Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, au terme de cette première étape du Grenelle de l'environnement, il me paraît indéniable que l'outre-mer constituera un enjeu primordial dans la politique de développement durable que la France entend désormais promouvoir de manière active et concertée.
Comme vous l'avez très justement dit, monsieur le ministre d'État, « il est urgent d'agir pour réconcilier la nature avec le progrès et le développement » ; progrès et développement sont aujourd'hui pour nous, sans aucun doute, les enjeux principaux. Quelles que soient nos convictions, l'épuisement des énergies issues du pétrole, celui des ressources naturelles et les changements climatiques résultant du réchauffement de la planète nous imposent de modifier nos comportements et de nous organiser afin de garantir une croissance économique durable aux régions d'outre-mer.
Le cadre environnemental que celles-ci offrent – en particulier les Antilles françaises et notamment la Martinique, que je connais bien – constitue un espace d'un grand intérêt, à l'écosystème particulièrement riche, mais aussi très fragile. Sa biodiversité unique nous oblige à repenser sérieusement, et de manière adaptée, notre relation à la nature et nos modes de production, de consommation et de vie.
Comme la plupart des îles de l'arc antillais, la Martinique possède un patrimoine exceptionnel qui constitue une ressource essentielle, de nature à la rendre particulièrement attractive et à favoriser l'essor de ses activités touristiques, condition, à nos yeux, d'un véritable développement. Il est essentiel de préserver ce patrimoine par des moyens appropriés, afin d'activer durablement croissance économique et cohésion sociale.
Ayant bien examiné, monsieur le ministre d'État, les propositions issues des groupes de travail, je reste convaincu que ces caractéristiques naturelles et écologiques ajoutent à la spécificité des régions d'outre-mer ; celles-ci entendent dès lors que l'on prenne en compte leur singularité dans le cadre des exigences écologiques et du développement durable, et que l'on mette un terme à des comportements d'un autre âge. Aussi faut-il adapter les mesures à mettre en oeuvre ; l'article 73 de la Constitution ne précise-t-il pas que « le régime législatif et l'organisation administrative des départements d'outre-mer peuvent faire l'objet d'adaptations spéciales nécessitées par leur situation particulière » ?
Dans ces conditions, il serait opportun que le Grenelle de l'environnement réserve à l'outre-mer un traitement spécifique qui pourrait se traduire par la création d'une structure responsable de son patrimoine naturel, où se retrouveraient, dans l'esprit qui anime ce grand rendez-vous, tous les acteurs concernés autour des ministres chargés de l'écologie et du développement durable, de l'agriculture, des transports et, bien entendu, de l'outre-mer.
Depuis une vingtaine d'années, la santé de notre environnement s'est sensiblement dégradée, avec le blanchiment des coraux, la dégradation des mangroves, les menaces pesant sur la biodiversité, la pollution des cours d'eau, l'accumulation des déchets – et j'en passe. À ces difficultés viennent s'ajouter l'exiguïté du territoire et son insularité, ainsi que les risques naturels auxquels il est exposé ; autant d'obstacles au bon développement et à l'usage approprié de l'espace. Une politique de développement concertée devrait permettre à la Martinique de faire face à quelques-uns des défis qui nous attendent, comme la consommation d'eau potable, la globalisation de la pollution, le changement climatique ou le vieillissement de la population.
Ces dérèglements interviennent au moment où la Martinique doit aussi relever les défis économiques, environnementaux mais aussi énergétiques de la mondialisation, dans un contexte de croissance démographique générale. Les ressources naturelles dont nous disposons me conduisent à évoquer devant vous, monsieur le ministre d'État, la nécessité de réduire notre dépendance énergétique : la Martinique dépend aujourd'hui à plus de 97 % d'importations d'énergies fossiles de plus en plus chères et, par ailleurs, en voie d'épuisement. Ce chantier que je considère comme prioritaire appelle des décisions ambitieuses adaptées à nos climats où les énergies solaire, thermique et éolienne peuvent être très largement exploitées.
D'autres sujets de préoccupation sont aussi à prendre en considération : ainsi, la maîtrise des déchets ménagers et industriels, dont il faut encore améliorer la collecte, le traitement et l'élimination ; la reconquête de la qualité de l'eau, qui impose de réduire les sources de pollution ; la promotion d'un mode d'urbanisation et d'aménagement du territoire qui respecte notre environnement et économise l'espace ainsi que les ressources naturelles ; enfin, l'adoption d'une politique active de gestion du littoral, des aires marines et des ressources halieutiques.
Le débat sur l'environnement est une formidable chance pour l'outre-mer qui, grâce à ses atouts naturels, peut et doit y jouer un rôle moteur. Et c'est pourquoi nous souhaitons que notre territoire, naturellement sensible et vulnérable, soit considéré, dans le cadre du Grenelle de l'environnement et de la loi-cadre qui pourrait être votée au Parlement pour la circonstance, comme un terrain d'expérimentation servant de laboratoire à la préservation de l'environnement et à la gestion globale des sols et du littoral, au service du grand mouvement de production que nous appelons tous de nos voeux.
Naturellement, une telle dynamique implique une stratégie de recherche, visant en particulier à améliorer les pratiques agricoles par une diminution drastique du recours aux pesticides et aux engrais chimiques.