaux usées sont loin d'être aux normes européennes.
En Guyane, les cours d'eau portent les marques catastrophiques de l'activité d'orpaillage illégal, car les moyens nécessaires à l'éradication de ce fléau tardent à venir.
Le parc amazonien de Guyane, qui est un parc national, couvre – j'aime à rappeler ce chiffre – une surface de 3,390 millions d'hectares, c'est-à-dire 33 900 kilomètres carrés. Fruit d'un engagement pris par le président Mitterrand au sommet de Rio de Janeiro en 1992, réitéré en 2002 par le président Chirac au sommet de Johannesbourg, il a vu le jour le 27 février de cette année. Ainsi, il a fallu quinze années pour la matérialisation de cette belle ambition française. Mais le pire, c'est que pour couvrir les frais de fonctionnement et d'investissement de ce parc, l'État puise dans les fonds de tiroir !
Il est vrai que ce délai est dû en partie à des réticences locales. C'est que le respect de la biodiversité ne peut faire l'impasse sur l'homme. Or la Guyane, qui accuse des retards dans maints domaines, hésitait à geler ses ressources.
C'est dire, monsieur le ministre d'État, que le développement durable ne peut avoir un sens pour la population guyanaise que s'il signifie un développement qui allie durabilité et progrès économique et social, qui soit créateur de richesse et d'emplois et qui se révèle compétitif car fondé sur l'excellence des nouvelles technologies écologiques. C'est à cette condition que ce territoire pourra devenir, comme vous l'avez souhaité dans votre propos préliminaire, celui de la démonstration d'une croissance durable fondée sur l'écologie.
Dans cette perspective, beaucoup de propositions du Grenelle nous intéressent. Par manque de temps, ne pouvant toutes les énumérer, je relève en tout premier lieu celle du groupe 2 concernant le refus du projet minier Cambior Iamgold qui menace la réserve naturelle de Kaw-Roura, laquelle abrite l'une des dernières populations viables du caïman noir de l'Amazonie. J'ose espérer, une divergence existant au sein du Gouvernement sur ce dossier, que le ministre de l'écologie saura convaincre le Président de la République de trancher dans le sens de l'impératif environnemental.
Parallèlement, les communes concernées par l'orpaillage doivent bénéficier des plans de développement alternatif. De même, le plan d'action pour la biodiversité de 20 millions d'euros par an pendant cinq ans ainsi que le critère « biodiversité et carbone » dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement me paraissent très positifs, tout comme la proposition concernant le développement des sciences de l'écologie et de l'enseignement. En effet, la future université guyanaise que nous appelons de nos voeux pourrait être un pôle et former des ingénieurs de l'écologie amazonienne et mondiale.
S'agissant de l'aménagement du territoire, l'État doit faire figurer dans le schéma national des nouvelles infrastructures les grands équipements dont la Guyane a besoin pour désenclaver son territoire.
Quant à l'objectif de faire des départements d'outre-mer une vitrine de l'excellence climatique en visant pour 2020 une part de 50 % d'énergies renouvelables dans la consommation finale d'énergie, je dis oui ! Mais encore faudrait-il que les besoins locaux, actuellement insatisfaits, soient pleinement pris en compte. De même, j'approuve la mise aux normes HQE de l'habitat ancien et des constructions nouvelles mais vous devrez, là aussi, pallier le manque criant qui existe dans ce domaine.
Je ne saurais terminer sans évoquer le rôle que jouent les communautés autochtones de Guyane qui, par leur pratique traditionnelle de subsistance et leurs cultures, sous leurs aspects matériels et immatériels, participent à la conservation de la biodiversité. À ce titre elles doivent être pleinement reconnues comme acteur représentatif et légitime en matière de protection de l'environnement, et donc être considérées comme un partenaire environnemental à part entière dans le cadre de la proposition du groupe sur la gouvernance.
Vous voyez, monsieur le ministre d'État, le chantier est immense et coûteux mais exaltant, d 'autant plus que selon moi la notion de l'environnement forme un tout couvrant non seulement la nature, qui subit les conséquences des activités économiques, mais également, et surtout, le cadre socioculturel de l'homme : en somme, tout ce qui conditionne l'épanouissement de celui-ci. Voilà la « révolution écologique » que j'appelle de tous mes voeux. La France est-elle prête à assumer une telle ambition ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)