Le Comité de massif des Alpes, que j'ai l'honneur de coprésider avec le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, coordinateur de massif pour le compte de l'État, a approuvé à l'unanimité, il y a maintenant un an et demi, un schéma interrégional de massif arrêtant les priorités en matière d'infrastructures.
La mise à niveau des infrastructures existantes doit tout d'abord s'accompagner d'une maîtrise du trafic des poids lourds. De ce point de vue, je partage totalement les recommandations faites par Jean-Claude Guibal : la mise au gabarit en matière de sécurité et la modernisation d'une infrastructure ne doivent pas se traduire par une augmentation du trafic de poids lourds. Cela est vrai pour les grands cols alpins et les itinéraires des Alpes du Sud, mais cette remarque vaut également pour le col du Mont-Cenis en Savoie.
Cette modernisation des infrastructures doit se poursuivre par la réalisation attendue de la galerie de sécurité du tunnel du Fréjus, qui doit nous mettre à l'abri d'un accident similaire à celui que nous avons malheureusement connu il y a un peu plus de deux ans et qui a coûté la vie à trois personnes ; elle doit surtout aboutir au basculement des flux vers le trafic ferroviaire : rappelons qu'en 1970, les trois quarts du trafic de marchandises entre la France et l'Italie empruntaient le rail alors qu'aujourd'hui les deux tiers passent par la route !
Cette affaire relève des compétences du ministère des affaires étrangères à plusieurs titres. Pour commencer, la parcellisation actuelle des compétences entre les différentes commissions intergouvernementales, sans coordination systématique entre ces CIG, constitue un sérieux handicap en ce qu'elle ne nous permet pas de vision globale des transports alpins. En effet, outre la CIG pour les Alpes du Sud – la dernière en date, vous l'avez rappelé, madame la secrétaire d'État –, il en existe une pour le tunnel du Mont-Blanc, une autre pour le tunnel du Fréjus, une enfin pour le tunnel ferroviaire du Mont-Cenis : nous en sommes à quatre structures intergouvernementales consacrées aux problèmes de sécurité et de gestion des flux dans un seul massif, alors que toute décision prise à un endroit a des répercussions sur tout le reste du secteur. C'est pourquoi les élus du massif alpin souhaitent aujourd'hui une coordination du travail de l'ensemble des CIG, à tout le moins une simplification de ces structures.
Le projet ferroviaire Lyon-Turin, très attendu, concerne également votre ministère. Notre collègue Alain Bocquet en a rappelé le cheminement. Des avancées importantes ont eu lieu, à l'initiative du Gouvernement : je pense notamment à la décision de demander à l'Union européenne de contribuer à hauteur de 725 millions d'euros à la réalisation du tunnel de base. Les autorités européennes auraient accepté, si j'en crois les propos tenus au président du conseil italien Romano Prodi par le président de la Commission européenne la semaine dernière.
Mais l'intervention de l'Union européenne ne réglera pas tous les problèmes : il restera à trouver le financement des contreparties nationales, à désigner un opérateur et sans doute à monter un partenariat public-privé. Mais ce qui importe dans l'immédiat, madame la secrétaire d'État, c'est de graver dans le marbre et de ratifier le mémorandum d'entente franco-italien signé entre nos deux pays à l'initiative de la CIG, et qui répartit les financements du tunnel de base à hauteur de 37 % pour la partie française et de 63 % pour la partie italienne. Cela suppose de négocier un avenant au traité de Turin signé en 2001 et ratifié par les Parlements français et italien. Nous souhaitons que cette démarche puisse être proposée au prochain sommet franco-italien.
Est également posée la question de l'autoroute ferroviaire alpine expérimentale. Sa mise en service, dans un délai de dix-huit à vingt mois, suppose l'achèvement des travaux de modernisation du tunnel historique du Mont-Cenis. Ce tunnel, dont la construction a été décidée en 1853 et dont on a fêté au mois d'août le cent cinquantième anniversaire des premiers travaux, doit être agrandi au gabarit B 1 afin de permettre un meilleur transfert du trafic de poids lourds vers le rail. Cela suppose la réalisation dans l'est lyonnais d'une nouvelle plate-forme de chargement complétant celle d'Aiton-Bourgneuf dans la vallée de la Maurienne et le Val Gelon. Il importe que cette démarche soit engagée, et que nous puissions établir avec notre partenaire italien de nouvelles relations pour améliorer le débit et la compétitivité de l'autoroute ferroviaire alpine, dont la phase d'expérimentation va s'achever au cours de l'année 2008.
Ces exemples vous montrent combien les attentes sont nombreuses à l'égard du ministère des affaires étrangères et du Gouvernement dans son ensemble. Les problématique des transports dans le massif alpin tient d'abord, je le répète, à la fragilité des échanges actuels. Elle impose ensuite qu'on anticipe l'évolution des trafics. Mais les problèmes sont également d'ordre environnemental, dès lors que les deux principaux tunnels routiers qui concentrent une grande partie des flux, le tunnel du Mont-Blanc ou celui du Fréjus, traversent des sites aussi remarquables que le Mont-Blanc ou le parc national de la Vanoise en France et le parc national du Grand Paradis en Italie pour le second.
Le littoral lui-même souffre d'un accroissement régulier du trafic de poids lourds, qui devient insupportable pour les populations riveraines et dont la cause tient précisément aux normes et réglementations nouvelles que nous avons édictées en matière de sécurité pour le tunnel du Mont-Blanc et celui du Fréjus… Cet exemple prouve la nécessité d'une vision globale en la matière : les nouveaux dispositifs de sécurité accroissant les délais de transit par les tunnels, les camions se reportent sur le littoral – entre Barcelone et Milan, qu'on passe par le littoral ou par les grands tunnels alpins, la différence est seulement d'un quart d'heure.
Tels sont, madame la secrétaire d'État, les quelques éléments dont je souhaitais faire part à l'occasion de la discussion de ce projet de ratification de l'accord relatif au tunnel de Tende. Cette préoccupation est bien évidemment celle des députés du groupe UMP, et au-delà de l'ensemble de la population et des élus du massif alpin, qui se sont engagés sur les priorités : modernisation des infrastructures existantes, puis réalisation de la liaison Lyon-Turin. C'est pourquoi nous espérons que le Gouvernement nous entendra et que, au-delà de cet accord, la négociation d'un avenant au traité franco-italien sera engagée dans les meilleurs délais. En attendant, le groupe de l'Union pour un mouvement populaire apporte un soutien total à cet accord. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)