Madame, messieurs les ministres, plutôt que de reprendre les arguments avancés par les uns et les autres sur les différents bancs de notre hémicycle, je voudrais vous remercier d'avoir organiser ce Grenelle de l'environnement qui apporte beaucoup d'oxygène en ce début de législature.
Toute la question est de savoir maintenant comment ne pas décevoir l'immense attente de nos concitoyens, qui sont beaucoup plus adultes et sages qu'on ne le dit. Vous avez eu le courage d'ouvrir le jeu mais il vous faudra encore beaucoup de courage pour dire aux Français qu'il n'y aura pas de Grenelle de l'environnement réussi sans effort collectif.
Il serait vain de faire croire dès maintenant que l'on peut réussir sans augmenter, disons-le clairement, certaines taxes, quitte à en baisser d'autres, sans inciter fiscalement des comportements écologiques vertueux, que certains ont et d'autres pas. Si vous pensez vous en sortir simplement en ne faisant aucune vague, en n'augmentant aucune taxe, en ne demandant aucun effort, cela aboutira à une coquille vide et la déception sera très grande. Le Grenelle de l'environnement reviendrait alors comme un boomerang sur notre majorité.
Cela oblige à une triple cohérence. Et ne disposant que de cinq minutes de temps de parole, j'insisterai sur les points principaux.
Le premier point, c'est la cohérence nationale au regard de la politique budgétaire de votre gouvernement et de l'État. Je voudrais simplement prendre l'exemple de l'Île-de-France, que je connais bien car je suis élu de cette région. On ne peut pas d'un côté lancer un Grenelle de l'environnement et, de l'autre, imaginer un schéma directeur qui favorisait encore l'ouest de la région au détriment de l'est ou encore projeter de construire une liaison souterraine directe vers l'aéroport de Roissy- Charles-de-Gaulle pour les hommes d'affaires en abandonnant les 450 000 usagers du RER D, qui souffre d'un manque criant d'investissements.
À un moment donné, le discours du Grenelle de l'environnement doit imprégner l'ensemble des corps de l'État, l'ensemble des budgets. Vous devrez veiller, monsieur le ministre, au changement des comportements budgétaires de notre pays. Rien ne sert de créer des couloirs de bus dans Paris si l'on n'assure pas la mobilité des 11 millions de Franciliens qui se heurtent à des difficultés dans la grande couronne.
Je voudrais revenir également sur la question aéroportuaire, qui ne figure pas directement dans le Grenelle de l'environnement mais que connaît bien Mme Kosciusko-Morizet. Les aéroports d'Orly et de Roissy seront bientôt saturés. Il faudra donc poser la question de la création d'un troisième aéroport pour l'Île-de-France, non pas comme une fuite en avant dans le développement aérien, mais comme le moyen de faire voler les avions au-dessus des zones inhabitées plutôt qu'au-dessus des zones les plus denses de notre région.
Il est absolument indispensable de dégager des financements importants pour subventionner les villes et les régions qui veulent investir dans les transports propres. Il faudra oser mettre en place une écopastille qui permettrait de responsabiliser les acquéreurs de véhicules et de financer, avec des moyens suffisants, la création de lignes de tramway.
Mais nous pourrions parler également de cohérence européenne et internationale.
Monsieur le ministre, vous avez abordé – était-ce une bévue ou un ballon d'essai ? – la question des OGM. Pourquoi ne pas interdire les essais d'OGM en plein champ, à condition de poursuivre la recherche sous serre ? Mais encore faudrait-il mettre en cohérence nos décisions au niveau européen puisque, vous le savez, la Commission de Bruxelles a sifflé la fin de partie, estimant qu'on ne peut plus revenir sur la question, la directive ayant été adoptée.
Comment pourrons-nous mettre en place un système d'incitation à la protection de l'environnement dans notre pays si nous ne revoyons pas les règles des échanges internationaux dans le cadre de l'OMC ? Vous le savez, le Président de la République avait imaginé la création d'écluses douanières environnementales et sociales, seul moyen d'éviter le dumping environnemental et social de pays qui incitent à la délocalisation de nos entreprises en raison de normes environnementales plus souples. Il n'y a qu'à voir le désastre environnemental actuel en Chine pour comprendre pourquoi nos entreprises quittent notre pays. Nous ne pourrons éviter une chute de compétitivité de nos entreprises françaises et européennes qu'en mettant en place ces écluses environnementales et sociales qui pourraient être progressives, passant, par exemple, comme je l'ai proposé devant la Fondation Nicolas Hulot, de 5 % la première année à 50 % au bout de dix ans. Ainsi, les entreprises internationales pourraient intégrer cette taxe à des productions qui ne respecteraient pas la norme ISO.
Pour conclure, je souhaite mettre en garde la représentation nationale contre un feu d'artifice de mesures qui ne seraient pas suivies d'une cohérence gouvernementale complète, ainsi que d'une cohérence européenne et internationale. Sinon, la déception risquerait d'être immense.