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Intervention de Dominique Raimbourg

Réunion du 14 octobre 2008 à 9h30
Simplification du droit — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Raimbourg :

Exactement, c'est pourquoi j'ai quelque excuse à ne pas avoir réussi à y penser suffisamment dans le bref délai qui nous a été imparti.

De ce fait, nous avons quelques réticences, comme nous en avons également sur des modifications de procédures, suite à une application partielle du rapport de la commission présidée par le recteur Guinchard, mandatée par Mme la ministre de la justice, et qui a été rendu au début de l'été dernier. Il contient plus de 60 préconisations qui forment un ensemble complexe mais assez cohérent. À ma connaissance, il n'a pas encore été discuté ni utilisé. Or, dans cette proposition de loi, nous trouvons diverses dispositions qui en sont issues, sans qu'on comprenne pourquoi on a retenu tel élément plutôt que tel autre. Ainsi, l'article 8 crée une procédure spéciale pour l'enregistrement de la nationalité par un greffier, lorsque l'enfant est né hors mariage. C'est certes nécessaire. Mais le rapport Guinchard préconisait la création d'un greffier juridictionnel, sur le modèle du Rechtspfleger allemand. Pourquoi ne le suivez-vous pas jusque là ?

De la même façon, l'article 9 de la proposition de loi prévoit de transférer la tutelle des mineurs au juge aux affaires familiales ; or, si le rapport Guinchard préconisait ce transfert, il demandait que soit également créé un grand pôle familial qui aurait regroupé, autour du juge aux affaires familiales, le juge des enfants et le juge des tutelles. Tandis que le travail de ces magistrats aurait pu être coordonné, le rapport Guinchard proposait également la création d'un parquet chargé des affaires familiales et la nomination d'un magistrat chargé des affaires familiales à la cour d'appel. Alors que ces propositions formaient un ensemble cohérent, il ne reste, dans la proposition de loi que nous examinons, que le transfert de la tutelle des mineurs au juge aux affaires familiales. Par ailleurs, sur un sujet aussi complexe, il n'y a eu ni concertation ni étude d'impact. Or le travail du juge aux affaires familiales est souvent solitaire alors que les dossiers de tutelle nécessitent un suivi au long cours qui demande l'aide d'un greffe compétent en la matière.

Une critique similaire peut être formulée, de façon moins vive en ce qui concerne l'article 11 de la proposition de loi, visant à créer des tribunaux spécialisés en matière d'adoption internationale. Toutefois ce sujet fait consensus ; comme les dispositions de l'article 12 qui visent à diminuer le nombre de tribunaux spécialisés en matière de pensions. Mais, malgré le bien-fondé de chacune de ces mesures, elles relèvent d'une politique au cas par cas, sans que l'on puisse discerner aucun plan d'ensemble.

J'ai parlé de nos « résistances » et, sur certains aspects de la proposition de loi, elles sont assez vives. Ainsi la cessation de l'indivision qui amène parfois des héritiers à s'opposer fortement sans jamais trouver de terrain d'entente est un sujet difficile. Elle donne lieu à des procédures interminables et coûteuses. Sa simplification fait l'objet de l'article 4 : une nouvelle procédure concentrée entre les mains du notaire permettrait d'accélérer le processus. Sommes-nous allés suffisamment loin en proposant la possibilité d'une vente de gré à gré sur autorisation du tribunal ? Alors que la commission Darrois mène une réflexion en vue de la création d'une grande profession du droit, est-il opportun de transférer aujourd'hui une partie de la compétence des avocats aux notaires alors que ces deux professions sont toujours en concurrence quand elles ne s'opposent pas ? Même si le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche ne conteste pas la nécessité d'une réforme de la liquidation de l'indivision, ces questions se posent – et je reconnais la difficulté de notre position.

Autre cas : l'article 15 de la proposition de loi prévoit la possibilité de dématérialiser les bulletins de paie. Cette réforme est probablement dans l'air du temps et deviendra peut-être indispensable pour éviter de brasser du papier, mais elle n'a fait l'objet, à ce jour, d'aucune concertation avec les partenaires sociaux alors qu'elle aura d'importantes conséquences pratiques pour vingt-cinq millions de salariés. Certes, cette dématérialisation ne pourra s'opérer qu'avec l'accord du salarié, mais nous savons bien que des pressions sont possibles.

Par ailleurs le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche est opposé à l'article 65 de la proposition de loi qui créé un délit spécial afin de sanctionner « le fait de se soustraire à l'exécution d'un décret d'extradition ou à une décision de remise prononcée par une juridiction française dans le cadre de l'exécution d'un mandat d'arrêt européen ». D'une part, la création de ce délit est inutile puisque le mandat d'arrêt européen prévoit, d'ores et déjà, la délivrance d'un titre de détention par le procureur ou la chambre de l'instruction – et pour cette dernière, quelle que soit l'étape de la procédure. D'autre part la création d'une peine va à l'encontre même des objectifs des procédures d'extradition ou de remise dans le cadre du mandat européen. En effet, leur objet est de permettre la remise rapide de l'individu concerné à l'autorité étrangère qui le réclame ; or la création d'une peine spéciale en France retardera nécessairement celle-ci.

Cette proposition de loi ne manque donc pas d'intérêt et a fait l'objet d'un très important travail. Mais, tant son élaboration que son contenu ne nous conviennent pas. En conséquence, et presque à regret, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche appelle à voter contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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