Nous avons tous conscience que le débat budgétaire doit être organisé différemment : il faut cesser de construire et de voter chaque année un projet de loi de finances après avoir, en quelque sorte, tourné la page de l'année précédente sans l'avoir vraiment lue, c'est-à-dire sans avoir procédé à une analyse en profondeur de l'exécution du budget de l'année écoulée, sans avoir comparé les résultats obtenus avec les objectifs affichés, sans avoir évalué les politiques publiques.
Cette année, pour la première fois, le ministre et le rapporteur général l'ont rappelé, nous avons examiné l'exécution budgétaire de plusieurs missions, sous la forme de commissions élargies. Je dois dire que cela n'a pas été aisé, la difficulté ne tenant d'ailleurs pas à la volonté des députés ou des ministres, mais tout simplement au calendrier de la séance publique, qui interférait avec celui de nos réunions. Il faudra, d'une manière ou d'une autre, « sanctuariser » des journées réservées aux commissions élargies si l'on veut que la loi de règlement soit un moment essentiel du débat budgétaire. Une organisation aussi difficilement maîtrisable de nos travaux – et pas toujours maîtrisée –, en raison d'un ordre du jour chaotique et déraisonnable, a réduit le temps que nous souhaitions consacrer en séance publique à ce projet de loi de règlement.
Cela dit, les commissions élargies ont donné lieu, dans la plupart des cas, à des échanges très satisfaisants, approfondis et directs entre ministres responsables et députés, notamment les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis, sur la base des rapports annuels de performance, dont nous suivons l'évolution de près. Je pense que c'est là une formule qui devra être confirmée et amplifiée.
La discussion que nous avons aujourd'hui porte donc sur le passé, l'exercice 2007, mais dans une perspective d'avenir, puisqu'elle sera suivie prochainement du débat d'orientation budgétaire, qui devra tirer les enseignements de ce qui a été fait ou pas, de ce qui a été bien ou mal fait, ainsi que de ce que l'on connaît de l'exercice en cours pour fixer les orientations dans lesquelles s'inscrira le prochain budget.
Sur le budget 2007, la commission des finances a entendu le Premier président de la Cour des comptes, le ministre du budget et des comptes publics, le rapport du rapporteur général. Et je dois avouer que les points de vue des uns et des autres sont quelque peu contrastés, du moins celui exprimé par le Premier président de la Cour des comptes, d'une part, et ceux exprimés par le ministre et notre rapporteur général, d'autre part.
À partir de là, quelques observations. Il nous reste encore une difficulté à choisir – et vous avez évoqué cette question, monsieur le ministre – entre les comparaisons qui se présentent à nous pour évaluer le solde en exécution : avec les prévisions de la loi de finances initiale, ou avec le solde de l'année précédente, les calculs n'étant, dans ce cas, pas les mêmes selon que l'on tient compte ou non de régularisations de dépenses, de recettes exceptionnelles ou de reports de charges.
Nous avons bien un référentiel comptable, mais il nous manque un référentiel budgétaire, qui permettrait de faire, de manière plus certaine, des comparaisons de même nature d'une année sur l'autre.
Mais là n'est pas obligatoirement le plus important : quels que soient les termes de comparaison retenus, les soldes – et d'une certaine façon, le rapporteur général l'a dit – n'évoluent pas favorablement.
Le déficit, en 2007, représente 2,7 % du PIB, contre 2,4 % en 2006. La dette publique, au sens de Maastricht, toutes administrations publiques confondues, s'élève à 63,9 % du PIB à la fin de 2007 contre 63,6 % à la fin de 2006. La charge de la dette est plus élevée de 855 millions d'euros en 2007 qu'en 2006.
S'il est vrai que la situation internationale s'est elle-même dégradée dans le courant de 2007, compte tenu des premiers effets de la crise financière et de l'augmentation du prix du baril de pétrole, les autres États de la zone euro connaissent cependant de meilleures performances.
La situation de la France n'est intrinsèquement pas bonne et sa position, dans la zone euro, ne l'est pas non plus. Elle a rétrogradé, d'une année sur l'autre, de la onzième à la quatorzième place – sur quinze – au titre des déficits publics, et a progressé, si l'on peut dire, de la huitième à la cinquième place pour ce qui est de la taille de sa dette publique.
Le taux de croissance de 2007, 2,2 %, est certes assez conforme à ce que vous aviez prévu, et il faut le reconnaître, mais il a été inférieur à la moyenne de la zone euro, qui est de 2,6 %.
Si l'on s'intéresse aux composantes de cette croissance, on constate qu'en Allemagne, elle est essentiellement due à l'investissement des entreprises et aux exportations, alors que le facteur déterminant de la croissance française reste la consommation des ménages, ce qui ne laisse pas de nous inquiéter au vu de l'inflation et de la stagnation du pouvoir d'achat depuis quelques mois.
En résumé, malgré une croissance de 2,2 %, dans la moyenne des dix dernières années et conforme à sa croissance potentielle, la France ne parvient pas à sortir du rouge. À quoi tient ce paradoxe ? L'augmentation à contre-courant de son déficit trouve son origine, comme le relève la Cour des comptes, dans l'insuffisance de la maîtrise de la dépense publique – même s'il y a eu des progrès, il faut là aussi pouvoir le dire –, couplée, dans le même temps, à une diminution des prélèvements obligatoires.
La Cour des comptes a relevé l'effet de ciseau dans lequel la France se trouve, étant donné la stagnation de ses recettes fiscales nettes et le dynamisme persistant de certaines de ses dépenses.
Sur les résultats de 2007, je ferai quelques observations plus marquées.
L'évolution spontanée des recettes de l'État – je ferai la même observation que le rapporteur général – a été de 20 milliards d'euros en 2007, soit 16,4 milliards pour les recettes fiscales nettes, 3 milliards pour les recettes non fiscales et 500 millions d'euros de moins de prélèvement sur recettes destinées au budget européen. À quoi ont été utilisées les marges de manoeuvre qui ont été dégagées ?
Dans un contexte difficile, où l'échéance de 2010 pour un retour à l'équilibre des finances publiques a été abandonnée, où la France était à quelques mois d'assumer la présidence du Conseil de l'Union européenne, 12 milliards d'euros ont été affectés à des baisses d'impôts, dont 4,4 milliards d'euros dus à la modification du barème de l'impôt sur le revenu décidé en loi de finances pour 2006 et 1 milliard d'euros pour les mesures TEPA. Était-ce opportun ? Était-ce approprié ? Je rappelle qu'une des recommandations du rapport Pébereau était, et est toujours, de ne pas diminuer les prélèvements obligatoires tant que la situation de nos finances publiques ne sera pas davantage assainie. Je pense que cette recommandation relative à la nécessité de préserver nos recettes reste pertinente, j'y reviendrai tout à l'heure.
La deuxième observation a trait aux relations entre l'État et la sécurité sociale. Vous avez proposé, monsieur le ministre, l'apurement de la dette constatée fin 2006, et un versement de 5 milliards d'euros a été fait au régime général de sécurité sociale. Cette démarche de clarification et de sincérité budgétaire a été saluée par notre commission des finances.
Toutefois, cette dette se reconstitue : le montant en est déjà, selon les estimations, de 1,7 milliard ou de 2,5 milliards d'euros – chiffre de la Cour des comptes – , auxquels il convient d'ajouter 1,5 milliard d'euros pour les autres organismes de sécurité sociale. Quand allons-nous être en mesure de traiter définitivement ce problème ? Vous avez pris des engagements, vous les avez en partie tenus. À quand la dernière partie, qui est sûrement la plus difficile ?
Dernière observation qui a trait au poids des dépenses fiscales, sans cesse accru. Pour s'en tenir au seul impôt sur le revenu, les dépenses fiscales augmentent, entre 2006 et 2008, cinq fois plus que les crédits de paiement des missions auxquelles ces dépenses se rattachent : 7,4 % contre 1,4 %.
Vous savez, monsieur le ministre, l'attention que porte la commission des finances à ce sujet, tous groupes confondus. Il n'est pas possible, pour des raisons tenant à l'équité fiscale, d'une part, à la santé de nos finances publiques, d'autre part, de continuer à laisser se dégrader notre niveau de recettes, en laissant se développer ces dépenses fiscales, dépenses « de guichet » qui ne sont pas suffisamment évaluées.
Je retire de notre court déplacement en Allemagne le même enseignement que le rapporteur général, à savoir une volonté très forte de nos partenaires de limiter très sensiblement les dépenses fiscales avec un certain nombre de décisions brutales, préférant en cela, pour une meilleure maîtrise, les dépenses budgétaires, les subventions.
Mais, si nous adoptions cette approche en France, peut-être faudrait-il également réformer le circuit de décision et d'affectation de ces subventions, pour faire en sorte qu'il soit le plus efficace possible. On s'aperçoit, en effet, que le recours aux dépenses fiscales est une façon de contourner la norme d'évolution de la dépense publique. Mais on nous dit aussi, sans toujours le prouver, que ce peut être plus efficace par rapport à l'objectif suivi. C'est en tout cas souvent un argument qui nous est fourni par rapport au dispositif relatif à l'outre-mer.
Le Sénat a voté un amendement, qui a été rappelé par le rapporteur général, au projet de révision constitutionnelle tendant à ce que toute mesure d'exonération fiscale ou sociale entre en vigueur sous condition d'avoir été validée par une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale.