J'aborderai le problème avec un angle de vue quelque peu différent des orateurs précédents.
Depuis quelques années, et notamment depuis le sommet de Johannesburg, je plaide au nom de la commission des affaires étrangères dont je suis membre, pour l'exemplarité de notre politique environnementale, d'autant que nous avons fait en sorte, sous le gouvernement précédent, que l'environnement et le développement durable constituent un levier essentiel de la politique internationale de la France. Les Français, qui ont parfaitement pris conscience des enjeux, sont prêts à des décisions courageuses dont ils connaissent l'urgence.
Le Grenelle de l'environnement, engagé sous l'impulsion du Président de la République, répond ainsi à leurs voeux comme à la responsabilité que nous avons sur le plan international, où la vision de la France, son discours et ses actes sont particulièrement attendus.
Aucune politique environnementale ne peut réussir si elle ne s'intègre pas à une démarche mondiale qu'il nous faut impérativement soutenir. Cela explique que, fidèle à l'approche multilatérale, la France appelle, dans le cadre de la réforme de l'ONU, à la création d'une organisation mondiale de l'environnement, objectif peut-être encore lointain, mais qui passe, dans un premier temps, par la transformation du Programme des Nations unies pour l'environnement en Organisation des Nations unies pour l'environnement. Cela explique l'initiative française de mobilisation internationale de l'expertise scientifique pour la biodiversité et notre volonté de voir l'OMC intégrer les critères environnementaux dans ses décisions. Ces engagements ont été, même si ce n'était pas l'objet premier des débats, ce que je regrette dans une certaine mesure, pris en compte par les groupes de travail du Grenelle, qui ont souligné, comme je l'ai déjà fait moi-même, la nécessité de regrouper des moyens humains et des compétences qui existent au service de ces initiatives, en particulier dans la perspective de la présidence française de l'Union européenne. Cette présidence sera en grande partie centrée sur la délicate équation entre énergie et climat, qu'il faudra bien parvenir à résoudre.
Dans un contexte de mondialisation, notre sécurité énergétique passe par la fluidité et la transparence des marchés qui, elles-mêmes, sont les conditions nécessaires à l'efficacité énergétique et à la diversité des ressources.
On comprend, dans ces conditions, que le Président de la République ait déclaré il y a quelques jours à New York, en votre présence, madame la secrétaire d'État, que « le défi climatique sera une priorité absolue de l'action de la France », soulignant également l'impératif d'un cadre multilatéral pour trouver les réponses à ce défi.
Nous sommes de ce point de vue à un moment clé. Même si on ne peut pas attendre d'avancées spectaculaires lors de la conférence de Bali en décembre prochain, on constate des changements importants dans l'attitude des États-Unis et de la Chine, pays qui sont des acteurs déterminants dans la préparation et la réussite de Kyoto II.
Les États-Unis bougent, et bougent vite, au rythme américain, conscients que la foi dans le progrès technologique est insuffisante et que l'intervention publique est nécessaire. Ce changement se traduit de différentes façons au niveau des villes et des États. J'ai ainsi été heureux d'entendre Mme Boxer, présidente de la commission de l'environnement du Sénat des États-Unis, lors d'une récente visite à Paris, dire en présence de Mme la secrétaire d'État qu'elle allait soumettre une proposition de loi créant un système d'échange de quotas à l'échelle fédérale sur le modèle du système européen et en liaison avec lui, ce qui constituerait une avancée majeure. Elle estime avoir de bonnes chances de faire voter le texte dans un délai de dix-huit mois, en fonction des échéances électorales américaines. On peut espérer une évolution notable dès la fin de la présidence Bush, concordant – et c'est important – avec la présidence française de l'Union européenne.
Peut-être serait-il utile, monsieur le ministre d'État, d'accompagner cette évolution. L'an dernier, le gouvernement britannique a pris l'initiative d'un accord organisant des liens entre les mécanismes de marché carbone anglais et californien. Pourquoi ne pas faire de même et accélérer ainsi par des solidarités de fait la formation d'un marché mondial qui verra le jour tôt ou tard ?
De son côté, la Chine, qui sera vraisemblablement, dès 2009, le premier émetteur de gaz à effet de serre, a pris conscience qu'elle était la première victime du réchauffement climatique et qu'il lui était indispensable de mieux s'associer aux efforts mondiaux. D'ores et déjà, il existe dans ce pays un système embryonnaire d'échanges de quotas, appelé à se développer, et il est envisagé de faire de Pékin un centre d'échanges de crédits carbone. L'objectif chinois, tel qu'il devrait être défini, dans quelques jours, au congrès du parti communiste chinois, est de donner la priorité à l'environnement et de maîtriser la croissance. Des directives – à caractère coercitif, faut-il le préciser ? – ont d'ailleurs déjà été données dans ce sens aux cadres provinciaux.
Dans ces circonstances, il ne faut pas hésiter à encourager les transferts de technologie sobres en carbone – lesquels ne seront pas nécessairement à sens unique car la Chine développe de façon intensive la recherche dans ce domaine – tout en favorisant les mécanismes de marché. La réussite de ceux-ci – saluons celle du système d'échanges européen – est la meilleure garantie d'un succès qui ne peut être que global. La prise en compte de la tonne de carbone dans les coûts de production permettra d'accélérer le déploiement de technologies propres et, à brève échéance, les mécanismes régulés de marché seront au moins aussi efficaces et incitatifs que les financements publics et, a fortiori, qu'une fiscalité contraignante qui ne peut être ni généralisée ni pérennisée.
Enfin, on ne peut aborder, même sommairement, le volet international sans évoquer les problèmes des pays pauvres, en particulier d'Afrique, qui sont, plus que les autres, vulnérables aux effets du réchauffement climatique, avec les conséquences que l'on connaît, en particulier en termes de migration. La commission des affaires étrangères avait, l'an passé, indiqué quelques pistes, en particulier pour les transferts de technologie en matière énergétique. Je me permettrai de vous les soumettre dans le cadre du Grenelle de l'environnement, sachant que, là aussi, et suivant votre voeu, la France peut être exemplaire et entraîner l'Europe avec elle dans une politique qui, je le répète, ne peut être que globale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)