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Intervention de Éric Woerth

Réunion du 30 juin 2008 à 17h30
Règlement des comptes et rapport de gestion pour 2007 — Discussion après déclaration d'urgence d'un projet de loi

Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique :

Je sais que votre assemblée s'est profondément impliquée dans cet exercice d'évaluation. C'est pourquoi je salue cette initiative qui va dans le sens d'un rééquilibrage entre le projet de loi de finances – qui, jusqu'à présent, concentre toutes les attentions – et le projet de loi de règlement, son parent pauvre.

J'aurai l'occasion de revenir sur l'importance de ces nouveaux enjeux, après vous avoir présenté les résultats de l'exercice 2007, qui, vous le savez, sont en ligne avec les prévisions.

Le projet de loi de finances rectificative, que je vous avais présenté au mois de décembre dernier, tablait sur un déficit budgétaire révisé à 38,3 milliards d'euros. Le solde arrêté dans le projet de loi de règlement s'établit à 34,7 milliards d'euros. Ce n'est pas ce montant que je choisirai de commenter car je tirerais ainsi indûment profit du produit de cession de titres EDF de 3,7 milliards d'euros, provisoirement enregistré sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » pour financer le plan Campus.

Le déficit budgétaire, hormis cet élément exceptionnel, s'élève à 38,4 milliards d'euros. C'est une amélioration de 3,6 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale, en dépit de toutes les incertitudes qui ont pu entourer les prévisions faites lors de l'examen du collectif de l'an dernier. Ces risques n'ont du reste pas disparu en 2008 – l'actualité récente nous le rappelle –, mais les résultats que nous avons enregistrés à la fin de l'année 2007 doivent nous conduire à ne pas exagérer les craintes.

Si ce résultat est encourageant, c'est que nous avons réussi à maîtriser les dépenses et que les recettes, dans leur ensemble, se sont bien tenues.

En ce qui concerne la maîtrise des dépenses, je tiens à souligner que le plafond de dépenses voté par le Parlement a été strictement respecté : pour être tout à fait exact, nous nous situons 47 millions d'euros en dessous de l'autorisation parlementaire.

Ce résultat est d'autant plus important qu'il est atteint dans le respect du cadre budgétaire initialement fixé pour 2007. Nous avons en effet décidé de jouer jusqu'au bout le jeu de la LOLF en nous interdisant de rebattre en cours d'année les cartes qui avaient été distribuées aux ministères.

Si cette décision, assumée, nous conduit à constater la constitution d'une dette importante auprès de la sécurité sociale, il ne faudrait pas, toutefois, que cet arbre cache la forêt : l'année 2007 marque, à ce titre, d'incontestables progrès dans la normalisation des relations financières avec la sécurité sociale puisque l'État a achevé de reprendre la dette issue du BAPSA, pour 620 millions d'euros, et que, surtout, j'ai scrupuleusement tenu l'engagement que j'avais pris de rembourser la dette constituée auprès du régime général de sécurité sociale au 31 décembre 2006, laquelle s'élevait à 5,1 milliards d'euros.

Au total, l'État a apuré 5,8 milliards d'euros sur une dette de 7 milliards d'euros – régime général et BAPSA – enregistrée à la fin de l'exercice 2006. Le chiffre parle donc de lui-même.

Pour l'avenir, il nous faudra bien rembourser la dette en partie reconstituée en 2007 – je l'ai déjà évoquée devant la commission des finances. Je souhaite du reste trouver une solution pour en régler tout ou partie dès cette année et, surtout, progresser dans la qualité de la budgétisation initiale des crédits.

La construction du projet de loi de finances pour 2008 représente, de ce point de vue, de réelles avancées, en particulier sur l'aide médicale d'État, l'allocation pour adulte handicapé et l'allocation pour parent isolé. Ces efforts devront être encore amplifiés dans la construction du budget pluriannuel 2009-2011, qui est en cours d'élaboration.

L'exécution budgétaire 2007 nous permet ainsi de conforter avec le recul les premiers enseignements tirés en 2006 de la gestion en « mode LOLF ». La mise en réserve d'une partie identifiée des crédits en début d'année montre que nous pouvons à la fois donner de la visibilité aux gestionnaires et disposer des marges suffisantes pour faire face aux aléas de la gestion.

Les ministères ont également apporté la preuve qu'ils savaient pleinement tirer parti des souplesses de gestion offertes par la LOLF et financer la plupart de leurs besoins en cours de gestion par redéploiement des crédits.

Certes, l'application de la « fongibilité asymétrique » a été restreinte, de l'ordre de 300 millions d'euros par rapport à 400 millions d'euros en 2006, mais elle pourra, à l'avenir, jouer à plein, afin de récompenser les efforts de gestion réalisés. J'ai du reste répondu à une question sur la somme de 300 millions d'euros devant la commission des finances.

Quant aux recettes, elles traduisent, dans leur ensemble, une amélioration de 150 millions d'euros par rapport aux prévisions du collectif. Ce résultat recouvre toutefois des évolutions de sens contraire.

D'une part, l'amélioration des recettes non fiscales par rapport à la prévision retenue en collectif s'élève à 1,2 milliard d'euros. L'ampleur de l'écart peut surprendre, mais il s'explique principalement par le versement d'une soulte de 640 millions d'euros par la SNCF, en contrepartie de la reprise de la dette du SAAD intervenue au 31 décembre 2007. C'est là une opération utile de clarification des relations entre l'État et la SNCF, qui met en cohérence le droit avec la réalité de l'engagement de l'État, lequel est, au demeurant, déjà retracé dans le compte général de l'État.

D'autre part, nous observons un prélèvement sur recettes supérieur de 600 millions d'euros par rapport au collectif, surtout concentré sur le FCTVA, et une moins-value limitée à 500 millions d'euros sur les recettes fiscales.

Ce résultat appelle deux observations de ma part.

Je tiens tout d'abord à souligner la bonne résistance des recettes à la dégradation de la conjoncture. L'impôt sur les sociétés s'inscrit en plus-value de presque 5 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale, soit un chiffre en retrait de 270 millions d'euros par rapport au collectif. Le produit du dernier acompte versé en décembre est en ligne avec les prévisions que nous faisions. C'est un signe encourageant sur la santé de nos entreprises, dans un contexte pourtant moins porteur.

La TVA, qui est un bon indicateur de la tenue de la consommation, est même légèrement supérieure à la prévision révisée en collectif. Les recettes nettes dépassent de 400 millions d'euros la prévision du collectif.

Le second constat, plus préoccupant, tient au « mitage » de l'impôt sur le revenu – nous avons déjà évoqué cette question. L'impôt sur le revenu net des remboursements et dégrèvements et des restitutions de primes pour l'emploi accuse une baisse de 1,5 milliard d'euros par rapport à l'évaluation retenue en loi de finances initiale. Un tel écart pose clairement la question du coût grandissant des crédits d'impôts, qui ont pour effet d'amputer l'assiette d'un impôt pourtant particulièrement dynamique. Ce sujet est du reste souvent abordé dans cet hémicycle et il le sera de nouveau dans le cadre du débat d'orientation budgétaire.

Nous ne pouvons évidemment pas éluder la question de l'inflation de la dépense fiscale. La dépense fiscale est une dépense. Elle est la soeur jumelle de la dépense budgétaire, avec, assurément, ses caractéristiques propres, mais également un coût tout aussi certain, et probablement moins prévisible, pour nos finances publiques.

Voilà l'essentiel de l'analyse qu'on peut retirer des résultats de l'exécution budgétaire.

Le volet comptable du projet de loi de règlement des comptes permet d'en donner un éclairage complémentaire. Toutefois, avant de l'aborder, je tiens à saluer le travail des administrations, qui ont permis de concrétiser cet apport important voulu par le législateur. Les comptes de ce deuxième exercice sont, de nouveau, le résultat d'une année d'efforts importants, pour consolider les acquis de ce qu'on a appelé et qu'on continue d'appeler le « big bang » comptable et, au-delà, faire progresser la qualité de l'information financière.

La Cour des comptes, dans sa mission de certification, nous a accompagnés dans cette démarche d'amélioration. Sur l'ensemble des ministères, plus de 90 % des recommandations formulées par la Cour dans son rapport de l'an dernier ont été mises en oeuvre. Elles se traduisent cette année par un enrichissement significatif des opérations enregistrées au bilan et des informations portées en annexe.

Par rapport à l'année dernière, les immobilisations ont fait l'objet d'un recensement plus systématique et leur valorisation a été améliorée. L'actif de l'État a ainsi été réévalué à 555 milliards d'euros contre 534 milliards dans les comptes de l'exercice 2006. La valeur des participations de l'État, en particulier, est revue à 159 milliards d'euros sous l'effet de leur bonne santé financière.

D'importants travaux ont aussi été engagés depuis l'an dernier, afin de mieux identifier les provisions et les dettes non financières de l'État. Ce qui nous conduit, au-delà de l'augmentation de la dette financière, à revoir à la hausse le montant du passif à 1 211 milliards d'euros.

Les progrès réalisés ont été reconnus par la Cour et ont permis de lever trois des treize réserves émises l'an dernier. La Cour en a toutefois introduit de nouvelles – nous devons tenir compte de la nouveauté du système qui, donc, évolue du point de vue du certificateur comme de celui du certifié –, nouvelles réserves qu'elle qualifie de non substantielles et qui ne diminuent en rien l'appréciation positive qui peut être portée.

La certification des comptes, pour la deuxième année consécutive, avec une réserve en moins par rapport à l'année dernière, doit nous encourager à continuer.

Le chantier comptable est d'ailleurs loin d'être achevé. Nous devrons poursuivre les efforts avec le concours de l'ensemble des ministères gestionnaires et l'appui du certificateur. C'est tout le sens des engagements que nous avons renouvelés auprès de la Cour, pour améliorer encore la qualité des comptes de l'État et parvenir, à terme, à la levée des réserves.

L'interprétation du résultat comptable enregistré en 2007 – soit moins 41,4 milliards d'euros – et, surtout, de son évolution par rapport à 2006 – moins 31,6 milliards d'euros –, mérite des explications. Il est en effet tentant, pour certains, dont j'imagine qu'ils ne sont pas présents, de contester la réalité de l'amélioration du déficit budgétaire en mettant en avant la dégradation du résultat comptable entre 2006 et 2007.

En réalité, la privatisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes à la fin de l'année 2005 et au début de l'année 2006 brouille les comparaisons. La seule différence du produit des cessions représente les trois quarts de l'écart de résultat entre 2006 et 2007.

Pour le reste, les différences ne sont pas significatives. Les tentatives de rapprochement avec le déficit budgétaire sont, en tout cas, rendues délicates par l'existence des provisions et des amortissements, notions complètement absentes de la comptabilité budgétaire.

Au-delà des comptes, le véritable enjeu du projet de loi de règlement porte sur la mesure de la performance de l'action publique. Avec la LOLF, le Parlement a voulu revaloriser la loi de règlement pour en faire le « moment de vérité budgétaire », le moment où le Gouvernement rend compte de sa gestion, ministère par ministère, et où le Parlement peut juger des résultats de son action.

Nous avons un peu manqué ce premier rendez-vous, l'an dernier, en raison des échéances électorales qui n'ont guère permis de travailler dans de bonnes conditions au mois de juin. Votre assemblée, cette année, a redéfini les choses avec l'organisation de dix auditions de ministres en commission élargie, et trois ministres vont même venir s'expliquer en séance publique.

Il vous appartient de distribuer les bons et les mauvais points. Je me contenterai, pour ma part, de vous livrer quelques éléments d'appréciation que m'inspirent, dans leur ensemble, les rapports annuels de performances, les RAP.

Les difficultés de démarrage sont tout d'abord derrière nous. L'exercice 2006 avait été largement marqué par les problèmes d'adaptation aux outils et aux systèmes d'information dus au passage à la LOLF. Je crois que nous sommes désormais sortis de cette période de rodage. Ensuite, la démarche de performance est mieux intégrée ; il s'agit d'un changement culturel très important pour l'administration. Il n'est plus question de vanter des taux de consommation de crédits de 99 %, mais de conforter la mise en oeuvre d'une stratégie à l'appui des moyens qui ont été alloués. L'analyse des indicateurs de performance témoigne enfin de résultats satisfaisants. Tous les objectifs fixés n'ont bien évidemment pas été atteints – qui pourrait le penser ? –, mais, dans l'ensemble, ils permettent de tirer un bilan positif de ce deuxième exercice.

Pour vous donner un aperçu des résultats sur l'ensemble des indicateurs de performance qui peuvent être exploités, on relève un taux de réalisation de 60 %, 20 % traduisent des progrès significatifs mais qui ne sont pas à la hauteur des cibles fixées et les 20 % restants ne traduisent pas de réelle amélioration. La répartition est similaire à celle de l'an dernier – 60 %, 20 %, 20 % –, mais elle couvre un champ bien plus large d'indicateurs puisque 80 % d'entre eux ont ainsi pu être analysés, contre la moitié l'année dernière.

La démarche de performance, qui est au coeur de la LOLF, vise à donner une traduction tout à fait concrète des résultats des politiques publiques. C'est une avancée majeure de transparence qui intéresse à la fois le citoyen, le contribuable et l'usager.

Ainsi, exemples parlants : l'objectif de baisse des crimes et délits a été dépassé ; l'objectif d'élucidation des affaires a été aussi dépassé ; les poursuites du parquet ont enregistré une amélioration, et ce « en ligne » avec les prévisions. Ce sont quelques bons résultats de la mission relative à la justice.

Je terminerai mon propos en soulignant que la recherche de résultats n'est pas exclusive de la préoccupation de la maîtrise de la dépense publique, les deux démarches vont même de pair. Il est possible de faire mieux au bénéfice de l'ensemble des Françaises et des Français, qui sont contribuables en même temps qu'usagers. Il est possible de faire mieux à un meilleur coût pour le contribuable.

Les bilans stratégiques établis par certains responsables de programmes font d'ores et déjà ressortir le souci d'une meilleure efficacité de la dépense. La réduction des effectifs n'est pas inconciliable avec l'amélioration des résultats. L'exercice se solde par une suppression de 15 000 équivalents temps plein travaillés, conforme à l'objectif initial de 15 000 ETPT, chiffre supérieur aux 9 500 ETPT supprimés en 2006.

Nous pouvons encore amplifier ces efforts à la fois pour renforcer la qualité, l'organisation et la productivité du service public. Les travaux de la révision générale des politiques publiques nous permettront d'aller plus loin – je le constate chaque jour dans les négociations préparatoires au budget pour 2009 que j'ai avec l'ensemble des membres du Gouvernement.

Je vous donne donc rendez-vous cet automne pour en concrétiser les résultats et, sans attendre, dans les prochains jours, pour débattre des orientations sur nos finances publiques pour les années 2009, 2010 et 2011. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

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