Je sais que le terme de « contreparties » est discuté, voire contesté. Pour moi, il est juste. Le fait est, lui, indiscutable : cette libération a donné lieu à des négociations et elle n'a pu se conclure sans concessions à la Libye. À ce jour, les grandes lignes des contreparties accordées par l'Union européenne à la Libye semblent connues, le « mémorandum sur les relations entre la Libye et l'Union européenne », signé le 23 juillet 2007 à Tripoli par Benita Ferrero-Waldner et Abdelati Al-Obeidi, secrétaire d'État aux affaires européennes de Libye, ayant été rendu public par la présidence portugaise de l'Union. Cette volonté de transparence à l'échelle de l'Union n'a pas tout à fait trouvé son pendant à l'échelle nationale, et les contreparties accordées par la France à la Libye pour obtenir la libération des otages suscitent encore bien des interrogations. Je note toutefois, monsieur le ministre, que vous avez ouvert devant la représentation nationale des pistes à ce jour inédites.
Quelle est la nature de la coopération entre la France et la Libye dans le domaine nucléaire ? Le secrétaire général de l'Élysée, M. Claude Guéant, a évoqué le projet d'une nouvelle installation qui serait consacrée au dessalement de l'eau de mer pour la production d'eau potable, projet formalisé dans un « mémorandum d'entente sur la coopération dans le domaine des applications pacifiques de l'énergie nucléaire », et confié au constructeur français Areva. Dans la mesure où – c'est une litote – le régime libyen ne correspond pas exactement aux normes qui sont les nôtres en matière d'État de droit, nous devons être vigilants sur le contenu de cet accord et garantir sa conformité avec nos engagements dans le domaine de la non-prolifération nucléaire.
En ce qui concerne l'accord de coopération dans le domaine de la défense et du partenariat industriel de défense entre la République française et la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste, signé à Tripoli le 25 juillet 2007, le voile a été en partie levé sur cet accord avec la publication du décret, le 9 octobre, mais sa genèse reste à explorer – selon vous, elle avait commencé en 2004, et en 2006 pour le nucléaire – ainsi que son articulation avec la libération des infirmières et les perspectives en matière de défense.
La convocation d'une commission d'enquête parlementaire devrait aussi permettre d'en savoir plus sur les autres accords de coopération. Il lui faudra démêler, dans les contreparties accordées à la Libye, le commercial de l'humanitaire et l'industriel du médical.
J'en viens à la dernière piste à explorer. La commission d'enquête devra aussi examiner la nature des relations entre le régime libyen et la France. Il ne s'agit pas de remettre en cause les orientations de notre politique étrangère, car ce n'est pas le rôle d'une commission d'enquête, mais de comprendre les raisons et l'ampleur d'une réconciliation avec un régime controversé dont vous fûtes, monsieur le ministre, l'un des principaux contempteurs et qui, s'il ne fait plus l'objet d'un embargo sur les ventes d'armes depuis 2004, s'est affranchi des règles internationales pendant de nombreuses années. Cette évolution est sans doute salutaire, mais il reviendra à la commission d'examiner si la France a obtenu de la Libye des garanties suffisantes en matière de respect des droits de l'homme et du droit international, pour déterminer jusqu'où peut aller notre coopération avec le régime libyen.
J'aimerais dire quelques mots sur l'état d'esprit dans lequel le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche aborde cet exercice parlementaire. Une commission d'enquête a pour objectif d'établir des faits, de rechercher la vérité, d'éclaircir des zones d'ombre. C'est un travail précis, factuel, minutieux, qui doit être effectué dans un temps limité et qui obéit donc à une exigence d'efficacité. Une commission d'enquête n'est pas un procès, elle ne sert pas à nourrir une confrontation politique.