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Intervention de Geneviève Gaillard

Réunion du 3 octobre 2007 à 15h00
Grenelle de l'environnement — Déclaration du gouvernement et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeneviève Gaillard :

Ce retard est donc peu propice pour permettre une grande mobilisation et assurer la représentation des spécificités locales. D'autre part, à la lecture de cette liste, je m'étonne que toutes les régions ne soient pas représentées. Ainsi ma région de Poitou-Charentes n'aura pas la chance d'être le théâtre d'un tel débat, alors que divers dossiers et problématiques spécifiques le justifiaient. En revanche, d'autres régions seront concernées deux fois. Je m'interroge donc sur les critères ayant présidé au choix de l'implantation géographique de ces réunions. Pour l'outre-mer, seule une réunion est prévue à la Réunion, d'après mes informations. Pourquoi n'a-t-on pas eu l' audace de programmer vingt-deux réunions, soit une par région, à l'instar de ce qui avait été décidé pour la Charte de l'environnement ?

Au-delà, la légèreté avec laquelle ces réunions dans les régions ont été pensées dévoile que, si à vos yeux, elles sont incontournables, c'est pour trouver un ancrage territorial nécessaire à la démarche, qui sans cette dimension aurait pu passer pour un événement parisien, voire « parisianiste ». Peut-être pas un gadget, mais une caution indispensable à défaut d'être « capitale ». L'organisation de ces réunions semble être la même dans les différentes villes où elles auront lieu : à savoir, des ateliers miroirs des six groupes nationaux, puis une séance plénière. Mais il apparaît que les préfectures sont très mal organisées : c'est souvent les DIREN qui rattrapent la mauvaise qualité d'information des acteurs locaux. Des conférences plénières de restitution censément ouvertes au grand public n'étaient en fait accessibles que sur invitation !

Ces réunions, bien conçues, auraient pourtant présenté beaucoup d'intérêt. Mais dans ces conditions, sans pouvoir être obligatoirement valorisées, elles risquent fort d'ajouter à la difficulté globale de l'exercice du Grenelle. En effet, beaucoup de sujets et de thématiques qui ne font pas partie des propositions développées dans les groupes peuvent complexifier la tâche de hiérarchisation et de sélection des mesures. Je viens de prononcer le terme « mesures », mais, dans le dossier récapitulatif des travaux et propositions des groupes, l'on parle le plus souvent d'« objectifs » et non de mesures.

J'entends bien que le Gouvernement a promis des mesures au sens de programmes. J'attends donc de votre part que vous soyez clairs sur leur calendrier d'exécution ainsi que sur leurs financements. Par ailleurs, vous avez déclaré avoir retenu quelques orientations consensuelles, ce qui appelle une autre question, celle du recyclage de toutes les autres propositions qui, in fine, ne seront pas retenues.

Avant de conjecturer sur les résultats probables des négociations et des grands axes de propositions dégagés dans les différents groupes, je veux insister ici sur deux aspects fondamentaux qui résument mes attentes principales.

Quelles que soient les mesures retenues, elles devront, pour avoir prise sur l'état d'urgence né de la dangereuse crise écologique à laquelle nous sommes confrontés, être appuyées sur un financement tel que la priorité si généreusement accordée à l'environnement dans vos discours puisse enfin se traduire dans les actes et les politiques publiques à travers le budget de l'État. Il faut non seulement que l'engagement de l'État soit structurel mais que l'argent public soit mobilisé autour d'une programmation concentrée. À vous entendre, je crains que nous soyons très éloignés du but. Car si les collectivités locales auront un rôle important à jouer, elles ne pourront prendre la place fondamentale qui revient à l'État dans la mise en place de ces mesures.

Ma seconde attente vise l'instauration d'un mécanisme de suivi des mesures et des programmes adoptés afin d'instituer une évaluation permanente de leur impact concret. À cet égard, je souhaiterais que l'on crée une Haute autorité chargée de ce suivi, qui devrait présenter un rapport annuel au Parlement. L'indispensable principe d'évaluation qui manquait cruellement dans la Charte de l'environnement pourrait ainsi être appliqué.

Certes, il est bon que ce Grenelle formalise les propositions correspondant au constat commun, général et partagé, de la dégradation de l'environnement, mais l'esprit même des Grenelle devrait aussi, voire surtout, tendre à réduire les points de discorde et résoudre les difficultés. Toutefois, force est de constater que si ce Grenelle a bien tenté de le faire s'agissant de la question des OGM, qui a suscité des réflexions intéressantes dans les intergroupes et même généré une politique du Gouvernement, il n'a nullement joué ce rôle s'agissant de la question du nucléaire, ce qui est grave.

Je reviens de Bruxelles où s'est tenue une réunion interparlementaire sur les défis climatiques. Ont été abordées, entre autres, les manières de développer les énergies renouvelables. Le nucléaire n'en est pas une et le fait de l'avoir développé jusqu'à ce jour est nuisible au développement des énergies alternatives. Occulter ce débat, c'est perdre une chance de le gérer au mieux pour les générations futures et d'atteindre les objectifs assignés par l'Union Européenne.

À la lecture du dossier récapitulatif, les travaux des six groupes et intergroupes me paraissent manifester une réelle volonté de mise à plat et une ambitieuse recherche de solutions, ils traduisent le sérieux avec lequel les participants se sont investis dans leur tâche. Cela étant, leurs préconisations sont, comme je l'ai dit, davantage une expression d'objectifs qu'une recherche de moyens. C'est bien toute la difficulté mais aussi tout l'intérêt de l'exercice. J'espère que vous saurez, monsieur le ministre, en tenir compte.

Et puis certains écueils n'ont toujours pas été surmontés. Ainsi le groupe 4, de l'aveu même de ses membres et de leur président auditionnés devant la commission des affaires économiques, a limité ses travaux et propositions au domaine de l'agriculture et de l'alimentation, abandonnant le champ de la consommation en général et l'aspect déterminant des échanges internationaux, alors même qu'il s'intitule « Adopter des modes de production et de consommation durables : agriculture, agroalimentaire, pêche, distribution, forêt, usages durables des territoires ». Du reste, même si on se focalise sur l'agriculture dans cette approche, comment justifier le silence total sur les agro-carburants, qui ne sont d'ailleurs pas davantage pris en compte dans le groupe 1 sur les changements climatiques et la maîtrise de l'énergie ?

Au moment même où Bruxelles lève l'obligation de mise en jachère pour motif de production alimentaire, ce Grenelle rate l'occasion d'exiger des éco-bilans sur les agro-carburants, pourtant nécessaires avant de pouvoir se lancer dans une phase massive d'exploitation. Leur impact environnemental peut s'avérer en effet des plus néfastes. Le conflit de capacités entre les filières alimentaires et énergétiques est sous-estimé, pire, l'intérêt économique n'est pas toujours très évident selon leur type. C'est ici un des oublis les plus symptomatiques de ce Grenelle.

L'ambitieux intitulé du groupe 6 – « Promouvoir des modes de développement écologiques favorables à la compétitivité et à l'emploi » – ne peut que faire regretter l'insuffisance de ses propositions. Je me demande même lesquelles vous pourrez concrétiser. En effet, avec un ordre de mission aussi ambitieux, on peine à se satisfaire des maigres incantations visant pour l'essentiel à réclamer de meilleurs indicateurs environnementaux, un meilleur niveau d'information du public, à dénoncer un effort de recherche insuffisant, à promouvoir la sensibilisation à l'écologie en milieu scolaire – ce qui existe déjà – et à injecter un peu d'enseignement vert au sein des grands cursus professionnels. On s'attendait à trouver des moyens destinés à imprégner l'économie tout entière de développement durable. Je suis obligée de dire qu'un grand nombre d'ateliers m'ont laissée sur ma faim.

Pour terminer, je dirai simplement que l'idée de ce Grenelle était bonne, mais que j'attends, comme toutes celles et tous ceux qui sont depuis des années sensibilisés à la protection de nos ressources naturelles, que de vraies mesures soient enfin prises, financées et évaluées. Ce serait une vraie rupture, en cohérence avec la volonté des populations et les enjeux planétaires désormais reconnus.

Expliquez-moi très clairement, monsieur le ministre, comment vous allez faire pour relever ce défi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

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