Qu'avez-vous fait de ces recettes, monsieur le ministre ? M. Carrez vous a posé la question. Vous en avez fait un fort mauvais usage, un usage qui affaiblit encore le potentiel du pays – je vais y revenir.
Il est vrai qu'on jargonne beaucoup. C'est une sorte de rideau de fumée. Je me demande ce que peuvent comprendre nos concitoyens entre le solde primaire, la fongibilité asymétrique, la gestion infra-annuelle, le zéro volume, etc. Les gens veulent savoir de qu'il y a dans leur assiette.
À quoi sert votre politique ? Les gens sont réduits à regarder la publicité à la télévision pour voir les meilleurs mets qu'ils pourraient trouver dans les rayons des magasins, mais qu'ils ne peuvent effectivement acheter.
Cette première loi de règlement qui concerne le début de notre législature – la précédente, monsieur le ministre, si ce n'était pas vous qui occupiez le poste de responsabilités comparables, c'était votre frère – est l'occasion de mesurer l'ampleur des dégâts de la politique économique et financière décidée par le Président de la République, puisque, en violation de l'article 5 de la Constitution, c'est lui qui décide de tout. En effet, l'arrivée aux affaires de Nicolas Sarkozy et du gouvernement de M. Fillon, son grand vizir, a marqué une accélération et une aggravation de l'injustice fiscale, des cadeaux aux plus riches, de la dégradation des moyens, notamment humains, des services publics et de la paupérisation de l'État.
L'un des aspects les plus néfastes de la politique présidentielle en 2007 a été la loi « Travail, emploi, pouvoir d'achat ». Depuis que, à gauche, nous l'avons qualifiée, vous ramez comme des malades pour faire croire que cette loi est ce qu'elle n'est pas. Mais les Français n'ont pas été dupes. C'était votre premier texte emblématique, dicté par vos dogmes les plus chers. Cette loi va plomber durablement les finances de l'État en le privant de marges de manoeuvre. Ce dispositif n'a affecté que partiellement les finances publiques en 2007, à hauteur de 1 à 2 milliards d'euros – 1,6 milliard selon la Cour des comptes – mais se traduira par une ponction proche de 15 milliards d'euros en année pleine. L'État ne compensant que très partiellement les exonérations et allégements pesant sur les régimes de protection sociale, du fait des coûts de ce TEPA, ces organismes vont voir leurs déficits se creuser, ce qui vous sert déjà de prétexte à de nouvelles mesures de rigueur, comme les franchises médicales, que le Président de la République – encore lui – et sa majorité ont mises à la charge des malades.
Mais, dans le même temps, on a continué à voir prospérer les allégements et exonérations, tant fiscales que de cotisations sociales patronales, généreusement consentis aux entreprises, pour plus de 65 milliards d'euros. Les allégements de cotisations sociales ont très peu d'effets positifs sur l'emploi, comme l'a relevé la Cour des comptes. Mais vous êtes autistes ! Ces mesures décidées, comme l'a indiqué la Cour des comptes, « sans la moindre évaluation ni analyse d'impact, ne font que traduire la tendance générale à un mitage de l'assiette des cotisations sociales et posent le problème de l'équité du financement de la protection sociale ».
En outre, ces aides sont concentrées sur certains secteurs en forte croissance, telles la grande distribution, dont l'examen de la loi de modernisation de l'économie a permis de mettre en relief quelques turpitudes et pratiques anticoncurrentielles, qui ont été démontrées, y compris par nos collègues de droite.
La Cour a précisé que les allégements de charges ont pu avoir un effet d'aubaine pour certains secteurs économiques, alors que les industries manufacturières plus exposées à la concurrence internationale et aux délocalisations en ont peu bénéficié. Outre qu'elles sont coûteuses, ces mesures sont largement inefficaces ! Mais le bon M. Séguin, notre Premier Président de la Cour des comptes, peut toujours écrire, discourir, vous ne l'écoutez pas. Pourtant, il a raison !
Ce constat préoccupant est complètement confirmé par l'examen détaillé des niches fiscales, d'une part, et sociales, d'autre part, auquel notre assemblée a procédé tout récemment, dans le cadre de deux rapports, examen qui fait apparaître un coût annuel, pour les premières, de 68 milliards d'euros et de 50 milliards pour les secondes, en 2007. Vous voyez bien, monsieur le ministre, mes chers collègues, que le problème n'est pas de réduire les dépenses publiques mais d'augmenter les recettes pour satisfaire les besoins sociaux de nos concitoyens qui souffrent.
L'analyse de l'impact des niches fiscales selon les niveaux de revenus de leurs bénéficiaires fait apparaître qu'elles sont particulièrement profitables pour les plus hauts revenus, ce qui est préoccupant quand on sait qu'elles se multiplient au rythme moyen de quatorze créations par an depuis 2003 et que les oukases du Président de la République sont de nature à impulser une accélération de ces injustices, comme l'a bien montré la loi TEPA.
Plusieurs milliers de foyers fiscaux privilégiés sont, de fait, exonérés ou quasi exonérés de l'impôt sur le revenu et, parfois, bénéficient même d'une restitution du Trésor. Public – je ne vais pas reparler de riche héritière des Galeries Lafayette ! Il y a, comme le souligne le rapport de la mission d'information, une véritable « régressivité » de l'impôt par le jeu des réductions et crédits d'impôt, alors que la progressivité est la caractéristique d'une fiscalité juste, car prenant en compte les facultés contributives.
En matière de niches sociales, de nombreux avantages extra-salariaux sont exclus de l'assiette des prélèvements, comme, par exemple, les parachutes dorés et les actions gratuites, contre toute logique de justice sociale. Là encore, la tendance est à l'extension des niches malgré les promesses gouvernementales. L'année 2007 a donc été marquée par la poursuite et l'amplification de la redistribution inversée, engagée dès 2002 et consistant à imposer et taxer toujours davantage le plus grand nombre de nos concitoyens pour financer la distribution de cadeaux aux plus riches. Cette logique d'injustice a encore de beaux jours devant elle, puisqu'il est, par exemple, question d'assujettir les chèques-restaurant attribués aux salariés aux cotisations sociales. J'espère, chers collègues de l'UMP, que vous le direz à vos électeurs !
Cette politique de rigueur fiscale et sociale pénalise durement la grande masse des Français, mais pas tout le monde. Il y a eu au moins un de nos compatriotes qui, en 2007, n'en a nullement ressenti les effets dans son train de vie : c'est le Président de la République, non seulement pour ce qui est de son traitement – nous en avons longuement parlé – mais aussi s'agissant de ses dépenses de fonction. D'abord pour ce qui est du clos et du couvert, les dépenses d'installation et de réparation ont augmenté de 53 % par rapport à l'année précédente, après, il est vrai, qu'un audit de l'état architectural du palais eut été effectué, fort opportunément d'ailleurs. Ensuite, s'agissant des effectifs, les dépenses liées aux personnels mis à la disposition du Président ont augmenté. Mais, par ailleurs, on fait aussi des économies au palais de l'Élysée : l'enveloppe destinée aux cadeaux des enfants du personnel a été réduite de 20 % ! Il en est de même pour les dépenses de réception, puisque les pots de départ du personnel de l'Élysée ne sont plus financés par le palais, et Mme Emmanuelle Mignon, directrice du cabinet du Président, a remplacé les jus de fruits aux prix exorbitants par de l'eau bénite pour tout le monde !